SURNOMBRE DES MÉDECINS—Mode d’emploi en question Émigration professionnelle et “part-time job” suggérées

La polémique autour du récent recrutement des médecins de l’État a mis en lumière un problème sur lequel le MC attire l’attention depuis plus de trois ans, à savoir le nombre grandissant de diplômés en médecine arrivant sur le marché du travail et dont la grosse majorité éprouvent des difficultés à démarrer leur carrière. Tout en reconnaissant que l’État n’est pas obligé de donner de l’emploi à ces jeunes, plusieurs professionnels de la Santé estiment cependant que le gouvernement pourrait leur donner un coup de pouce et que cette aide pourrait se traduire de différentes manières. Tandis que l’idée de perspectives d’emploi à l’étranger et, plus précisément, en Afrique, aux Seychelles et en Arabie saoudite refait surface, le Dr Vasant Bunwaree, ancien ministre de l’Education, et qui a débuté sa carrière de spécialiste dans le service public, suggère, lui, une politique de « part time job » dans les hôpitaux durant une période déterminée pour permettre aux nouveaux d’acquérir de l’expérience professionnelle aux côtés des médecins chevronnés. Il affirme que sa proposition peut être une “win-win situation” pour le gouvernement et pour ces médecins. Il compte d’ailleurs en discuter avec le ministre des Finances.
Ce n’est pas la première fois que les décideurs politiques évoquent l’option de l’émigration professionnelle des médecins dans des pays amis comme une solution au problème du surnombre de médecins. L’an dernier, lors de la 18e conférence de l’Association of Medical Councils of Africa (AMCOA), qui s’est tenue à Maurice, Lormus Bundhoo, le ministre de la Santé d’alors, avait annoncé la signature d’un accord avec le Mozambique allant dans cette direction. Par la même occasion, il avait insisté sur l’urgence d’une réflexion en profondeur sur le surnombre de médecins en se demandant si le pays pouvait continuer à « diplômer chaque année 500 médecins » et si l’État avait les moyens financiers « de les employer tous ». Pour sa part, le vice-Premier ministre Showkutally Soodhun, qui était en Arabie Saoudite il y a 15 jours, annonce le possible emploi de 500 médecins dans ce pays du Golfe l’an prochain.
Quelques médecins chômeurs que nous avons interrogés ne témoignent pas d’un grand enthousiasme face à cette proposition d’émigration professionnelle. « Si pena nanryen pou nou dan nou pei, nou pou oblize alle. Nous n’avons pas le choix », disent ces jeunes, qui ont terminé leur internat depuis deux ans. « Après des études en Russie, on a envie de se replonger dans la vie familiale et sociale du pays. J’aurais préféré démarrer ma carrière dans l’environnement local et aller travailler ailleurs plus tard s’il le faut », ajoute l’un d’entre eux, qui avait postulé aux derniers recrutements du ministère de la Santé.
« En fait, il ne devrait pas y avoir de médecin chômeur. La personne qui a son “registration” peut se mettre immédiatement à son propre compte », dit d’emblée Vasant Bunwaree, leader du Mouvman Militan Travayis. Cependant, le spécialiste en cardiologie reconnaît que les nouveaux venus dans la profession médicale arrivent aujourd’hui difficilement à se faire une clientèle dans le privé, les patients préférant avoir recours à un généraliste d’expérience. Le praticien ne croit pas que l’émigration professionnelle pour les débutants « serait une bonne chose » en raison, selon lui, de leur manque d’expérience dans le métier. À quoi donc a servi l’internat s’ils ne sont pas prêts pour affronter les imprévus ? « L’internat fait partie des études et l’aspirant médecin est toujours en formation. Il est vrai que, durant ce stage, il commence à avoir des responsabilités, mais il n’agit pas seul dans le traitement d’un malade. Ce sont les supérieurs qui prennent les responsabilités à sa place », répond Vasant Bunwaree au Mauricien. Selon ce dernier, le jeune qui part en Afrique serait « on his own » et risquerait d’être confronté à certaines situations qu’il n’a jamais vues, allant même jusqu’à hésiter en prescrivant les traitements. « Mais s’il part à l’étranger après quelques années de métier, il exercera avec beaucoup plus d’assurance », soutient le médecin.
Le Dr Bunwaree suggère à l’État d’offrir un « part-time job » aux… 450 médecins qui ne travailleraient pas en ce moment ainsi qu’à ceux qui termineront leur internat dans les trois années à venir et qui seraient confrontés au même problème. Il propose la formule d’une « session de quatre heures » pendant la journée et une participation au service de nuit à chaque médecin sur une base rotative, afin que tous aient la possibilité de bénéficier de cette expérience en milieu hospitalier. En raison du nombre élevé de personnes en rotation, il suggère que le « part-time job » pour chaque médecin dure un maximum de quatre ans afin de donner le temps à ces médecins de travailler dans tous les départements ainsi que dans les hôpitaux spécialisés. « Cette période paraît longue mais, en fait, le médecin ne serait pas là tous les jours de la semaine parce qu’il doit attendre son tour. Dans le système que je propose, les médecins auront déjà obtenu leur “full registration” et pourront agir seul tout en bénéficiant du savoir-faire aux côtés des séniors. Certains partiront avant quatre ans pour ouvrir leur propre cabinet ou pour prendre de l’emploi dans le privé, mais le système doit continuer pour ceux qui viendront après », explique le Dr Bunwaree, en affirmant qu’un tel système existe dans plusieurs pays. Le ministère de la Santé pourrait alors, poursuit-il, intégrer les 60 recrues contestées dans cette formule, étant donné qu’ils sont employés « on a month to month basis ». « Cela mettra fin à la polémique et à la frustration parmi ceux qui n’ont pas été choisis. Il n’y aura plus de privilégiés et tout le monde sera sur le même pied d’égalité », estime le Dr Bunwaree. Ce « part-time job » à 450 médecins résoudrait aussi, selon lui, le problème de manque aigu de généralistes dans les hôpitaux et permettrait au ministère d’introduire le « shift system » pour les médecins, comme recommandé par le PRB.
Selon les calculs du Dr Bunwaree, cette proposition coûterait environ Rs 100 M par an pour 450 médecins. Reste à savoir si le gouvernement a les moyens financiers d’offrir un « part-time job » à 500 médecins… « J’ai été ministre des Finances et je sais comment on peut trouver de l’argent. En ne renouvelant pas le contrat mensuel de ces 60 médecins et en réduisant le coût des overtimes, le ministère pourrait faire des économies », explique-t-il.
Cette suggestion enchante quelques jeunes médecins chômeurs et leurs parents. « Je ne suis pas un partisan de Vasant Bunwaree, mais je trouve que c’est une bonne proposition, qui semble juste, et que le ministère ne devrait pas l’ignorer. Il faut creuser cette idée », est d’avis un père de famille.

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