SUSHEELA RAMAN : « Je reviendrai à Maurice pour chanter « Paal ». »

C’est dimanche dernier que j’ai rencontré Susheela Raman, première artiste internationale à avoir été censurée à Maurice. Samedi dernier, en effet, au milieu du concert qu’elle donnait devant une salle comble, au MGI, l’artiste avait annoncé que des représentants d’une association socioculturelle lui avait interdite d’interpréter deux chansons de son répertoire. Censure qui avait été acceptée par l’organisatrice du concert à Maurice, l’agence Immedia. La rencontre s’est déroulée au Long Beach Hotel où la chanteuse et ses musiciens ont résidé lors de leur court et intense —  toujours dans le bon sens du mot — séjour mauricien.
J’ai découvert Susheela Raman il y a plus de dix ans. V. un jeune ami qui est toujours au courant de ce qu’il faut écouter, lire ou voir, m’avait recommandé l’écoute de Salt Rain, le premier album d’une anglaise d’origine indienne qui faisait ce que l’on commençait alors à appeler de la musique fusion indo-britannique. Un genre né dans les années 70, quand les Beatles, suivis d’autres groupes musicaux, avait inclus dans leurs chansons les sonorités de sitar et de tabla. Un mélange précurseur du fameux mariage tabla, guitare, ravanne, sitar des beaux — et brefs — jours de la chanson engagée mauricienne. Salt Rain était plus vigoureux musicalement que les premiers Beatles, mais beaucoup moins que Vel, le dernier CD de Shuseela Raman et tout son répertoire. En entendant cette entrée en matière, la chanteuse, qui est accompagnée de Sam Mills, son compagnon, coauteur, musicien et producteur, rit et joue avec sa tignasse de cheveux bouclés. « C’est forcément différent. Salt Rain, c’était en 2001. Depuis, ma musique a évolué. C’est une évolution naturelle. Avec le temps, on avance sur le chemin. Je pense qu’un des tournants de mon évolution musicale a été ma redécouverte de l’Inde pour essayer de me reconnecter avec mes racines indiennes. » Les avez-vous retrouvées, ces racines ? « J’ai envie de vous demander lesquelles dans la mesure où nous avons de multiples racines en nous. Il ne peut pas y avoir de réponse définitive à cette question dans la mesure où se reconnecter avec ses racines, ou tout simplement les découvrir est une recherche infinie. Disons que dans cette recherche, j’ai trouvé certaines réponses et que je continue à chercher les autres. » Susheela Raman est née à Londres de parents venant du Tamil Nadu qui sont ensuite allés s’installer à Sydney, en Australie. Dans lequel de ces trois pays  vous sentez-vous plus at home ? « Dans les trois. J’appartiens, je me sens bien dans ces trois pays et dans le reste du monde comme beaucoup de personnes de ma génération. » Elevée en Australie, Susheela Rama développe, bien jeune, un goût pour la musique qui va la conduire à créer son propre groupe musical qui a des influences funk et rock & roll, au départ, avant de glisser vers le folk. Mais dès son enfance, Susheela va également s’intéresser à la musique carnatique, un style musical indien né et développé dans les Etats du sud de la grande Péninsule dont sont originaires ses parents qui, après leur retraite, ont quitté l’Australie pour retourner au Tamil Nadu. Des parents qui, soulignent les biographes de Susheela Raman, appartiennent à la caste des brahmines. Cette appartenance est-elle importante pour vous ? « Elle existe et je ne la renie pas. Cela n’a pas une importance particulière pour moi. Je n’aime pas les frontières, l’enfermement quels qu’ils soient. Je fais de la musique en essayant de connaître et de travailler avec autant de musiciens aux cultures différentes pour apprendre d’eux, m’enrichir et partager ce que je fais. Je ne veux pas rester confinée dans une culture, dans un style, mais je veux m’ouvrir aux autres. C’est ce que je fais en Inde en allant à la rencontre d’autres styles de musiques que celle du Tamil Nadu. » Le premier voyage en Inde de Susheela Raman date de 1995, c’est une quête initiatique pour retrouver ses racines.  « J’ai eu, au départ, des influences musicales folk, rock, blues, pas du jazz en dépit de ce que l’on dit souvent. J’ai aussi été influencée par la musique et les chants du Tamil Nadu, les devotionnals songs carnatiques que m’apprenait ma tante en Australie. Ma famille fait partie des immigrés qui ont essayé d’inculquer leur culture ancestrale à leurs enfants sans pour autant rejeter celle des pays où ils se sont installés. C’est ce qui explique que malgré une pratique musicale anglo-saxonne, au départ, au cours de mes jeunes années en Australie, j’ai toujours été attirée par la musique indienne. Ce qui explique mon voyage retour aux sources en Inde, plus précisément au Tamil Nadu en 1995. » La chanteuse va passer de longs mois au Tamil Nadu pour se plonger dans l’étude de la musique carnatique et fait la connaissance de celui qui va devenir son compagnon : Sam Mills. Ce guitariste et compositeur britannique travaillait déjà avec des artistes indiens et avait composé des chansons et de la musique de films. Ils vont ensemble poursuivre leurs recherches musicales avant de produire le premier album de Shuseela Raman, Salt Rain. Lancé en 2001, cet album, qui mélange la musique traditionnelle tamoule avec des influences folk et pop, décroche plusieurs prix en Europe et fait de son interprète une vedette internationale. Dont la popularité va croître avec les albums suivants : Love Trap (2003) ; Music for Crocodiles (2005); 331?3 (2007); Collage (2009) et Vel, sorti l’année dernière.
 

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