SYNDICALISME: Combattre pour des principes

Pour eux, la justice doit prévaloir en toutes circonstances. Et c’est pour lutter contre la répression à l’égard des travailleurs qu’ils sont souvent en situation conflictuelle avec les employeurs ou l’État. Les syndicalistes Rehana Abdool Gafoor, Jane Ragoo, Atma Shanto et Indiren Carpanen nous livrent leurs sentiments…
“J’aime le travail que je fais car j’aime aider les autres.” C’est ce que nous déclare Jane Ragoo, syndicaliste à la Confédération des Travailleurs du Secteur Privé (CTSP). Son engagement est une source de pressions quotidiennes, qui la poussent souvent à l’insomnie. Le soutien de sa famille l’aide à tenir le coup, comme sa foi en Dieu. “Quand je serai dans l’autre monde, Dieu verra tout ce que j’ai pu accomplir pour redonner le sourire aux autres. Même si je n’ai pas toujours réussi, Il sait que j’ai fait mon possible”, soutient-elle. Forte de ses convictions, Jane Ragoo sera aux côtés de Rehana Abdool Gafoor (Ameer) ce vendredi 9 décembre pour entamer une grève de la faim avec l’ex-employée de la MBC. 
Cette dernière semble être aussi sereine que Jane Ragoo. Après avoir clamé son innocence dans le litige qui l’oppose depuis un an à la MBC, cette grève de la faim est son ultime recours pour faire entendre sa voix, dit-elle. Elle espère toutefois que le bon sens va prévaloir et qu’une solution sera trouvée. Rehana Abdool Gafoor se dit lasse de ne toujours pas avoir obtenu sa réintégration à la station de radiotélévision. Et surtout de constater qu’en dépit du rapport du magistrat Denis Vellien, qui reconnaît des vices de procédures dans sa suspension et son licenciement, la direction de la MBC et le gouvernement ne lui ont proposé qu’une indemnisation et un emploi dans un autre corps paraétatique. Mais elle ne l’entend pas de cette oreille, estimant que sa dignité n’est pas respectée.
Émotion
“Je me bats pour un principe. La compensation ne m’intéresse pas. C’est ma réintégration que je veux. Le rapport Vellien est venu désavouer la direction de la MBC. Si j’avais commis une faute grave, on ne m’aurait pas proposé de travailler ailleurs, dans un autre département paraétatique. Mon licenciement est comme une punition, alors que je n’ai rien fait”, affirme-t-elle. Cette situation est pénible à vivre, tant sur le plan moral que financier. Elle admet que sans le soutien de ses proches, elle n’aurait jamais eu le courage de se battre aussi longtemps et envisager cette grève de la faim. 
À quelques jours du début de cette mobilisation collective en sa faveur, Rehana Abdool Gafoor se disait sereine : “Je me suis préparée; je vais le faire. Je n’ai pas peur.” Ses parents, bien qu’inquiets pour sa santé, lui prodiguent des conseils. “Jusqu’à présent, j’ai survécu à tout ce qu’on m’a fait subir. Mon licenciement est un coup bas et c’était vraiment injuste”, ne cesse-t-elle de clamer. Le soutien de ses proches et celui “d’une personne spéciale” l’aident à garder le moral, même si au début de l’entretien, elle avait la voix cassée par l’émotion en se remémorant tout ce qu’elle a enduré.
Courage
Cette répression à l’égard des syndicalistes en général semble s’être accentuée surtout depuis la promulgation des nouvelles lois du travail, l’Employment Rights Act (ERA) et l’Employment Relations Act (IRA), qui protégeraient davantage le patronat que les salariés. C’est ce que soutiennent Jane Ragoo et Rehana Abdool Gafoor, tout comme Indiren Carpanen et Atma Shanto. Ce dernier a récemment été arrêté manu militari avec d’autres syndicalistes, pour avoir manifesté pacifiquement devant le Parlement. Il constate que “de jour en jour, la situation devient de plus en plus difficile dans le monde du travail”.
Atma Shanto note par ailleurs que de plus en plus de salariés refusent d’intégrer les syndicats, par peur de représailles, alors qu’il est prévu dans la loi qu’ils ont le droit de le faire, sans subir de pression de la part de leurs employeurs. “Mais la réalité est différente”, s’insurge Atma Shanto. Une situation que déplore également Jane Ragoo : “Nous vivons une situation sans précédent et nous subissons d’énormes pressions.” Il lui arrive alors de ne pas trouver le sommeil, à cause des cas non résolus dont elle s’occupe. “Je me lève parfois au milieu de la nuit pour travailler, ce qui est dérangeant et embêtant pour ma famille.” Néanmoins, son époux et ses enfants la soutiennent constamment, lui donnant ainsi le courage de continuer son combat.
Solidarité
Atma Shanto souligne aussi qu’au travail, “les représentants syndicaux sont les cibles des patrons”. “Nombreux sont ceux qui ont perdu leur emploi dans le secteur privé”, ajoute-t-il, avant de dénoncer les méthodes de la police envers les syndicalistes, “qui ont changé”. Face à ce qu’il appelle “l’arrogance et l’agressivité des policiers”, Atma Shanto est convaincu que “la répression bat son plein”. “Mon arrestation a été un choc pour moi”, avoue-t-il.
Mais au lieu de le décourager, cette épreuve l’a rendu encore plus serein : “Cela m’a donné du courage pour continuer. La justice sociale doit primer. Il n’est pas possible que les travailleurs, qui sont au centre de la richesse du pays, ne bénéficient pas d’une plus grande considération, et que l’écart entre riches et pauvres continue à augmenter.”
Indiren Carpanen, militant syndical, s’est battu pour la sauvegarde des acquis des travailleurs. Qui ont été obtenus “après maints combats par nos prédécesseurs, et grâce à leur lutte pour plus d’humanité et de progrès”. Licencié lui-même par Mauritius Telecom en 2008, ce sont les nombreux témoignages de soutien qu’il a reçus qui lui ont permis de tenir le coup, comme Rehana Abdool Gafoor aujourd’hui. Indiren Carpanen se battait alors contre la privatisation de MT et des autres corps para-étatiques. Comme elle, il a dû faire face à des contraintes financières qu’il a pu surmonter, non sans peine. “J’ai toujours gardé le moral car j’étais bien entouré.” Et, comme pour nos autres interlocuteurs, le soutien familial a été primordial. 
D’un combat à l’autre, sans l’engagement sans faille de ces femmes et de ces hommes, la lutte pour le bien-être des salariés et des travailleurs mauriciens serait perdue d’avance. Jane Ragoo soutient toutefois que s’il y avait davantage de solidarité entre les travailleurs, “ek montre ki li pe soufer, boukou kitsoz ti pou kapav sanze”.

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