TECHNOLOGIE — DE IP À IPV6: Une brève histoire d’Internet

Le directeur d’Afrinic Adiel Akplogan chapote de son quartier général à Ébène la Ressource internet pour l’Afrique. Un “R” majuscule justifié puisqu’ils sont 34 dans cette compagnie à gérer le protocole IP pour la région. M. Akplogan explique en quoi l’IP est le sang du réseau. Récapitulatif du principe Internet et projection vers l’avenir : IPv6 !
Internet… Un produit de consommation au même titre que la machine à laver, le robot qui tranche de légumes, la télévision, la table, les chaises, le mobilier, l’électricité. De ce fait, on ne sera que quelques geeks – personnes ayant un intérêt quasi-obsessionnel pour la chose technologique – à aller chercher « le comment du pourquoi ». Il y a des questions qu’on ne se pose pas. Manque de curiosité ? Ou simplement ne se dit-on pas que « cela doit être simple comme la roue »… Mais l’Internet évolue. On parle de changement de protocoles, de bouleversement d’IP à IPv6.
Afrinic, société responsable du « registre pour l’Afrique » et dont le directeur est Adiel Akplogan, occupe d’ailleurs l’espace médiatique. Avant d’en savoir plus sur IPv6, il faut expliquer Internet.
Principe
Quel est le but d’un réseau ? L’échange. Ainsi, on retiendra de la compagnie des eaux le devoir de dispatcher l’eau aux quatre coins du pays. La Central Water Authority (CWA), par exemple, entretient un réservoir – infrastructure de stockage de la commodité en question – et maintient un réseau de tuyauterie. Idem pour la Central Electricity Board (CEB) où la commodité de base est l’électricité. Dans ces cas précis, plus d’une société ne peut coexister. Il s’agit d’entreprises tentaculaires ; on pourrait mal imaginer un pvc de la CWA s’entremêlant avec les installations du concurrent.
Internet n’est pas tentaculaire. Et c’est sans doute là une source de confusion. Plusieurs Internet Service Providers (ISP) peuvent se disputer un même territoire. Pour « faire simple », on pourrait dire que l’infrastructure est moins encombrante.
La commodité reste néanmoins aussi liquide que l’eau, insaisissable que l’électricité. Cette commodité que l’on dit « information » se décline en des couches diverses et variées : données numériques, images, sons… Et l’on parle de multimédia. Ainsi quand on envoie un courriel, on envoie une information vers une autre adresse. L’information passe par la table de « routage » du ISP. Ce trafic est ensuite transmis à un autre ISP et ainsi de suite jusqu’à ce que la magie opère. L’e-mail trouve l’ISP qui correspond au destinataire et en quelques secondes, « vous avez reçu un nouveau message ». Pour ce qui est de l’accès à un site web, on tape l’adresse et on est redirigé – le temps que le tout « load » – vers la somme d’informations proposées. Rien de sorcier…
Ce que l’Internet a de commun avec la CWA et la CEB, c’est que pour chaque terminal, il faut une adresse, un identifiant. Néanmoins, le numérique, comme l’appellation l’indique, ne comprend que les chiffres. Il ne peut comprendre une adresse du type « 8, Rue St Georges, Port-Louis ». Il faut que l’on transforme cette adresse un chiffre unique. Chaque terminal – identité physique, hardware – est attribué un numéro, comme c’est le cas pour le téléphone.
Codes
Le protocole Internet est le protocole utilisé pour le transport et l’échange de données sur Internet. Le protocole Internet fixe notamment les échanges d’information s’effectuant entre un navigateur appelant une page et le serveur qui l’héberge. Ce protocole implique que, à l’instar du téléphone, le nom de la page, la boîte mail du navigateur, la page d’accueil, le web browser, en somme toutes les identités qui procèdent à l’échange, au « dialogue » – soit attribué un identifiant unique. C’est cela l’adresse IP, le numéro de téléphone Internet.
Rappel des procédés, à partir d’un ordinateur lambda connecté à Internet. Une recherche Google est lancée. Le navigateur tape « pommes de terre ». La requête – c’est-à-dire le p, o, m,… – est codée, transformée en données. Comme une lettre, elle est envoyée avec l’IP address du navigateur vers l’ISP. Ces données sont ensuite patchées vers l’IP address du serveur qui héberge Google, grâce à une table de routage.
La table de routage est comme un policier au carrefour, il dirige la donnée sortante vers sa destination. Une donnée peut voyager de table de routage en table de routage jusqu’à destination. Et lorsque la « lettre » arrive, une réponse lui est attribuée et est renvoyée par le chemin inverse. Au dos de l’enveloppe, l’IP address du navigateur lambda. Aucun problème pour la deuxième série de données de retrouver son chemin.
Sauf que voilà, le registre des adresses IP s’épuise. Pourquoi ? Par exemple si on utilise un code à six chiffres pour définir IP, au 999999e utilisateur, on est complètement saturé. C’est l’exemple que prend Adiel Akplogan qui explique vers quoi le célèbre protocole évolue.
Afrinic
Afrinic forme partie des quatre sociétés mondiales responsables du registre des adresses IP. Il existe qu’un seul registre pour l’Asie, l’Amérique du Nord, l’Europe et pour l’Afrique à travers la société d’Adiel Akplogan depuis 2004.
Il incombe ainsi à Afrinic la responsabilité de livrer les adresses IP aux divers Internet Service Providers de la région africaine (voir hors-texte) et de faire la promotion d’IPv6. Adiel Akplogan confirme que le protocole IP sature. Oui, mais on aurait qu’à ajouter des chiffres par derrière et le tour est joué. « Justement, depuis la création d’Internet, il n’existe qu’un seul protocole : IP. Au cours de son histoire, il a subi divers patching afin d’étendre ses capacités. C’est ainsi qu’on en est aujourd’hui à l’IPv4 qui soutient l’Internet moderne. »
Pourquoi donc bouger à l’IPv6, que peut-il proposer de différent ? « Déjà l’IPv4 ne pourra soutenir plus de 4 milliards d’utilisateurs. La nouvelle génération d’Internet ira au-delà de cette plage. » Oui, mais, c’est la même chose avec plus de chiffre ? Non, justement, la demande pour une plus large plage rappelle l’enjeu : il faut revoir le protocole dans son entièreté car, d’un, l’IPv4 est appelé à disparaître – « Dans cinq à dix ans, ceux qui désirent rester sur l’IPv4 ne pourront surfer sur les pages IPv6 » – et deuxièmement, l’IPv6 propose une refonte complète du protocole. De quoi s’agit-il ?
Redéfinir un protocole implique de le réétudier dès l’origine. Pour bien comprendre, il faut se pencher sur le parcours d’IP. À partir de sa version de base, sont graduellement venues se greffer des applications annexes qui ont permis d’inclure le son, l’image, en tentant d’éliminer progressivement le temps de latence (le décalage entre l’image et le son). Mais Internet devient de plus mobile, entre autres. « Avec les smartphones, le hardware se met à bouger de région en région. Le principe veut que l’on garde son identité IP qu’importe l’endroit où l’on se trouve ». L’IPv6 intégrera ses avantages à la mobilité de façon « native » ; il pourra crypter les paquets dès l’origine, sans se référer à un patch, comme c’était le cas pour l’IPv4.
L’IPv6, en quoi c’est mieux pour l’utilisateur ? Il permettrait un Internet plus efficace en termes de mobilité et de régler le temps de latence, d’un service souvent asynchrone – où l’image arrive avant le son – vers un service « synchrone », comme dans « synchronisé ». Graduellement, l’IPv6 contribuera à une meilleure offre Internet dans l’ensemble. Y a-t-il urgence de basculer sur ce système ? Afrinic « est un des premiers registres à être engagé sur ce protocole futuriste ». Pourquoi ? « L’Afrique est la région qui va atteindre le plus de gens, qui requière le plus d’adresses IP que les autres. Et comme Internet va se développer dans le continent de manière mobile, nous allons vers une consommation quasi individuelle du produit. »
Afrinic tente ainsi de voir loin. Il serait temps de préparer le terrain pour une Afrique résiliente, informatiquement parlant. De Maurice, une société importante des TIC connecte le continent. Et de le préparer, tapi dans l’ombre, à son développement.

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