TÉMOIGNAGE | À l’autre bout de la salle d’isolement –   Le cri du cœur et l’appel à considération du personnel soignant  

« Nous subissons une ignorance totale de la part des autorités et de nos supérieurs »

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Depuis les premiers signes de la pandémie de COVID-19 à Maurice, ils font partie intégrante du Frontline du secteur des services de Santé publique. Anonymes mais ô combien efficaces sont-ils dans les hôpitaux et autres centres de quarantaine même s’ils savent qu’ils ne sont pas seulement des Frontliners dans la lutte contre le Virus Sans Frontières mais aussi en première ligne des risques potentiels de contamination. Officiellement, cela fait partie des risques professionnels. Mais les membres du personnel d’aides-soignants de la Santé ont le sentiment qu’ils sont pris comme de l’argent comptant par leurs supérieurs hiérarchiques.

La semaine dernière, encore un infirmier, affecté à l’hôpital ENT à Vacoas, a été testé positif au COVID-19. Ses collègues craignent une contamination, en particulier un qui a travaillé à ses côtés durant dix jours d’affilée. Toutefois, quand ce dernier a informé ses supérieurs, il a essuyé un revers de la main, une ignorance totale. D’ailleurs, il n’est pas le seul à évoquer un manque de considération de la part des autorités de la Santé ou encore des responsables de l’administration des hôpitaux où ils sont affectés.

La semaine dernière, un membre du personnel soignant affecté à l’hôpital Victoria à Candos s’est porté volontaire pour venir travailler en salle d’isolement à l’hôpital de Souillac. Jeudi, il tombe sur l’un de ses collègues de Candos admis dans la salle d’isolement, ayant été testé positif au COVID-19. Des recoupements d’information auprès des sources concordantes indiquent qu’il était de service à l’hôpital ENT à Vacoas pendant un certain temps, où il aurait été infecté.

« C’était le choc. J’ai travaillé pendant dix jours d’affilée avec lui et non seulement moi, mais beaucoup d’autres collègues ont été en contact direct avec ce membre du personnel soignant à Candos. Des rumeurs circulaient à l’effet qu’il aurait contracté le virus mais rien n’était confirmé. Quand je l’ai vu à Souillac, c’était la consternation », confie-t-il.

Devant ce fait incontournable, il ajoute qu’il a commencé à paniquer, ne sachant quoi faire à cet instant précis. « Il y avait un grand risque que j’ai été infecté et aussi le risque que je contamine mes collègues à Souillac. Alors, j’ai tout de suite informé l’administration du fait que j’ai travaillé avec ce collègue maintenant devenu un patient atteint du COVID-19. Mais, à ma grande surprise, personne n’a réagi. Aucun de mes supérieurs n’a jugé urgent de me soumettre à un Swab

Test. Au contraire, tous les supérieurs avec qui j’ai pris contact, m’ont demandé de prendre les mesures nécessaires par moi-même. Ne sachant quoi faire, je me suis retiré dans un coin pour m’auto-confiner, dans l’attente d’une solution, car je ne voulais pas me transformer en Virus Spreader pour les autres membres du personnel soignant dans la salle. Je ne pouvais pas quitter la salle non plus car j’étais à ce moment en service. Je me suis senti vraiment délaissé en cet instant », dit-il.

Ce dernier dit être resté dans son coin pendant longtemps. « J’ai appelé tous les supérieurs que je connais. Il a fallu que je mette de la pression pour que quelqu’un de l’administration de l’hôpital de Souillac réagisse », dit-il. Finalement, en fin de journée, il est soumis à un Swab Test. Les résultats sont tombés le lendemain et il a été soulagé de savoir qu’il est négatif au virus.

« J’ai vécu une énorme angoisse pendant ces deux jours. Nombreux sont membres du personnel de la Santé, qui se portent volontaires pour travailler dans les COVID Hospitals. Mais, ils reçoivent un traitement déplorable en retour. Je ne m’attendais pas à cette manière de faire des responsables de l’administration de l’hôpital de Souillac. Quand je leur ai informé que j’étais en contact direct avec un collègue aujourd’hui admis à Souillac, les autorités auraient dû prendre les dispositions nécessaires au plus vite pour voir si j’ai contracté le virus ou non », met-il en exergue.

Enfin, le service de ce personnel soignant a pris fin à l’hôpital de Souillac. Il a été alors envoyé en quarantaine dans un hôtel. Là, il rencontre d’autres collègues qui se plaignent aussi de l’indifférence des autorités de la Santé. « En temps normal, nous recevons souvent des visites de nos supérieurs qui viennent évaluer notre travail. Et souvent, ce sont des visites surprises. Mais depuis la crise du COVID-19, les supérieurs sont rarement vus dans les hôpitaux, surtout les COVID Hospitals ». Nous nous attendions à les voir, surtout pour venir soutenir les membres du personnel soignant au chevet des patients. Des mots d’encouragement auraient été la bienvenue. Mais, nous sommes laissés à notre sort une fois le seuil de la salle d’isolement franchi. Nous sommes laissés à nous-mêmes sans aucune considération », affirment-ils.

Cette attitude de ceux devant donner l’exemple en cette période critique est perçue de plus en plus comme un signe de découragement. « Certains sont forcés d’y aller travailler mais la majorité partent sur une base volontaire. Mais, après ce genre de traitement, beaucoup ne veulent pas retourner pour se mettre au service des patients des COVID Hospitals. Dans une telle situation, nous aurons bientôt un manque de membres du personnel soignant volontaire dans les hôpitaux », prévoient-ils.

De leur quarantaine, ils lancent un appel d’urgence aux autorités pour un changement dans l’approche et la mise en place d’un protocole hermétique de contrôle. « Nous sommes en quarantaine dans un hôtel. Nous ne sommes pas en vacances. Notre état de santé doit être une priorité pour nos supérieurs. Nous devons être soumis à tous les tests nécessaires et obtenir les résultats dans le plus bref délai. Sinon, nous ne quitterons pas les centres de quarantaine », affirment-ils.

Manque de formation déploré

Le manque de formation pour les membres du personnel soignant en situation de crise, telle que le COVID-19, est vivement déploré dans le milieu hospitalier. Selon des sources, nombreux sont les membres du personnel soignant qui ne parviennent pas à gérer la situation dans les salles d’isolement. « Certes, beaucoup se portent volontaires pour aller travailler avec les patients atteints du COVID-19. Mais, dès qu’ils entrent dans la salle, c’est la panique. Sous l’emprise de l’angoisse, ils commettent des erreurs avec des risques d’infection. De plus, le port des équipements de protection est très facile mais il faut aussi savoir comment enlever et se débarrasser de ces équipements en sortant de la salle d’isolement. Une simple erreur peut coûter très cher. Pour cela, nous disons que les autorités ont fauté en termes de formation », s’appesantissent-ils.

« Plusieurs dispositions ont été prises à Maurice alors que le virus faisait ravage dans plusieurs autres pays, sauf préparer les membres du personnel soignant pour faire face à cette crise. Aujourd’hui, nous subissions les conséquences », regrettent-ils tout en déplorant une politique de deux poids deux mesures. « Dans un premier temps, tous ceux affectés aux COVID Hospitals avaient droit à cinq jours de congé après leur période d’incubation. Plus tard, nous avons été informés que nous ne bénéficierons que de trois jours. Pourtant, certains disposent toujours d’un congé de cinq jours après leur incubation alors que d’autres n’en obtiennent que trois », s’insurgent-ils en rappelant qu’un minimum de considération en faveur de Frontliners peut faire toute la différence face à ce Virus Sans Frontières.

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