Tourisme – en ce début d’année : Réservations en baisse dans les hôtels

Sydney Pierre (The Lux Collective) : « Amener suffisamment de clients pour tout le monde ».

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David Anderson (Sun Ltd) : « Les gilets jaunes ne constituent pas le vrai problème ».

Après la faible croissance des arrivées touristiques en décembre (1,6%), qui est généralement un mois bien plus porteur, les opérateurs touristiques n’ont pas vraiment de quoi se réjouir en ce début 2019. En effet, le taux de réservation est assez bas dans les hôtels pour le premier trimestre, pour ne pas dire carrément inquiétant.

Présentant ses résultats annuels en décembre dernier à la Stock Exchange of Mauritius, New Mauritius Hotels (NMH) a été le premier à tirer la sonnette d’alarme, expliquant que « there are signs of reduced demand for Mauritian upmarket hotels for the forthcoming second quarter (le premier trimestre 2018, Ndlr). » Le groupe avance plusieurs facteurs endogènes et exogènes, qui pourraient être à l’origine de cette baisse des réservations pour le premier trimestre 2019. La direction de NMH soulignait ainsi que « les incertitudes, entourant le Brexit, les récents événements en France et à La Réunion, la relative nouvelle stabilité politique des destinations moyen-courriers nord-africaines et européennes concurrentes et la réduction progressive des liaisons aériennes directes avec la Chine pourraient être des facteurs qui expliquent cette tendance ».

Cette même tendance à la baisse est observée chez d’autres opérateurs. Par exemple, du côté du groupe Sun, le niveau de réservations au premier trimestre est en diminution de 5% comparativement au premier trimestre 2017. David Anderson, Chief Executive Officer, souligne que le “monthly occupancy” est à 50% actuellement pour la période de janvier à mars de cette année, comparé à 55% à la même période de 2018, ce qui représente effectivement une légère baisse. Toutefois, le groupe ne veut pas se laisser démonter, d’autant que l’année dernière il a réalisé ses premiers profits depuis sept ans.

Et David Anderson de préciser : « Sugar Beach et La Pirogue ont eu leurs meilleures années depuis longtemps, tout comme Long Beach. Même Ambre a été à la hauteur. Et cette année, nous aurons la rénovation des chambres du Sugar Beach. » Une rénovation du Long Beach est aussi prévue, notamment le lobby et les chambres. Et pour La Pirogue, la dernière rénovation a été « un succès », selon lui. « Cette année sera donc une année de consolidation pour le groupe », dit-il.

Du côté de The Lux Collective, Sydney Pierre, Senior Vice President Commercial, confirme la tendance à la baisse observée chez les deux autres groupes hôteliers, le niveau des réservations, observe-t-il, « est en retard par rapport à la même époque l’année dernière ». Par contre, il dit noter d’autres opportunités dans le segment des ventes de dernière minute qui pourraient être plus élevées qu’en 2018.

« Il faut moins d’experts et plus de bosseurs »

Quant à savoir si l’on doit attribuer cette baisse de réservations aux effets du Brexit, ceux des gilets jaunes en France ou encore les réductions des liaisons aériennes sur la Chine, les avis sont partagés. « Les gilets jaunes ne sont pas le vrai problème. Ils ont créé une incertitude en Europe mais les gens au contraire voulaient partir de France mais ne pouvaient le faire à cause des blocages.

Au niveau du Brexit, c’est l’incertitude générale et il faut aussi compter le retour des destinations, comme la Turquie, l’Égypte et le Maroc, dans la course où le taux d’occupation dans ces hôtels est en forte progression. Il faut donc penser à prospecter de nouveaux marchés », argue David Anderson. Pour Sydney Pierre, il s’agit de « rester vigilant » face à ce qui se passe dans le monde et, en particulier, sur nos marchés émetteurs. « Le Brexit continuera à nous affecter mais pas plus qu’il ne l’a fait 18 mois de cela avec une livre sterling très fragile. Le plus gros problème du Brexit en ce qui nous concerne est l’incertitude car le client veut en connaître l’issue avant d’investir dans des voyages. Nous ne pensons pas que nous aurons une chute drastique des arrivées touristiques mais nous pensons plutôt voir une tendance de dernière minute encore plus prononcée. Il ne faut surtout pas céder à la panique et analyser chaque situation. Chaque marché a sa propre réalité avec laquelle il faut composer », explique-t-il. Pour lui, la clé réside dans une meilleure visibilité de la destination Maurice, qui est un moyen pour contrecarrer ces facteurs. « Maurice doit continuer à être visible et doit rester parmi les meilleures options pour les voyagistes et voyageurs. Nous devons tous — hôteliers, office du tourisme, compagnies aériennes, réceptifs et voyagistes — coordonner nos efforts pour maintenir la croissance », souligne-t-il.

Sydney Pierre estime qu’il ne faudrait pas céder à la panique car « une situation de panique risque d’être encore pire » que toutes les situations mentionnées plus haut. Le représentant de Lux est d’avis que le voyage n’est pas considéré comme un luxe pour les clients de nos marchés émetteurs mais bien plus comme une nécessité. « Si nous sommes attrayants, il viendra chez nous, sinon il ira ailleurs, mais il continuera à voyager », dit-il. S’agissant de la lente dégringolade du marché chinois, le représentant de The Lux Collective reconnaît que ce marché passe par « un moment difficile » mais qu’il représente néanmoins « un grand potentiel qui ne demande qu’à être exploité ». Et d’ajouter : « Ce serait dangereux pour notre industrie de perdre la Chine car notre parc hôtelier ne peut se permettre une réduction des arrivées ne serait-ce que de 5% car ce serait le début d’une guerre des prix. »

Par ailleurs, le secteur de l’hébergement non hôtelier prend de l’ampleur dans le pays et affiche un nombre de chambres grandissant avec des tarifs inférieurs aux hôtels. Cette concurrence contribue certainement à faire baisser les réservations dans le circuit hôtelier traditionnel, mais qu’en pensent ces deux hôteliers ? David Anderson explique que l’AHRIM a montré son inquiétude face à ces nouveaux venus dans le secteur de l’hébergement. Il plaide pour un pied d’égalité pour tous. « Nous ne sommes pas contre la concurrence mais devons avoir les mêmes réglementations et normes en matière de service et de sécurité par exemple », explique-t-il. Par ailleurs, il estime qu’AirBnB est aussi un segment qui n’est pas à ignorer. « En revanche, l’offre hôtelière est complètement différente car elle est bien plus complète », dit-il. Concernant l’essor grandissant de l’offre non hôtelière dans le pays, Sydney Pierre remet les pendules à l’heure : « Ce n’est pas un phénomène nouveau et il existe dans tous les pays du monde.

Quand tout va bien, personne n’en parle. La solution est d’amener suffisamment de clients pour tout le monde. Il faut cuire un gâteau plus gros pour que chacun ait sa part. Mon souhait est que tout le monde comprenne un jour que nous sommes tous dans le même bateau. Nous avons besoin de continuer à travailler ensemble et dans la même direction afin de faire encore mieux. Notre industrie post-indépendance s’est très bien comportée jusqu’à ce jour. Il faut qu’on arrête de dire que nous ne savons pas comment faire. Il nous faut un peu moins d’experts et plus de bosseurs. »

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