Tourisme et pêche : La pression s’accentue sur les croisières à Saint-Brandon

  • Rezistans ek Alternativ et le Syndicat des Pêcheurs contestent conjointement le permis EIA de Silversea Cruises Ltd
  • Un projet de conservation et de restauration initié par la Mauritian Wildlife Foundation au point mort

Après Alain Langlois, ex-General Manager de Saint-Brandon, le ministère de l’Environnement a enregistré une nouvelle contestation contre la demande de permis d’Environmental Impact Assessment (EIA) de Silversea Cruises Ltd pour une visite dans l’archipel. Rezistans ek Alternativ, qui a déposé une lettre conjointe avec le Syndicat des pêcheurs, est d’avis qu’il ne faut pas autoriser des croisières d’une telle envergure sans une étude approfondie pour la protection de l’écosystème. Par ailleurs, un projet de conservation proposé par la Mauritian Wildlife Foundation (MWF) n’a jusqu’ici pas obtenu l’aval des autorités.

- Publicité -

La demande de permis déposé à l’EIA Desk du ministère de l’Environnement précise que le MS Discoverer, un paquebot de luxe, fera une expédition dans les îles, de Port-Louis à Zanzibar, avec escale à Saint-Brandon, en novembre prochain. Alain Langlois, ex-General Manager de Saint-Brandon pendant 25 ans, avait déjà mis en garde contre les risques liés à l’environnement, de même que les risques de noyades et d’attaques de requins dans certains endroits.
Rezistans ek Alternativ et le Syndicat des Pêcheurs donnent, eux, un commentaire général sur la nécessité de préserver l’écosystème très riche de Saint-Brandon et réitèrent leur demande pour une National Public Coastline Audit Commission. « An EIA license granted to such a project will be a gateway for all kind of ecologically threatening activity on such a sensitive biodiversity as St Brandon. The proposed activity by Silversea Cruises Ltd. is about unprecedented regular visits of more than 100 people on islets with some 300 km2 of lagoon that is the birth and nest place for several species, some of which are ranked highly endangered », peut-on lire dans la lettre co-signée par Stephan Gua, Michel Chiffonne et Judex Rampaul.
Outre la présence humaine, qui peut déranger considérablement les espèces et contribuer à la dégradation des îlots, la pollution causée par les eaux de ballasts, les produits chimiques, l’huile lourde et les déchets sont aussi mis en avant. Rezistans ek Alternativ et le Syndicat des Pêcheurs suggèrent ainsi qu’une étude approfondie et un rapport sur la protection de l’écosystème de Saint-Brandon soit réalisée avant d’autoriser des activités de croisières. De plus, fait ressortir la lettre : « Silversea Cruises Ltd ne jouit pas d’une bonne réputation auprès des Ong internationales engagées dans la protection de l’environnement par rapport à son empreinte écologique. »

De même, Rezistans ek Alternativ et le Syndicat des Pêcheurs souhaitent la mise sur pied d’une National Public Coastline Audit Commission permettant aux citoyens de donner leur point de vue sur la gestion de nos espaces côtiers et marins. Ils invitent également le ministère à profiter de cette opportunité pour faire un relevé des activités déjà pratiquées à Saint-Brandon et d’évaluer leurs impacts écologiques ainsi que leur légalité.
Par ailleurs l’Outer Island Development Company (OIDC), responsable de la gestion des îles éparses, indique au Mauricien qu’environ 200 étrangers visitent Saint-Brandon chaque année, la plupart du temps à bord de yachts privés ou de catamarans. Toutefois, en ce qui concerne Silversea Cruises Ltd, l’OIDC soutient n’avoir émis aucun permis à la compagnie jusqu’ici. « Le “clearance” pour toute visite dans les îles se fait par le bureau du Premier ministre, à travers la corporation », nous dit-on.

Il existe une liste de conditions déterminées par le bureau du Premier ministre, notamment en ce qui concerne la liste des passagers et la communication avec le National Coast Guard sur place. Toutes les expéditions vers Saint-Brandon doivent démarrer à Port-Louis. De même, il faut se plier aux lois du pays.

Pour ce qui est l’environnement, il est mentionné tout simplement : « Avoid spillage of fuel and oil. Prevent damage to the plants and animal species found on the island. »
Du côté de Raphaël Fishing, qui détient un bail permanent sur 13 des 30 îlots de l’archipel, on affirme ne pas avoir été contacté par la compagnie de croisière non plus. « Il y a bien des plaisanciers qui nous demandent la permission d’accoster de temps à autre, mais pas de bateaux de croisière. Pour notre part, nous faisons du “sport fishing”, qui est une activité bien encadrée », dit un porte-parole. Il ajoute que l’archipel est « vaste » et qu’il est « difficile de savoir ce qui se passe sur toutes les îles », même s’il y a une bonne collaboration des gardes-côtes.

Par ailleurs, la Mauritius Wildlife Foundation avait soumis en 2016 un projet de conservation et de restauration des îles. Une première étude initiée par Raphaël Fishing, avec la collaboration de trois experts étrangers, avait même été réalisée. Toutefois, il y a eu des réticences dans la mise en application du projet, qui prévoyait d’englober tous les îlots de l’archipel. L’État, ayant déjà perdu 13 des 30 îlots au profit de Raphaël Fishing devant le Privy Council en 2008, veut éviter une mainmise sur les îlots restants. Car créer une zone protégée à Saint-Brandon voudrait aussi dire en restreindre l’accès.

Toujours est-il qu’il y a nécessité aujourd’hui de préserver un écosystème riche et probablement unique, comme le fait ressortir la MWF dans son plan d’action : « St Brandon Archipelago has a native wildlife assemblage that is unique within the Republic of Mauritius. » L’Ong met également en garde contre certaines idées reçues : « St Brandon is little known to the Mauritian public and few can afford the lengthy and expensive trip to these islets. The perception that the islands have bountiful resources has caused it to suffer from ‘the tragedy of the commons’. To the extent that there is a perception that fisheries can be harvested ad-infinitum, the seabird and turtle poaching can be disregarded, and the islands are robust, which are all incorrect. »

La MWF précise également que Saint-Brandon est « l’endroit le plus important » de la République où les tortues de mer viennent pondre. On y retrouve même des espèces rares et en danger. Elle insiste sur la nécessité de protéger ces plages car les tortues de mer gardent les mêmes habitudes et reviennent pondre aux mêmes endroits. La présence de nombreuses espèces d’oiseaux et la nécessité de les préserver sont mentionnées.
Concernant les croisières dans les îles, le Dr Vikash Tatayah, Acting Director de la MWF, est d’avis qu’il faut prendre certaines précautions. « L’écotourisme est une activité qui doit être bien réglementée. Les visites doivent être guidées et encadrées afin de minimiser les dégâts. De même, il faut prévoir pour les déchets. Il faut un code de conduite pour les visiteurs et un système de “zoning” pour les îlots. »

- Publicité -
EN CONTINU

l'édition du jour

- Publicité -