TOXICOMANIE : Des patients sous méthadone victimes de brutalité policière

Un coup de pied au visage parce qu’il lisait un journal, des coups de clef anglaise parce qu’il buvait une boisson gazeuse : ce sont là des cas de brutalité policière dont témoignent deux toxicomanes qui reçoivent leur dose quotidienne de méthadone (médicament de substitution) du ministère de la Santé dans les postes de police. Le ministre Anil Gayan a été interpellé à ce sujet lors d’une réunion avec la Natresa le 6 mars dernier.
C se trouve auprès d’un marchand à Quatre-Bornes et lit un journal après avoir reçu sa dose de méthadone. Des policiers l’abordent. C reçoit un coup de pied au visage, il a l’oreille enflée. Il obtiendra une « Form 58 » à l’hôpital de Candos. Il souffre encore des séquelles de son agression. Un autre bénéficiaire de méthadone buvait une boisson gazeuse quand il a été battu par des policiers. Ils ont poursuivi l’homme jusque dans un bus où il était monté et l’ont emmené dans la rue en lui disant de rentrer chez lui. « Comment ? À pied ? » se demande Brigitte Michel de l’association AILES. « Ils ont mis une torche sur mon sexe et m’ont frappé avec une clef anglaise », rapporte la deuxième victime. « Ils n’ont pas les moyens de vous payer un avocat et la police refuse de prendre leur déposition. La Commission des Droits de l’Homme ne fait rien. Où ces victimes doivent-elles aller ? Elles ont peur », soutient Brigitte Michel. « Est-ce normal ? » a demandé un toxicomane sous traitement substitutif de méthadone au ministre de la Santé Anil Gayan lors d’une réunion avec la Natresa le 6 mars dernier. La victime insiste : « Zot (les policiers) dir inn gagn mo d’ordr ek kan ou fini pran ou méthadone ou pa gagn drwa al lor chemin », affirme une victime. Le ministre de la Santé s’est contenté de dire que les toxicomanes venant prendre leur méthadone ont un comportement « antisocial ». « Est-ce antisocial de lire un journal dans la rue ? » demande Brigitte Michel de l’association AILES. Réponse du ministre : « Ou bizin pran ou zournal ou al lir ou lakaz ». En réponse à une proposition d’AILES pour « un système plus friendly » que la distribution de méthadone dans les postes de police, Anil Gayan a affirmé : « Fini deside, pa pou sanze. »
Coups de clef anglaise
AILES se dit favorable à la création d’une instance indépendante pour recevoir les plaintes contre la police comme annoncé au Parlement par le Premier ministre. « On ne peut battre quelqu’un pour qu’il rentre chez lui », s’indigne la responsable d’AILES. « Est-ce illégal de former un groupe de trois ou quatre personnes dans la rue ? Alors que la loi interdit des manifestations publiques de plus de dix personnes ». S’ajoutent aux coups, les insultes que doivent subir de la part de certains policiers des toxicomanes venus prendre leur méthadone. « Ils sont au bord de la route, devant le poste de police à la vue de tous les passants. Il n’y a aucune confidentialité. Et quand la bénéficiaire est une femme, elle est gênée par le regard des gens », dénonce l’association. « Certains policiers leur lancent des jurons. À cette heure-là il y a des gens qui passent là pour aller travailler, des écoliers. C’est scandaleux », a constaté l’association lors d’un survey sur les lieux.
« La décentralisation de la distribution de méthadone dans les postes de police est une atteinte aux droits et libertés de la personne », déclare Brigitte Michel de l’association AILES, qui suit 500 bénéficiaires de méthadone. Le ministre de la Santé avait reçu les ONG à une brainstorming session pour discuter des problèmes de l’hépatite C et du VIH/sida parmi les toxicomanes avec la Natresa. En fait, constate AILES, le ministre n’avait visiblement aucune envie de dialoguer, imposant son point de vue et ses décisions et campant sur ses positions. Autre point soulevé : l’absence de traitement contre l’hépatite C pour les toxicomanes dans les hôpitaux. Le ministre de la Santé a lancé aux ONG lors de la réunion que « si une personne se drogue c’est l’affaire de la famille et des ONG » pour ensuite parler de « bonne gouvernance » et d’« obligation de résultats » vu que le budget de Rs 28 M de la Natresa provient des fonds publics. Néanmoins aucune explication n’a été fournie par Anil Gayan concernant les critères de financement par la Natresa des ONG travaillant avec les toxicomanes. AILES, qui intervient aussi jour et nuit depuis 2009 auprès des toxicomanes, ne reçoit aucune subvention contrairement à d’autres ONG ayant les mêmes objectifs, bien qu’elle soit enregistrée au ministère de la Santé. Le ministre s’est contenté de répondre : « Vous êtes une ONG, vous devez chercher vos fonds. »

- Publicité -
EN CONTINU

l'édition du jour

- Publicité -