Une grande pagaille

La soudaineté de l’annonce, le 24 mars, de la fermeture de tous les commerces, petits, moyens et grands avec un préavis de quelques heures, a provoqué une grande pagaille. Lorsqu’on annonce une telle mesure dont les conséquences peuvent être d’une grande ampleur, on se doit d’offrir en même temps quelques alternatives, des recours et même du secours. D’autant que le confinement total et l’interdiction des activités commerciales interviennent en fin de mois et que les Mauriciens ont leurs habitudes bien ancrées.
Il y a bien eu une timide tentative, quarante-huit heures plus tard, pour parer plus pressé en énumérant une liste de sites en ligne pouvant livrer des paniers à contenu prédécidé à domicile à des prix exorbitants, mais cette voie était loin de satisfaire le grand public qui, s’il comprend que nous sommes en situation d’état d’urgence sanitaire, aurait aimé pouvoir, en sus du confinement, organiser un peu sa petite cuisine.
Le ministre du Commerce Yogida Sawmynaden, très visible et loquace avant la grande pagaille, a disparu de la circulation. Pas un mot sur comment va évoluer la situation de l’approvisionnement des ménages ni sur la disparition du gaz ménager dans plusieurs régions à part le disque rayé “pas de pénurie”. Rien à cirer de ceux qui ont leurs bonbonnes vides et mais pas de ceux qui en collectionnent, et comment ils peuvent s’organiser pour en acheter.
C’est à Zouberr Joomaye qu’il a échu, vendredi, d’annoncer que les supermarchés pourraient reprendre leurs activités le 1er avril. Faut espérer qu’on pourra, ce jour-là, retrouver du poisson sur les étals. Mais trêve de plaisanterie en ces temps troublés. La réouverture doit être accompagnée de conditions de sécurité et sanitaire très très strictes non seulement pour les acheteurs, mais aussi pour le personnel qui travaille dans la grande distribution et ailleurs, parce que, s’il y a eu un cas de personne soupçonnée d’avoir été contaminée après visite de supermarché, la possibilité que les cas se multiplient peut être bien réelle.
En plus des conditions de protection accrue, ce serait aussi judicieux de renouveler la formule de tranche horaire réservée aux personnes âges et même l’allonger un peu et mettre enfin en place l’accès aux lieux de commerce sur un critère d’ordre alphabétique comme initialement annoncé et revoir les heures d’ouverture et de fermeture. Retourner, par exemple, à l’autorisation s’étalant de 9 heures à 17 heures.
L’accompagnement du confinement est aussi très aléatoire. Alors même qu’il y a de nombreux enfants qui sont à la maison depuis trois semaines, pas le moindre message encourageant et réconfortant de la ministre de l’Education Leela Devi Dookun-Luchoomun ou de ses services sur comment rendre plus agréable le confinement sur une longue période avec des enfants, qui n’ont rien à faire, pas même le plus petit cours en ligne.
Heureusement qu’à côté de cette MBC plus nulle que jamais, des radios invitent, de temps en temps, des professionnels de bon conseil, pour aider des parents en peu dépassés d’avoir conjoint et enfants entre les pattes à longueur de journée et de nuit.
Si ce n’est pas la grande pagaille au sein de la police, c’est une image très contrastée qu’elle projette. Pour un ou deux postes, dont les officiers font preuve de compréhension et d’humanité en allant dépanner des personnes désespérées et leur livrer une bonbonne de gaz, il y a, malheureusement, de grosses brutes qui n’ont rien d’autre à faire que de taper jusqu’à envoyer leurs victimes au service des urgences.
Que la police se soit sentie humiliée d’avoir dû battre en retraite devant l’accueil hostile rencontré dans un quartier qui fait fi du confinement et du couvre-feu, on peut le comprendre, parce que les images de l’incident abondamment partagées, ont sans doute un peu froissé leur ego. Mais ce n’était pas une manière de répondre que de procéder à un tel déferlement de violence. On ne sait pas qui a filmé la scène et qui a ensuite partagé ces images effarantes, mais les faire voir par le plus grand nombre avait des objectifs bien précis, soit de faire la démonstration que la vengeance en uniforme pouvait être implacable, soit il y avait un agent vraiment soucieux du respect des droits de la personne qui voulait dénoncer les pratiques révoltantes et inacceptables de certains de ses collègues.
L’affaire a été jugée suffisamment sérieuse pour que le commissaire de police, absent du radar depuis l’éclatement du Covid-19, se présente à la presse pour en parler et dire que les coupables seront identifiés et punis. On n’attendait pas moins. Or, à part une interpellation, rien.
On ne sait pas si toute l’équipée cogneuse a été suspendue sur-le-champ avec les images si explicites qui ne laissent place à aucune confusion et si cela avait été fait pour permettre à l’enquête de progresser rapidement, mais déjà des récriminations se font entendre quant au temps que la police met à coffrer tous ceux qui étaient impliqués dans la bastonnade.
La population aurait tellement souhaité que la police fasse preuve de la même diligence et la même détermination qui ont conduit à l’arrestation, dans les meilleurs délais, de ces dangereux individus, dont politicien raté et fabulateur et une diseuse de bonne aventure, qui ont posté de fausses et incendiaires informations sur des incidents imaginaires.
On est dans une situation exceptionnelle, personne ne le conteste. Les images des plus grandes puissances dépassées par les ravages de la pandémie sont là pour nous rappeler que ce virus est réellement grave et dangereux. Mais lorsqu’on n’a pas toutes les réponses lorsqu’il s’agit d’une urgence nationale, il n’y a aucun mal à rechercher de l’aide et des conseils, même de ses pires adversaires, parce que “maler pa get figir!

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