USA : encore des élections dysfonctionnelles?

Il semble bien que les États-Unis se dirigent mardi vers l’une de ces élections dysfonctionnelles et controversées auxquelles ils nous ont habitués depuis 2000.
Le 12 décembre de cette année-là, plus d’un mois après le vote du 7 novembre, la Cour suprême statua, par cinq voix contre quatre, que le recomptage des voix en Floride ne pouvait continuer, et accorda les 25 votes électoraux de l’État à George W. Bush, le républicain – qui fut élu avec 271 votes (le Collège électoral en compte 538) contre 266 pour le démocrate Al Gore.
C’est que les Étatsuniens n’élisent pas leur président directement; ils engagent leurs « Grands électeurs » à soutenir un candidat ou l’autre – et ceux-ci dérogent même parfois aux directives!
Chaque État dispose d’un nombre de voix au Collège électoral qui correspond au total de ses deux sénateurs et de ses élus à la Chambre des représentants – plus trois votes pour le District de Columbia –, d’où le chiffre de 538 (100 sénateurs, 435 représentants et trois délégués de DC).
Le Collège électoral l’emporte sur le vote populaire
Un candidat peut décrocher la majorité de 270 Grands électeurs en remportant les suffrages populaires dans 11 des États les plus peuplés (Californie, Texas, Floride, New York, etc.) et le tour est joué. Il n’a même pas besoin de remporter la majorité des voix populaires dans tout le pays! Des scénarios donnent d’ailleurs Obama gagnant avec une étroite majorité de Grands électeurs, et peut-être une minorité de suffrages populaires.
Les derniers sondages indiquent un véritable coude-à-coude Obama-Romney, mais cela ne signifie pas grand-chose compte tenu du Collège électoral. Les femmes, les Noirs, les Hispaniques, les jeunes, les classes moyennes blanches, sont explicitement ciblés. Mais c’est surtout les coups bas et autres coups fourrés dans des États clés (Floride, Ohio, Virginie, etc.) qui retiennent l’attention.
Reportages et analyses foisonnent, dans les grands médias ainsi que dans les médias alternatifs, sur les tactiques d’intimidation et de désinformation déployées contre des électeurs susceptibles de voter démocrate (Noirs, Hispaniques, immigrants) : téléphones et tracts pour dire qu’ils n’ont pas le droit de voter si quelqu’un de leur famille a été condamné pour un crime, ou pour donner des dates du vote et des adresses de bureaux de vote erronées.
Employés menacés par leurs patrons
Des patrons de grandes firmes ont averti leurs employés qu’ils risquent leur job en votant « mal ». Ces firmes ont injecté des milliards dans les Pacs et SuperPacs (Comités d’action politique ou lobbies officiels) qui agissent localement, dans les districts et les États, pour influencer le vote – et aussi pour assurer une majorité républicaine au Congrès US. Et l’organisation du scrutin, rappelons-le, est aux mains des États et des pouvoirs locaux.
Mais ces psychodrames, en apparence polarisants, se déroulent dans un contexte d’ « unipolarité » tirant les deux grands partis toujours un peu plus vers la droite, soulignait hier dans le New York Times Drew Westen. Ce prof de psychologie de l’Université Emory est l’auteur d’un ouvrage, The Political Brain.
Andrew Kreig, qui collabore au webzine OpEdNews.com, vient de publier un livre, Presidential Puppetry : Obama, Romney and Their Masters où l’on comprend mieux, par exemple, le rôle d’Obama dans la guerre des drones et dans le maintien des goulags comme Guantanamo et Diego Garcia quand on sait qu’il a travaillé, dans la vingtaine, pour une firme paravent de la CIA, Business International Corporation. À l’époque, il tomba amoureux de Genevieve Cook, fille du chef des Renseignements australiens.
Cela dit, l’ultra-républicain Washington Times vient de publier une analyse de la démocrate Catherine Poe affirmant que « Romney est en train de perdre la course ».
Sandy, « arme de destruction massive »
Contrairement aux attentats du 11 septembre 2001, personne aux États-Unis n’a insinué que le méga-cyclone Sandy a pu être une « arme de destruction massive » d’Al Qaeda. Le bilan des victimes est heureusement moindre, mais la dévastation est sans précédent. Des airs, on dirait le mégapolis côtier New York-New Jersey aplati sous un tapis de bombes – les dégâts sont estimés entre $30 et $50 milliards.
Mais si le 11-septembre permit à George W. Bush de s’imposer avec sa « Guerre au terrorisme » et de puiser allègrement dans les surplus laissés par Clinton, Sandy a joué en faveur d’Obama, qui s’est efforcé d’être « présidentiel » auprès des gens dans le malheur alors que Romney était réduit à un rôle de spectateur.
Mieux même, le désastre a remis à l’ordre du jour le rôle de l’État et validé le discours d’Obama qu’il faut reconstruire les USA au lieu de gaspiller des fonds et des vies dans des guerres sans fin à l’étranger. Romney veut tout privatiser, mais le très républicain gouverneur du New Jersey, Chris Christie, a publiquement rendu hommage à Obama et aux secours de l’État fédéral. Depuis Sandy, Romney ne parle plus de privatiser les secours d’urgence. Mais, jusqu’à la nuit de dimanche, il n’était guère battu. 

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