Vente à la barre : Roger de Spéville dénonce les pratiques de la MCB

Ce débiteur de la banque accuse cette dernière d’avoir tout fait pour l’empêcher de revendre sa villa sous saisie afin de l’acquérir elle-même

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La villa, évaluée à Rs 23 M, bradée à Rs 8 M en mai dernier

Roger de Spéville, ingénieur à la retraite, a tenu une conférence de presse, vendredi matin à Port Louis, pour “dénoncer les pratiques de la section des recouvrements des dettes de la Mauritius Commercial Bank.” Selon Roger de Spéville, la MCB, dont il est un client, “a tout fait pour m’empêcher de revendre ma maison et de repayer ma dette envers elle en maintenant cette maison en vente à la barre (Sale by Levy) après avoir obtenu de moi que je retire un procès (main case) que j’avais logé en justice contre la banque.” La maison, estimée à Rs 23 millions par un évaluateur privé, a été vendue en mai dernier à Rs 8 millions – soit la somme exacte de sa mise à prix – et, selon Roger de Spéville, elle aurait été acquise par la banque elle-même.

La sortie de Roger de Spéville a consisté à démonter le mécanisme d’un  système de vente à la barre injuste qui n’a jamais cessé de mettre dans la détresse ceux qui en sont les victimes, bien que depuis 2004, suite à une vigoureuse campagne nationale menée par Harish Boodhoo, ledit système a fait l’objet d’un rapport de l’ex-chef juge Victor Glover qui en a recommandé une refonte complète.

Est-ce normal, équitable, juridiquement acceptable, que le cahier des charges d’un bien immobilier mis en vente à la barre décrive ce bien comme une maison ne comportant qu’un seul étage alors que, dans la réalité, il y en a deux ? Une telle description erronée dans un avis légal publié dans les journaux du pays n’aurait-il pas pu avoir pour effet de désintéresser d’éventuels acquéreurs au détriment du propriétaire sous menace de saisie, d’autant que l’institution bancaire initiatrice de la saisie, la Mauritius Commercial Bank (MCB ), aurait ensuite acquis ledit bien?

La section des recouvrements de dettes de la MCB agirait-elle comme “une agence immobilière déguisée” qui ferait tout pour pressurer ses clients en difficulté de repayer leurs dettes afin de permettre à la banque d’acheter à bas prix leurs biens saisis?
Ces deux questions ne sont qu’une infime partie d’une série de questions et d’accusations que Roger de Spéville a soulevées. Deux raisons pour lesquelles il croit pouvoir se battre encore pour essayer de récupérer sa résidence. Mais il y a également une troisième raison: lors d’une rencontre qu’il dit avoir sollicitée et obtenue du Chief Executive Officer – le britannique Anthony Withers en poste à la MCB en 2016 –, sa dette envers la banque qui avait atteint Rs 17 M (en raison de la capitalisation des intérêts) avait été ramenée en quelques minutes à Rs 7 M.  Roger de Spéville souhaiterait pouvoir avoir les moyens financiers et légaux pour réclamer une révision judiciaire de tout le mécanisme de la MCB. Il déclare ne pas comprendre comment, en l’espace de dix minutes de discussions avec Anthony Withers, il avait pu obtenir un rabaissement aussi conséquent de sa dette ? “À moins, s’interroge-t-il, que le CEO Withers avait fini par comprendre qu’il y avait quelque chose qui n’était pas nette dans la façon dont opérait la section des recouvrements de dettes de sa propre banque?”

“Il me reste seulement que ma chemise et mon pantalon”
“Contrairement aux politiques, je ne suis qu’un simple citoyen, mais j’ai la détermination à ne pas me laisser faire. Il y a un système qui dépouille les gens les poussant des fois au suicide. Sincèrement, je ne me bats pas que pour moi qui n’ai déjà plus rien, mais pour les autres afin qu’ils puissent s’en sortir. Je n’ai plus sur moi que ma chemise et mon pantalon. Pour le moment, en attendant que l’en m’expulse, j’habite encore dans ma maison qui appartient à la Banque Commerciale. J’ai juste besoin d’un avocat assez brave et pas trop financièrement exigeant pour affronter une puissante banque.” C’est par ces propos que Roger de Spéville s’est présenté aux journalistes, vendredi. Avec le soutien d’un ami dénommé Georges, il avait – classés sur une table devant lui – moult documents, dont des correspondances échangées avec la MCB.

Comment Roger de Spéville s’est-il retrouvé, selon ses dires, dans le plus complet dénuement? Tout a commencé, raconte-t-il, quand il a contracté un emprunt de Rs 5 M pour améliorer sa résidence, une villa située à Réunion Maurel, région côtière huppée du nord du pays. La villa, une construction avec deux étages plus rez-de-chaussée et une piscine, mesure 7,000 pieds et est plantée sur un terrain de 1,800 m3. Quand il a eu des difficultés à rembourser l’emprunt, ses dettes se sont accumulées jusqu’à atteindre, selon les réclamations de la MCB, 17 millions en comptabilisant les intérêts sur le capital dû. Après plusieurs rappels par la MCB,  celle-ci déclenche une démarche de saisie et de mise en vente à la barre.

Dans une lettre adressée à la banque 18 novembre 2017, Roger de Spéville demandait à la MCB de s’abstenir de mettre sa maison à la barre, même si la banque pouvait se prévaloir de la section 39 de la Sale of Immovable Property Act. Selon lui, il y avait lieu pour la banque de s’abstenir de recourir à cette sanction parce qu’il avait porté plainte auprès de la Banque de Maurice, le régulateur, à la suite de quoi le CEO de la banque avait accepté de le recevoir. “Le jour de la rencontre, le 3 mai 2016, le chef de la section de recouvrement de dettes était présent et justice me fut rendue car Anthony Withers avait accepté intégralement toutes mes demandes, principalement celle de rabaisser ma dette au chiffre raisonnable de Rs 7 M. Malheureusement, la seule demande de retirer ma maison de la vente à la barre ne fut par agréée par le chef de la section de recouvrement en contraste avec ce que moi j’avais accepté de faire, soit de retirer mon procès contre la MCB.”
Selon Roger de Spéville, “le refus catégorique de la banque de retirer ma maison de la vente à la barre a été l’obstacle majeur qui l’a empêché de la vendre à un prix supérieur à celui auquel la banque l’a finalement bradée. Comment voulez- vous que je puisse vendre ma maison quand des acheteurs intéressés viennent me dire qu’il valait mieux pour eux attendre à l’acquérir à vil prix à la barre plutôt que de négocier avec moi? Or, j’ai l’intime conviction que si j’avais été en mesure de vendre moi-même ma propriété, j’aurais obtenu un meilleur prix et j’aurais pu totalement rembourser la banque tout en conservant pour moi-même un surplus.”

La solution: les recommandations de la Commission Glover
Dans la lettre envoyée le 18 novembre 2017, Roger de Spéville avait dit sa conviction que certains au sein de la MCB faisaient tout pour que sa villa “soit vendue dans le giron bancaire où tournent de riches hommes de loi et des bookmakers, entre autres.” Des agissements qui laissent, selon lui, “penser qu’au sein de la banque, opérait une sorte d’agence immobilière déguisée.” Il soutient avoir été l’objet de “menaces et de pressions” de la part d’un cadre de la MCB. Par voie épistolaire, ce cadre aurait menacé que s’il (Roger de Spéville) ne concédait pas à donner un pouvoir de vendre (power to sell), “il n’y aurait d’autre alternative que de référer son dossier ‘for recovery’.” En d’autres mots, envoyer la villa à la barre!

Selon Roger de Spéville, il n’est pas le seul à Maurice à se retrouver à la merci de ce genre de pratiques. Mais la solution pour lui serait que le gouvernement enquête sur ces agissements et, surtout, qu’il applique enfin les excellentes recommandations de la commission Victor Glover. Malheureusement, a-t-il déploré, “depuis la publication de ces recommandations il y a 14 ans, on en a souvent fait référence, sauf que le Conseil des ministres ne les a jamais ratifiées pour qu’elle prennent force de loi.”
Approchée par Week-End vendredi après-midi pour donner la réplique à Roger de Spéville, la direction de la MCB n’avait pas réagi à l’heure où nous mettions sous presse.

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