VÉRONIQUE WAN HOK CHEE : « Le stress post-traumatique affectera autant les proches des disparus que les sinistrés »

Ceux qui ont perdu l’un ou plusieurs des leurs dans les inondations meurtrières de samedi dernier ; ceux qui comme à Canal Dayot ou Anse Courtois, ont tout perdu, ainsi que les Mauriciens qui se trouvaient à Port-Louis, lors de cette fatidique montée des eaux… Tous « auront des séquelles des tragiques événements du 30 mars », prévient la psychologue Véronique Wan Hok Chee. La professionnelle soutient que « le stress post-traumatique et la dépression réactionnelle affecteront nombre de personnes. » Elle ajoute que « certaines de ces personnes auront définitivement besoin d’encadrement et d’accompagnement psychologique. »
« C’est la toute première fois que Maurice a vécu une telle catastrophe naturelle, qui, de surcroît, a causé la mort de 11 personnes, déclare d’emblée Véronique Wan Hok Chee. Les répercussions vont être évidemment dramatiques ! » La psychologue explique que, de cette situation, il convient de « répartir en trois catégories les victimes. Il y a, tout d’abord, les familles des 11 Mauriciens qui ont perdu la vie dans ce “flash flood”. Ensuite, les sinistrés des régions telles que Canal Dayot, Sable Noir, Anse Courtois, Allée Mangues… Ceux qui ont vu leurs maisons se réduire au néant en quelques heures. Et, il ne faut pas les négliger, ceux et celles qui se trouvaient dans les rues de Port-Louis en ce samedi 30. “At large”, aussi, on peut convenir que les Mauriciens, de manière générale, même s’ils n’ont pas vécu ces heures difficiles et qu’ils n’ont pas été témoins de la montée dangereuse des eaux meurtrières, auront également quelques séquelles… »
S’agissant des familles des onze victimes des inondations, Véronique Wan Hok Chee explique que « la première réaction est la non-acceptation de cette disparition subite. Le fait qu’un membre de la famille soit parti, comme cela, brusquement ; un innocent, un être cher, on ne peut se résigner à accepter que la personne soit morte. Même si on a vu le corps, on a assisté à l’enterrement, on continue à se dire “li pou revini”… On fait difficilement le deuil rapidement, à ce stade des choses. »
La psychologue explique, par exemple, comment l’enfant d’une des victimes de samedi dernier « s’est muré dans le silence depuis la disparition de son père. À l’école, l’enfant ne peut plus suivre les cours. À la maison, c’est la même chose. Silence, isolation, refus de manger, incapacité de dormir, cauchemars, sursauts, crises de larmes… et l’enfant réclame son père. Il dit autour de lui que “papa pou vini, la…” ou demande “mama, kot papa inn ale ?” »
Dans le sillage de la catastrophe naturelle de samedi dernier, « c’est une souffrance psychologique extraordinaire et insoutenable qui affecte directement ces familles – père et mère, épouse et époux, enfants, soeurs et frères – ainsi que les proches, les voisins et les amis des disparus. Le choc de la disparition a été tellement brutal que plusieurs de ces personnes vont, dans un premier temps, se réfugier dans le déni de la réalité. »
La psy continue : « On peut effectivement, en toute humanité, comprendre qu’une mère ne puisse se résoudre à admettre que son fils de 18 ans ait péri dans de telles circonstances ! Un enfant qui part, le matin, en pleine forme et dont c’est le cadavre qui rentre à la maison ; et comment cette mort a frappé ! Il faut une force incroyable pour surmonter cela. »
Dans les jours qui suivent les événements tragiques, dit Mme Wan Hok Chee, « avec la présence et le soutien des proches, voisins, amis et volontaires, la solidarité qui s’installe va temporairement estomper le chagrin, le vide laissé par la disparition brutale. »
Cependant, « une fois que cette étape sera surmontée, chacun aura une réaction différente à l’événement, poursuit notre interlocutrice. Pour certains, ce sera la colère qui va les animer : colère et révolte contre les institutions et les instances gouvernementales à qui ils imputeront la mort de leur être cher. D’autres vont poursuivre ces instances légalement et demander non pas un dédommagement financier mais une compensation psychologique pour la perte encourue. » D’autres encore, soutient Mme Wan Hok Chee, « trouveront réconfort dans la spiritualité, tout comme certains seront en colère contre Dieu et deviendront, du jour au lendemain, athées ! »
Et en dernier lieu, poursuit la psychologue, « alors viendra la renonciation, l’acceptation de l’inéluctable. Que la mort a bel et bien eue lieu. Que l’être cher ne reviendra plus. Ce n’est qu’alors que peut commencer le processus de reconstruction de la personne ; moralement, évidemment, en premier lieu, et ensuite, physiquement. »

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