Vers l’épilogue d’une saga qui aura duré près d’une dizaine d’années

  • Si Pravind Jugnauth sera fixé sur son sort ce mardi, le scandale, qui éclate sous un gouvernement PTr-MSM-PMSD, reste lui entaché de nombreuses zones d’ombre
  • Le rôle exact de Maya Hanoomanjee, le doublement de l’évaluation de Rs 75 millions  à Rs 125 millions, la non-conformité du site avec les prérequis de l’appel d’offres…, mais aussi la conclusion précipitée du deal le 28 décembre 2010 à quelques jours de l’entrée en vigueur de la Capital Gains Tax de 15%

C’est il y a huit ans, presque jour pour jour, que Week-End révélait le scandale dont il ne se doutait pas qu’il secouerait les plus hautes sphères de l’État pendant près d’une décennie. C’est en effet le 15 janvier 2011 que notre titre confirmait la nouvelle de l’acquisition par le gouvernement PTr-MSM-PMSD de la clinique MedPoint pour Rs 145 millions, un sujet que nous évoquions déjà la semaine précédente, le 8 janvier 2011, dans un papier sous le titre « Silence on achète » et qui portait sur deux autres acquisitions, très discutées aussi à l’époque, celles des immeubles Altima et Ebene Heights, pour Rs 780 millions par le National Pension Fund, alors que la ministre de la Sécurité sociale est Leela Devi Dookun-Luchoomun. Week-End évoquait alors « l’acquisition imminente de la clinique MedPoint ».

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C’est à partir de ce texte et de nouvelles pièces versées au dossier chaque semaine que démarrera toute la saga MedPoint, qualifiée de « scandale du siècle » par le leader de l’opposition d’alors, Paul Bérenger, et qui, ce mardi devant le Privy Council, connaîtra une sorte d’épilogue et la fixation définitive de son sort pour Pravind Jugnauth. Mais tout n’a visiblement pas été dit dans ce dossier, qui comporte toujours de nombreuses zones d’ombre.

Week-End avait, tel un feuilleton inépuisable, signalé régulièrement des incohérences dans le dossier qui avait établi que c’était un deal concocté pour que la vieille bâtisse abandonnée appartenant au Dr Malhotra, qui n’est autre que l’époux de la sœur du ministre des Finances en titre, Pravind Jugnauth, soit cédée au plus vite à l’État à prix grossièrement gonflé.

Les pressions de la ministre

C’est Maya Hanoomanjee, une fidèle du clan Jugnauth, qui est à la Santé — et qui prend le relais à Rajesh Jeetah, sous lequel le dossier démarre — et qui pousse à sa conclusion. C’est ce que nous évoquions déjà et qui avait conduit la ministre de la Santé du gouvernement PTr-MSM-PMSD à déclarer que « les chiens aboient, la caravane passe ».

Un témoignage tardif viendra confirmer le rôle prépondérant joué par Maya Hanoomanjee pour accélérer les discussions. Celle de Jairaj Hauroo, celui qui, à la Santé, présidait le Bid Evaluation Committee en 2011. Ce dernier confirmera en avril 2018, sous serment dans le cadre du procès intenté par l’ICAC à Yodhun Bissessur, ce que nous dénoncions déjà en février 2011. À savoir que l’offre de MedPoint aurait dû être disqualifiée parce qu’elle ne répondait pas aux critères imposés par l’appel d’offres, sa superficie, 3900 mètres carrés étant inférieure à celle requise, entre 4500 et 6000 mètres carrés, et, mieux, il confirmera les informations circulant à l’époque à l’effet qu’il avait été exigé que le dossier soit bouclé dans les meilleurs délais.

Jayraj Hauroo dira en cour que le Bid Evaluation Committee qu’il présidait « travaillait sous pression… » de la part de Maya Hanoomanjee, la ministre de la Santé, et de Om Kumar Dabidin, celui qui officiait alors en qualité de Permanent Secretary du ministère. C’est lorsque Maya Hanoomanjee sera sur le point d’être interrogée par l’ICAC fin juin-début juillet 2011 que le MSM quittera le gouvernement. Prise d’un malaise, celle qui n’a jamais « failed » dans sa vie, se réfugie à la clinique Apollo et reçoit la visite concernée du président de la République sir Anerood Jugnauth.

Son interrogatoire bouclé, le dossier est expédié au DPP, Satyajit Boolell, qui, en octobre 2013, statue qu’il ne dispose pas de preuves matérielles suffisantes pour inculper la députée du MSM. Son leader, Pravind Jugnauth, celui qui avait pris la décision de réallouer des fonds publics pour cette accusation, sera poursuivi pour conflit d’intérêts, la bénéficiaire ultime de sa décision étant sa sœur. Des fonctionnaires sont aussi inquiétés dans cette affaire. Yodhun Bissessur, celui qui avait piloté le volet des évaluations et qui n’a jamais expliqué comment les premières estimations avaient bondi de Rs 75 millions à Rs 125 millions et qui avait déjà été réhabilité par le MSM et réintégré à son poste, bénéficiera d’un non-lieu en juillet 2018.

Tout comme un autre protagoniste du dossier, Anerood Jeebodhun, également du département de l’évaluation, celui qui, à la demande de son supérieur Yodhun Bissessur, avait procédé à la réévaluation de la clinique, « parski ti pe gagn koze kouyon avek ministère de la Santé ». C’est ce qu’il avait déclaré dans ses dépositions à l’ICAC. Il a lui aussi bénéficié d’un non-lieu dans cette affaire.
Last but not least, la conclusion du deal à la veille de la nouvelle année 2011. C’est le 28 décembre 2010 que le deal est conclu et que le chèque de l’État est tiré au profit du Dr Krishan Malhotra et des actionnaires de MedPoint, dont Shalini Jugnauth-Malhotra. Dès le lendemain, en bon époux, le Dr Malhotra déposait Rs 15,5 millions sur le compte personnel de son épouse et Rs 120 millions à la Baroda Bank. Ces comptes ayant été gelés, le couple a pu obtenir des dédommagements des banques à la levée de l’interdiction des transactions sur ces comptes. Comme quoi, un bonheur ne vient jamais seul.

Des affaires florissantes

La conclusion du deal fin 2010 tombait bien puisque, trois jours plus tard, une Capital Gains Tax de 15% introduite par le ministre des Finances, Pravind Jugnauth, dans son budget de 2011, entrait en vigueur. Ce qui a fait économiser Rs 22 millions aux propriétaires de la clinique MedPoint.

Les affaires du Dr Malhotra ont depuis connu un développement conséquent. Sa maison de retraite en Angleterre, la Delamer House, située au 41 Naze Park Road, Walton on the Naze dans un immeuble ancien bien situé dans l’Essex, est des plus florissants, les loyers s’élevant à 3 000 livres sterling par mois. C’est Novocare Ltd, compagnie du Dr Malhotra, au sein de laquelle une de ses filles est aussi actionnaire, qui gère cette maison de retraite. Laquelle avait connu un drame en décembre 2015, une pensionnaire de 81 ans ayant été abattue au sein de l’établissement par quelqu’un qui venait d’y être admis.

C’est ce succès qui pousse aujourd’hui le beau-frère du Premier ministre, Krishan Malhotra, à chercher à investir ailleurs, comme aux Seychelles, où il est toujours en lice pour l’acquisition à hauteur de Rs 225 millions du Reef Hotel, un établissement appartenant au Group mauricien Beachcomber et qui sert de dortoir. Le futur propriétaire compte convertir cet établissement situé sur un belle plage en maison de retraite de luxe pour étrangers fortunés.

Comme c’est décidément en Grande-Bretagne que tout se joue, c’est ce mardi que Pravind Jugnauth pourrait être fixé sur son sort si les Law Lords décidaient de donner des indications immédiates et orales quant aux décisions qu’ils ont arrêtées. Les paris sont désormais ouverts, entre une confirmation du jugement d’acquittement de la Cour suprême ou celle de la cour inférieure condamnant le leader du MSM à un an de prison, ou alors un arrêté mi-figue mi-raisin qui mettrait l’actuel Premier ministre hors de cause tout en l’égratignant. Ce qui pourrait être considéré comme un blâme.

Rendez-vous le 15 janvier pour l’avenir de Pravind Jugnauth. Celui de la vérité sur toute l’affaire MedPoint n’est, lui, pas encore pris.

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