Vijay Poonoosamy (Affairs du QI Group Director International) : « Covid-19 a terrassé le monde du voyage en général »

Vijay Poonoosamy a été le directeur général d’Air Mauritius avant de prendre de l’emploi comme vice-président de l’International & Public Affairs à Etihad Airways. Il est actuellement basé à Singapour, où il occupe le poste Affairs du QI Group Director International. Dans une interview qu’il nous a accordée de Singapour, il observe que le Covid-19 a détruit la demande, sauf en partie pour le fret, et ce faisant, « il a terrassé le monde du voyage en général et en particulier le transport aérien ».

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Vijay Poonoosamy, vous êtes basé à Singapour pour des raisons professionnelles. Avez-vous l’occasion de suivre la situation à Maurice durant cette période de couvre-feu sanitaire ?

Certainement. Permettez-moi d’abord d’avoir une pensée spéciale pour toutes les victimes du Covid-19 et tous les vaillants membres des services médicaux qui sont au front à Maurice et de par le monde. Je sais que, comme le reste de l’humanité, mes compatriotes mauriciens passent par des moments stressants, voire angoissants, mais je sais aussi que vous pouvez et que vous devez rester forts pour aider à combattre le Covid-19. Pour votre santé et celle de l’autre, merci de respecter le confinement et les autres consignes des autorités. Soyez reconnaissants pour le dernier constat national encourageant, mais restez quand même vigilants. Pour aider à avoir un monde meilleur après Covid-19, utilisons le confinement pour resserrer les liens à la maison et pour téléphoner et envoyer des messages réconfortants aux autres membres de la famille, surtout les plus âgés, aux amis et aux voisins. Nous devons aussi identifier tout ce qu’on peut faire ou cesser de faire pour devenir une meilleure personne et pour contribuer à améliorer les choses à la maison, au boulot, dans notre quartier, ville ou village, et dans notre pays.

Singapour n’a pas été épargné par le coronavirus. Racontez-nous comment se passe une journée type dans ce pays ?

Depuis fin mars, mon épouse et moi travaillons de la maison et nos deux filles font l’école en ligne. Nous apprécions le fait que nous prenions ainsi moins de risques. Nous apprécions également le fait de pouvoir être avec nos filles pendant leurs pauses. Au final, on passe ces jours-ci plus de “quality time” en famille. Singapour vit au ralenti mais n’est pas en confinement total car on peut sortir pour se ravitailler et faire une activité physique.

Votre travail est-il affecté ? Comment cela se passe pour vous ?

Je vis au rythme des ‘videoconference calls’, des courriels, appels, WhatsApp et autres demandes de décisions, conseils ou commentaires liés à mon travail et à mes activités dans les domaines de l’aviation internationale et du tourisme.

Comment le monde et l’industrie de l’aviation vivent-ils cette crise ?

Le transport aérien donne des ailes au monde, au commerce international et aux individus pour toujours aller plus haut et plus loin. C’est le fameux cercle vertueux de la “réussite” que le Covid-19 a transformé en cercle vicieux de la faillite. Les compagnies aériennes ont investi des milliards dans des avions de la nouvelle génération, dans du personnel qualifié, dans la technologie de pointe et dans des stratégies de croissance pour répondre, stimuler et répondre davantage à une demande sans cesse croissante pour les voyages d’agrément, d’affaires ou de nécessité et pour le fret. Covid-19 a détruit cette demande, sauf en partie pour le fret, et ce faisant, il a terrassé le monde du voyage en général et le transport aérien en particulier. Le transport aérien souffre du fait que le monde, les individus et le gros des activités économiques soient confinés et cette souffrance devient de plus en plus dure au fur et à mesure que le confinement s’étend.

Comment se présentera l’industrie de l’aviation post-Covid-19 ?

Le monde post-Covid-19 sera de toute évidence différente car nous devons tous tirer des leçons de cette expérience exceptionnelle et déroutante. En quoi sera-t-elle différente demeure la question. Pour le monde du voyage, je pense que beaucoup continueront à utiliser les visioconférences et réduire le nombre de voyages d’affaires non seulement en raison de leur coût mais aussi en raison de leur utilité et leur impact sur la vie personnelle et familiale. L’impact financier et psychologique du Covid-19 sur tous les individus limitera les voyages touristiques pour un certain temps. De plus, le tourisme dépend de l’industrie du transport aérien, qui est elle-même à genou. L’industrie du transport aérien devra en plus relever son défi environnemental au plus vite car le monde post-Covid 19 sera plus rigoureux sur la protection de l’environnement. Le monde a reconnu l’importance du fret, mais aussi de l’autosuffisance, pendant le Covid-19 et la croissance du fret dépendra de ce que sera le commerce international dans le monde post-Covid-19.

Vous avez travaillé à Air Mauritius pendant des années. Quel devrait être son rôle pendant cette crise ?

Le monde a apprécié à sa juste valeur les compagnies aériennes, qui ont été à la hauteur de leurs missions de solidarité nationale durant cette pandémie, notamment les vols de rapatriement de ressortissants ainsi que le transport du fret de matériel d’urgence pour combattre le Covid-19. J’ai moi-même ressenti une belle émotion quand l’avion d’Air Mauritius a atterri à Maurice le 10 avril dernier avec des produits de haute nécessité. C’est un “goodwill” que les compagnies aériennes gagneraient à cultiver pour les aider à survivre.

Comment l’industrie de l’aviation pourra-t-elle rebondir après cette crise ?

Pour rebondir dans ce monde en pleine mutation, les compagnies aériennes doivent rapidement et en bonne intelligence se réinventer. Les actionnaires, y compris étatiques, ne peuvent plus continuer à financer des compagnies aériennes qui battaient de l’aile avant même la pandémie et qui refusaient d’entendre le son de glas ou se complaisaient avec la tête dans le sable. Mais certains pays ne peuvent pas se permettre de laisser disparaître leur compagnie aérienne nationale. Ces pays se doivent, toutefois, de rejeter des palliatifs aussi coûteux qu’éphémères. Ils doivent se concentrer sur le changement des règles du jeu avec lucidité, modestie et honnêteté. Il ne s’agit pas de développer une énième nouvelle stratégie pour les compagnies aériennes nationales car c’est le fond qu’il importe de revoir en premier. Il faut donc commencer par revoir le “pourquoi” de leur existence et ensuite savoir “comment” elles peuvent répondre aux exigences nationales et assurer les liaisons aériennes stratégiques. Elles doivent bien sûr être gérées avec professionnalisme et dévouement de concert avec des employés motivés et investis. Elles doivent s’assurer que tous les “stakeholders” soient sur la même longueur d’onde par rapport au “pourquoi” et aux objectifs clairs et transparents, surtout sur les questions financières. Si un pays adopte cette vision et l’implémente avec rigueur et détermination, la compagnie aérienne nationale pourra non seulement survivre, mais aussi se développer sur le long terme. Et c’est la nation entière qui en récoltera les fruits.

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