Violence Conjugale – Me Mokshda Pertaub : « Un Protection Order n’offre aucune garantie »

Ancienne directrice de l’Institute of Judicial and Legal Studies et ex-magistrate, l’avocate spécialisée en matière des droits de la femme et des enfants, Me Mokshda Pertaub, revient dans le cadre des célébrations de la Journée internationale de la femme sur la violence conjugale et la situation chaotique qui perdure, dit-elle, avec de plus en plus de crimes passionnels. « Beaucoup de ces femmes ont déjà un Protection Order émis par la cour mais elles meurent toujours », dit-elle.

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Le nombre de femmes battues qui ont pu quitter des mariages violents et recommencer leur vie pour se faire tuer par leur ancien mari ou partenaire, affirme Me Pertaub, est « effrayant et existe partout dans le monde ». Même à Maurice, dit-elle, des études ont montré que la violence contre les femmes s’intensifie et peut entraîner « le meurtre de la femme lorsqu’elle envisage de quitter son partenaire violent ». La violence conjugale est l’une des principales causes du meurtre des femmes dans le monde. À Maurice, poursuit-elle, « nous entendons chaque semaine maintenant qu’une femme a été tuée par son mari, son ex-mari ou son partenaire ». À plusieurs reprises, elle a été victime de violence domestique. Bien souvent, ces femmes sont déjà en possession d’un Protection Order émis par une cour de justice afin que sa sécurité soit garantie. « Et pourtant, elle a été tuée. »

Le pouvoir judiciaire tire la sonnette d’alarme à travers ses jugements. Me Mokshda Pertaub cite  quelques cas en Cour suprême dans lesquels les juges, note-t-elle, ont « une vision très sérieuse de la violence domestique entraînant le meurtre de la femme battue ». Elle fait mention des remarques du juge Nicolas Ohsan-Bellepeau dans un jugement rendu en 2017. Ashish Takoordyal avait écopé de 35 ans de prison pour avoir découpé son épouse. Le juge Ohsan-Bellepeau avait dit dans son jugement : « This Court is also mindful of the upsurge of serious acts of domestic violence being committed in this country which all too often result in the loss of precious lives or in extreme injuries being inflicted to helpless victims. These serious acts of domestic violence therefore call for a strong and clear signal to potentially like-minded offenders that such crimes will be treated with severity and that domestic violence is not a possible avenue when conflicts arise in a marriage or in a relationship. »

De même, le juge Benjamin Marie-Joseph dans un jugement rendu en 2019 dans l’affaire de Vidish Joganah, condamné à 38 ans de prison pour le meurtre de Patricia Verrière, avait observé : « This is yet another case of domestic violence that has ended up with a woman’s life being taken away in a most brutal and merciless manner […]. Being given the prevalence of homicides with such kind of background, it is apposite to add that a measure of severity has to be shown in the punishment to be meted out to the accused. A measure of severity is amply warranted not only in the particular circumstances of the present case, but also to make it clear that no one can entertain the belief that he may with impunity and without suffering the rigors of the law ignore a Protection Order, pending against him, especially if his reprehensible conduct results in the death of the protected person. »

Complice

Pourtant, souligne Me Pertaub, des femmes battues sont toujours tuées. Le législateur a également tenté d’imposer des lois plus strictes pour freiner la tendance croissante à la violence domestique. La loi de 1997 sur la protection contre la violence domestique a été modifiée en 2016 pour élargir la portée de la définition de la violence domestique : désormais, la violence domestique n’est pas seulement la violence physique mais aussi la violence sexuelle et psychologique ainsi que la privation de ressources dont un conjoint est en droit d’avoir. La nouvelle définition des actes de violence domestique comprend également les délits comme le harcèlement, les insultes et la violence fondée sur la privation de ressources.

Par ailleurs, la police a été formée pour des cas de violence domestique et est légalement tenue d’agir avec la diligence requise. Conformément au nouvel article 11A de la Domestic Violence Act, des poursuites pénales doivent être engagées pour les actes de violence domestique. L’acte de violence domestique entraînant des blessures corporelles est en soi une infraction pénale punissable en vertu de l’article 13 (2) de la loi telle que modifiée. Plus important encore, le pouvoir discrétionnaire de la cour d’accorder au délinquant une libération absolue ou conditionnelle ou une ordonnance de probation est exclu.

L’ancienne magistrate dit cependant noter que malgré tous ces changements dans la loi et l’insistance du judiciaire pour qu’il y ait un véritable réveil, des femmes sont assassinées, devenant la proie de maris violents, d’ex-maris ou de partenaires. « Comment arrêter cette prolifération de violence conjugale qui atteint des sommets alarmants ? » dit-elle. « Educate the boys and the girls when they are still at school that domestic violence is a crime, and an absolute no-no », dit-elle. « Enseignez aux filles la légitime défense et l’estime de soi et à s’éloigner au premier signe de violence, insiste Me Pertaub, n’attendez pas qu’elles soient tuées un jour. Quelqu’un a dit à juste titre : “La première fois qu’il vous frappe, vous êtes une victime. La deuxième fois qu’il vous frappe, vous devenez complice.” »

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