VOYAGES : Voir Naples et puis mourir

Son vin est rouge comme le Vésuve et sa population d’une chaleur proche de ses coulées de lave. Naples n’est pas un paradis, mais Dieu semble pourtant en avoir dessiné les contours. Sauf que Dieu, dans cette région d’Italie, s’appelle en réalité Diego Armando Maradona…
Lorsque le soleil se lève sur Naples, il le fait comme nulle part ailleurs. Car ses rayons ne se contentent pas d’illuminer les pavés du vieux quartier, ni de réchauffer les pieds engourdis les matins d’hiver. Ils s’immiscent aussi dans les maisons pour s’introduire dans les coeurs et suivent leur propriétaire tout le long de la journée.
La vie est partout dans Naples. Et Dieu aussi. Mais pas celui auquel l’on pense naturellement, même si les Napolitains – comme le reste de l’Italie – demeurent majoritairement très catholiques. Non, ce Dieu-là est fixé au mur des bistrots et des restaurants, sa divine main mise en valeur comme un hymne à la gloire du “Stade du Soleil”. Son nom : Diego Maradona. Pour autant, cette vedette planétaire n’en fera pas oublier la religion, la vraie, celle qui se pratique à chaque occasion comme autant de signes de croix devant les édifices.
Dieu, on l’a dit, est partout à Naples. Mais il est pourtant un endroit où l’on ne le loue pas, aussi étrangement qu’il puisse paraître : la basilique San Francesco di Paola. Ce bâtiment historique, aux magnifiques colonnades, n’attire en fait que les touristes, qui y voient là l’occasion d’immortaliser un bâtiment construit en l’honneur de Napoléon 1er. C’est oublier l’insolence des Napolitains qui, devant ce symbole érigé en l’honneur d’un “tyran”, préfèrent détourner le regard, quitte à l’abandonner aux mains des “poseurs de graffitis”.
Souvenirs du Vésuve.
Reste que notre “brave” touriste, lui, sera ravi, trop heureux de profiter de ses vacances d’été pour découvrir la “terrible” cité, celle qu’il faut, paraît-il, absolument voir avant de mourir. Son appareil photo rangé, il quittera alors probablement le quartier, où les senteurs estivales se mélangent à celles des poubelles éventrées, et tournera à droite, en direction du funiculaire et la colline du Voméro. À son sommet, Naples arborera un tout autre visage, telle une carte postale dont ciel et horizon dessineront les contours. Au bas s’étend la ville, où se mélangent harmonieusement immeubles et vieilles bâtisses, tous figés dans une image anachronique. Au loin, en arrière-plan, le Vésuve trône majestueusement comme un rappel à la vulnérabilité de l’homme. Enfin, la mer, dont le bleu remplit les souvenirs des anciens et fait se croiser ceux des passagers des ferries et autres voiliers empruntant cet incontournable carrefour méditerranéen. Au-dessus, perdus dans le ciel d’azur, se croisent les oiseaux et les avions, qui viennent de décoller de l’aéroport de Capodichino, non loin du centre historique.
Une fois redescendu, laissant les jeunes couples abandonnés à leurs rêves d’amoureux, le touriste se dirigera vers le quartier espagnol, lui aussi incontournable. Ses devantures, ses monuments sont autant de rappels à… l’Amérique latine, et plus particulièrement au Brésil. Ses immeubles à flanc de colline, ses façades aux couleurs vives, ses escaliers si étroits qu’ils semblent interdits aux claustrophobes, les linges étendus sur les terrasses comme un rappel au Sud de Nino Ferrer… Bref, Rio à Naples ! ?
La rue de la tentation.
Une rue plonge vers la mer, qu’elle se met aussitôt à longer. Mais attention, ce n’est pas Copacabana. Là, les hôtels de luxe restent cloîtrés sur un côté de la route, tandis que l’autre est dédié à la vie nocturne. Car c’est aussi cela Naples, où la période de “chasse” s’étend du 1er janvier au 31 décembre. Si la séduction devait avoir un temple, nul doute qu’il trouverait sa juste place en ces lieux. Dans ce quartier, à la nuit tombée, chaque mouvement est prémédité, les habits portés avec soin, le bronzage “calculé”, le port du bijou millimétré. Plus loin, les jeunes se font plus rares. La vieille garde y a élu domicile. Les aînés partagent leurs cartes sur les tables de plastique. Leurs rires de dents jaunies s’envolent à la chaleur de la nuit.
Le “borgo marinari”, un petit port de plaisance, reste aussi à visiter. Les touristes en profiteront, le temps d’une petite escale en voilier, pour admirer l’îlot de Megaride et les murs d’enceinte du Castel dell’Ovo, lieu de rencontre des Turinois, Milanais et autres Florentins. Ils reprendront ensuite la route pour une étrange trilogie aux noms de Capri, Ischia (où Alain Delon tourna dans Plein Soleil) et Procida, les îles de villégiature. Mais attention : l’endroit est celui des fortunés. Là, les sourires ne sont pas ceux de la sincérité, mais de la réussite sociale, ceux que l’on n’entend pas partager mais que l’on arbore aussi fièrement qu’un collier de diamants.?Leur réalité est autre, à des encablures du quotidien des Napolitains. Ils en oublient les poubelles, les anonymes entassés dans les bus, les affres de la précarité, et ces milliers de gosses soustraits de l’école pour être envoyés au travail. De ceux-là, sûr qu’ils éviteront de croiser le regard, de peur de se confronter à la vérité vraie, celle qui emporte les jeunes dans la criminalité, la drogue et le suicide. Mais n’est-ce pas là, après tout, la face cachée de nombreuses cartes postales ?

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