ZEE: Les pêcheurs ne décolèrent pas

L’accord de pêche entre le gouvernement mauricien et l’Union européenne (UE) permettant aux bateaux européens d’opérer dans nos eaux territoriales ne plaît pas aux pêcheurs. « Ils nous donnent un oeuf pour prendre un boeuf », déclare Lallmamode Mohamedally, un pêcheur des Salines, à Port-Louis. Tandis que l’UE et le ministre de la Pêche évoquent des bénéfices pour les pêcheurs et le pays, les écologistes craignent que les stocks de poissons dans l’océan Indien s’amenuisent à cause de la surpêche.
« La situation des pêcheurs se dégrade de plus en plus. Je me demande ce qu’il adviendra dans cinq à dix ans. Dans le passé, il y avait beaucoup de poissons dans notre mer. Aujourd’hui, nous pêchons à 15 miles nautiques hors de nos côtes mais il n’y a pas grand chose », déclare Lallmamode Mohamedally. Ce manque de poissons serait lié, selon les pêcheurs, à la surexploitation des bateaux européens opérant dans les eaux territoriales mauriciennes depuis quelques années déjà. Le gouvernement mauricien vient de renouveler cet accord avec les Européens qui lui rapporte deux millions d’euros sur trois ans. Et cela ne plaît pas aux pêcheurs.
Le président du Syndicat de Pêcheurs, Judex Rampaul, est furieux. « Nous ne comprenons pas la façon de faire de notre gouvernement. Pourquoi loue-t-il notre territoire de 2,3 millions de km2 aux Européens contre des miettes ? C’est grave. Notre gagne-pain est menacé par la pêche industrielle. Les Européens sont en compétition avec nous. »
Mourir de vieillesse
Justifiant cette décision gouvernementale, le ministre de la Pêche, Nicolas Von Mally, soutient que les pêcheurs n’ont pas les moyens nécessaires pour opérer dans notre vaste zone économique exclusive par manque de bateaux. « On a donc besoin de l’aide de pays amis pour afin d’exploiter cette zone. Valeur du jour, si on devait compter que sur les bateaux mauriciens, beaucoup de poissons mourraient de vieillesse dans notre zone économique exclusive », soutient-il. Le ministre souligne par ailleurs que les prises des bateaux européens alimentent les usines de thon du pays, dont plus de 95 % de la production est vendue sur le marché européen. Mais Lallmamode Mohamedally est d’avis que les pêcheurs eux-mêmes peuvent approvisionner ces usines. « Nous ne devons pas dépendre des Européens », déclare-t-il.
Cet accord de pêche entre Maurice et l’Union européenne interpelle également Vassen Kauppaymuthoo, océanographe et ingénieur environnemental. « L’intérêt de l’Union européenne de venir pêcher dans l’océan Indien est principalement basé sur le fait que les stocks de poissons se sont effondrés dans les autres océans. Il n’y a plus de poissons à cause de la surpêche par ces mêmes bateaux, espagnols, français et portugais. Le seul océan où il reste encore des poissons est l’océan Indien », fait-il remarquer. Craignant pour les stocks dans nos eaux territoriales, M. Kauppaymuthoo rapporte que les flottilles de pêche de l’UE ont détruit les ressources de pêche en Atlantique. « Elles viennent s’attaquer maintenant aux ressources dans l’océan Indien. Ne croyez pas que l’Union européenne aura pitié de Maurice. Quand il n’y aura plus de poissons à Maurice ou dans la zone économique exclusive de l’île, elle ira ailleurs. »
Des emplois à protéger
Par ailleurs, le chef de la délégation de l’Union européenne à Port-Louis, Alessandro Mariani, nie les allégations portées contre la flottille européenne et parle de bienfaits de cet accord pour l’économie mauricienne. « Le thon débarqué par les bateaux européens est utilisé par les usines des pays de la région. Rien qu’à Maurice, il aide à maintenir 5 500 emplois », fait-il ressortir. Il soutient également qu’il n’y a aucune compétition entre la flotte européenne, qui pêche à une distance de 15 miles nautiques des côtes mauriciennes, et les pêcheurs locaux qui sont à trois miles nautiques. De plus, dit-il, les espèces de poissons ciblées ne sont pas les mêmes. Quant à l’argent versé au gouvernement mauricien, il sera utilisé pour financer un plan d’action dont les premiers bénéficiaires seront les pêcheurs locaux.
S’agissant des stocks de poissons dans l’océan Indien, M. Mariani souligne que l’UE est guidée par la recherche scientifique et cite les données scientifiques provenant de l’Indian Ocean Tuna Commission (IOTC). « Je respecte toutes les opinions, toutefois, la Indian Ocean Tuna Commission a estimé en novembre 2011 que le thon et autres espèces de poisson ciblées par la flotte européenne ne sont pas surpêchés. Les bateaux européens sont très bien contrôlés et ils aident aussi dans le combat contre la pêche illégale », affirme l’ambassadeur européen. M. Mariani nie, par ailleurs, que l’Union européenne aurait fait pression sur Maurice en vue de la conclusion de cet accord au risque de supprimer l’aide accordée aux autres secteurs de l’économie mauricienne.

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