3e phase et réouverture des frontières : Écartés du calendrier de déconfinement, des opérateurs désespèrent

 Voilà plus d’un an et demi qu’ils ne travaillent pas. Alors qu’ils essayaient à peine de se relever des effets du premier confinement, ils ont dû refermer à nouveau, en raison de la résurgence de la COVID-19 dans le pays. Lorsque les activités ont repris lors de la première phase de déconfinement et qu’ils n’en faisaient pas partie, cela ne les a pas frustré outre mesure. « C’est la situation sanitaire qui fait que… », s’étaient-ils dit. Idem lorsque le Premier ministre a annoncé les activités qui pouvaient reprendre lors de la 2e phase du déconfinement, en mai dernier. Mais en découvrant les annonces de Pravind Jugnauth quant à la reprise des activités avec la réouverture des frontières, ces petits opérateurs ont eu, le 23 juin dernier, la sensation étrange de se prendre « un coup de massue ! »

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Alors que tous les commerces ont repris leurs activités après plusieurs mois de confinement dû à la crise sanitaire, certains secteurs, comme les plaisanciers, les petits hôtels, les bars et discothèques ou salles de cinémas ne sont pas autorisés à opérer. Jusqu’à quand? Aucune indication, car au vu de la situation, avec les cas de Covid-19 qui repartent et les clusters qui se forment, les décisions gouvernementales risquent d’être rigides. En attendant, pour ces petits opérateurs écartés du calendrier de déconfinement, c’est le désespoir. « Pour la première vague, nous étions à genoux, et là, nous sommes à terre », clament-ils. Et si certains croient « dur comme fer » à l’échéance du 15 juillet ou du 1er octobre pour accueillir à nouveau les clients, d’autres estiment qu’ils ne pourront se relever avant trois ans au moins.

« Aucune indication jusqu’à quand nous resterons fermés »

« Incompréhensible! » C’est le mot qui revient chez Jack, gérant d’un bar à Grand-Baie, qui arrive difficilement à comprendre pourquoi les restaurants ont eu la permission d’ouvrir leurs portes, mais pas les bars. « Avec toutes les mesures sanitaires nécessaires, nous pouvons accueillir nos clients. Nous savons faire respecter la discipline autant que les restaurateurs. Il n’y a pas lieu de nous empêcher de travailler », dit-il. Or, les bars, comme les casinos, cinémas et discothèques, ne figurent pas parmi les activités qui ont pu reprendre depuis le 1er juillet. Il n’est pas, non plus, question de ces commerces pour la réouverture des frontières à partir du 15 juillet. « On aurait pu attendre le 15 juillet en se disant que, peut-être, lorsque les touristes auront fini leur quarantaine, ils feront le tour de l’ile et la tournée des bars, mais rien. Aucune indication jusqu’à quand nous resterons fermés », déplore Jack. Il fait ressortir qu’en outre, s’il bénéficie du GWAS, « ce n’est pas suffisant pour faire bouillir la marmite. » D’ailleurs, outre les salaires des employés de son commerce, qui sont au-delà de ce que préconise le salaire minimum, il doit aussi s’acquitter des frais pour son business, dit-il. « Ce n’est pas facile car partout ailleurs les gens travaillent, prennent le bus… mais nous, alors que nous pouvons prendre les précautions d’usage, nous ne pouvons opérer », s’insurge ce gérant. Or, les Mauriciens ont besoin de se défouler, ajoute-t-il, précisant qu’outre les sorties entre proches, se défouler c’est aussi aller à la mer et pique-niquer. « Mais là encore, c’est interdit. Et je ne pense pas qu’à mon business. Les petits marchands de plage, les roulottes etc., tou sa la pe gagn zot lavie. Kifer pa ouver? Pas comprend! »

« Le GWAS ou SEAS pas suffisant pour faire bouillir la marmite »

Depuis mars dernier, les boîtes de nuit ont dû rester fermées, et alors que les restrictions sont peu à peu levées, le monde de la nuit reste un des rares secteurs à n’avoir aucune perspective de réouverture. Et les professionnels, eux, s’inquiètent pour la survie de leur activité. « La situation est critique. Certains d’entre nous, dont les plus anciens, ont fermé boutique. D’autres attendent, mais nous désespérons », dit Yan Marowa, vice-président de l’Association of Private Club Owners (ANCO). Ce gérant d’une discothèque explique que comme ses confrères, il attendait depuis l’annonce du PM et espérait que, comme les restaurants, les lieux de culte et les activités socioculturelles, la nightlife aurait repris. « Mais nous avons été pire que déçus. C’est comme de la discrimination », dit-il. Et de relever que « les autorités nous disent que nous devons vivre avec. Ok, nous devons vivre avec, mais tout le monde! Pas qu’une partie, et les autres doivent croiser les bras. » Ce qui étonne le vice-président de l’ANCO, c’est que dans d’autres secteurs, des solutions ont été apportées, mais pourquoi pas au nightlife? « On aurait pu restreindre le nombre de clubbers, imposer la vaccination, la prise de température… Mais rien de tout cela n’a été pris en compte, alors que les Mauriciens ont besoin de sortir, ont besoin de se défouler pour oublier un peu cette maladie qui nous mine depuis un an et demi », dit Yan Marowa. Pour lui, il est difficile d’accepter cette situation vu que « dans bis, dimoun p assiz koster. Dans magasins, nou pe touss tousser. Kifer tou bizness pa kapav ouvert? » Ceux du secteur de la nuit sont plus que frustrés, laisse-t-il comprendre, s’interrogeant à quand la fin de cette nuit noire des propriétaires de discothèques.

Nicolas Hector, un Beach Trader opérant dans la région de GrandBaie, est lui aussi désespéré. Sa roulotte est sur la plage et depuis mars, il ne travaille pas. Sans compter que l’année dernière également, en raison de la crise sanitaire, il a aussi dû fermer boutique. Travaillant essentiellement avec les touristes, il peine à survivre depuis la fermeture des frontières. « Les Mauriciens achètent, mais nous faisons notre chiffre d’affaires avec les touristes. Là, même aux Mauriciens nous ne pouvons vendre », explique-t-il. Et d’ajouter que s’il a tenté de faire du take-away « cela ne couvre pas les frais. Ça vaut pas la peine d’allumer le feu et faire cuire nos produits pour trois /quatre take-away qui ne couvrent pas la moitié des dépenses. » Comme d’autres dans son domaine, il espérait qu’à la réouverture des frontières, les activités reprendraient. Non seulement l’annonce du PM l’a déçu, dit-il, mais il est aussi frustré « parski pa pe kapav joigne les deux bouts. » Père de deux enfants de 16 et 13 ans, tous deux scolarisés, Nicolas Hector explique devoir faire des petits boulots à droite et à gauche pour survivre. « Zis ek Self-Employer Allowance Scheme, kot kapav viv? Oblizer tracer. »

Les Mauriciens ont besoin de se défouler

Dans l’Est, Vinay K, un plaisancier se dit « au fond du gouffre ». Un an et demi qu’il ne travaille pas. Habitant de la côte, « mo guette la mer ene journée. Latete fatigué », dit-il. Certes, l’été dernier, tardivement après l’épisode du Wakashio jusqu’à mars, il a effectué quelques virées en mer avec les clients mauriciens. « Mais ça pas couvert frais. Nou clients c’est touristes. Sans touristes, nous à genoux », dit-il. Karl Lamarque, président de la Fédération des Plaisanciers, abonde dans le même sens. « Nous sommes dans une situation dramatique car depuis 18 mois, nous ne travaillons pas », dit-il. Si les opérateurs de bateaux de plaisance espéraient une reprise de leur secteur d’activité avec la réouverture des frontières, l’année dernière, cette occasion ne s’est pas présentée, « frontière inn reste fermée. »  Ils s’attendaient ainsi à une reprise en 2021, mais avec la résurgence de la Covid à Maurice, et les frontières toujours fermées, leur secteur de prédilection continue de souffrir. Or, avec la date de la réouverture des frontières enfin annoncée, ces opérateurs ont repris espoir. En vain, car en dépit de l’arrivée des touristes, ce secteur n’a toujours pas le permis d’opérer. « Plusieurs parmi nou fini fer dette l’année dernière parski nou ti pe penser frontière pou reouver, travaux pou reprend. Zordi, nou pe retrouv nou dans Group difficulté. Sa kass gouvernement donner là, GWAS ek SEAS, li même pas assez pou manzer. À coté, nou ena frais bateau ek nou ena bann remboursema. Kot nou ti à zenou en 2020, 2021 nou à terre. » Ce qui frustre davantage les plaisanciers c’est qu’aucune des recommandations de la Fédération au ministre des Finances, lors des consultations, n’a été prise en compte dans le budget. C’est pourquoi l’association a écrit une lettre à Renganaden Padayachy, lui réclamant une rencontre « pou nou dialoguer couma kapav tir nou dans difé ».    

Si un spécial desk a été mis en place par l’Economic Development Board (EDB) en collaboration avec la DBM et le ministère des Finances pour venir en aide aux entreprises impactées par la Covid-19, incluant les boîtes de nuit, Beach Hackers ou autres secteurs d’activités reconnus par l’EDB, ces petits opérateurs ne sont pas prêts d’y avoir recours. « Pa koner kan pou kapav coumans travay. Pas pe dir nou kan nou pou kapav opérer, pa kapav ale met dette lor latet. Après ki arriver? Nou reste fermer, ou soit ena lot lockdown, perla kot pou gagn kass pou payer? Nou bizin ale suicider! », disent-ils.

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