Agro-industrie — Le sucre à la croisée des chemins

La contribution du secteur agricole mauricien au Produit intérieur brut (PIB) régresse d’année en année et les défis auxquels ce dernier fait face sont multiples. Le secteur sucrier, ayant auparavant une importance fondamentale pour l’économie mauricienne, est devenu très « inefficace » car des soutiens financiers sont nécessaires pour son avancement, mettant ainsi en péril l’économie. Pire, le sucre mauricien n’est plus attrayant sur le marché mondial avec la demande en baisse. Le pays se trouve ainsi face à des challenges qui nécessitent des discussions et des solutions « rapides » afin de renverser cette tendance, dont les effets seront « désastreux » pour l’économie à un moment, où le fossé entre la croissance économique mondiale et celle de Maurice est presque au même niveau.

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Un atelier de travail sur le secteur agricole s’est tenu jeudi à l’hôtel Labourdonnais, au Caudan Waterfront, réunissant des “stakeholders” et des acteurs du secteur pour discuter des moyens à adopter pour relever le secteur de l’agro-industrie mauricienne dont la croissance freine. Dans sa présentation, le Senior Economic Advisor au ministère des Finances, Sen Narrainen, évoque la fragilité du secteur à un moment où sa valeur ajoutée se dégrade. Dans sa présentation sur l’industrie sucrière, Sen Narrainen avance que de 2010 à 2018, soit en huit ans, ce secteur a chuté de 30%. « C’est une diminution importante pour cette industrie et cette tendance continuera », prévoit-il. Face à ce tableau sombre, il se demande jusqu’à quand une industrie pourra enregistrer des pertes.

Pour Sen Narrainen, lorsqu’il y a un secteur, où les entreprises réalisent des pertes et où le gouvernement doit participer pour le soutenir, cela « met en péril le développement économique » du pays. « Le plus vite ce sujet sera traité, le mieux ce sera », dit-il. À l’assistance composée essentiellement de ceux issus du domaine agricole, il demande « jusqu’à quand maintiendrons-nous une agriculture faible en productivité et qui épuise nos ressources ? »

Présentant l’état du secteur sucrier à Maurice, Sen Narrainen se demande s’il faut se séparer de ce secteur. S’il le faut vraiment, ajoute-t-il, « quels sont les moyens à adopter ? » Il poursuit : « S’il faut le faire, nous devons le planifier. » Cette planification, pour ce Senior Advisor, est « primordiale pour ne pas se retrouver dans une situation, où il sera difficile de choisir un alternatif au sucre ». Selon lui, il sera beaucoup plus « damaging » si la décision de se séparer du secteur sucrier arrive sans planification. Toutefois, dit-il, « une décision devra être prise pour ce secteur ».

Selon les chiffres présentés par Sen Narrainen, le prix de la tonne de sucre chute tout comme la demande du sucre mauricien sur le marché mondial. Alors que le secteur agricole est en déphasage de la réalité, 87% de nos terres sont agricoles, soit 40% de la totalité du terrain à Maurice. « C’est un secteur très inefficace », dit-il. De plus, le prix du sucre sur le marché mondial est « en chute ». Si le secteur agricole a un avenir prometteur pour Maurice, il est question de sa transformation. Mais comment s’y prendre ? Selon Sen Narrainen, « il faut que le niveau de productivité augmente pour ce secteur ». Il poursuit : « Les jeunes sont encouragés à aller vers l’agriculture. Mais la réalité doit être vue en face car ces jeunes diplômés, souhaitant se lancer dans ce secteur, s’attendront à des revenus d’au moins Rs 60 000 à Rs 100 000 mensuellement. »

Abordant le secteur agricole, Sen Narrainen avance qu’il enregistre une baisse depuis des années. À l’exception, dit-il, du secteur non sucrier, dont la croissance augmente grâce aux fruits de mer. « Le sucre est en chute mais le secteur non sucrier présente du potentiel », souligne-t-il. L’emploi dans le secteur agricole, selon les statistiques qu’il a présentées, est « en baisse ». Comparant le secteur agricole à d’autres, il démontre que « les revenus du sucre sont inférieurs pour les employés par rapport au salaire minimal ».

Selon Sen Narrainen, le potentiel pour la substitution aux importations est « élevé ». D’où l’avenir pour le secteur agricole mauricien. « Nous devons comprendre que la substitution aux importations est la promotion des activités qui sont en demande à Maurice et dont la masse critique est présente », dit-il. Ainsi, l’impact sur l’économie sera élevé du fait que les revenus ne sortent pas du pays. L’économie, dit-il, sera « plus résiliente » et « plus diversifiée ». Il ajoute : « Si nous voulons une agriculture moderne, nous dépendrons des gens sur le terrain. » En ce sens, il cite l’agriculture urbaine à Singapour, recommandant ainsi d’adopter ce type d’agriculture.

Économie à revenus élevés en 2023

Le Senior Advisor, en matière d’économie, ne cache pas l’inquiétude s’agissant du fossé qui existe entre la croissance mondiale et celle de l’économie mauricienne. « C’est un peu inquiétant car si l’économie mondiale se détériore, la nôtre suivra », dit-il. Face à cette situation, il avance qu’il est important pour que des efforts soient consentis pour que chaque secteur de l’économie puisse développer sa résilience et se dissocier de ce fossé actuel pour renouer avec celui qui existait auparavant. Dans sa présentation, le fossé moyen de 1991 à 2000 était de 2,8% et, aujourd’hui, il est de 0,7%. « C’est inquiétant », martèle-t-il.

Sen Narrainen explique que l’économie mauricienne a connu une croissance allant même jusqu’au seuil établi par la Banque mondiale. Il estime que, d’ici 2023, Maurice sera « une économie à revenus élevés » avec des revenus de USD 12 970 par tête d’habitant. Malgré le scepticisme, qui entourait ce souhait de réaliser des revenus élevés, Sen Narrainen avance que Maurice est à 84% du “benchmark”, et ce malgré les difficultés économiques. Mais pour le Senior Advisor, alors que Maurice pourra réaliser cet objectif, « des efforts devront être faits pour le maintenir vers une hausse ». Il poursuit : « Ce ne sera pas une tâche facile. » S’agissant du Human Development Index, il indique que Maurice est « parmi les meilleurs pays dont l’indice est élevé ».

Selon Charles Cartier, président de l’Economic Development Board, le secteur agricole fait face à des défis qui font émerger des questions. Avec le prix de sucre en baisse et l’utilisation de 46% de nos terres pour l’agriculture, dont la contribution n’est que 4% au PIB, dit-il, « il est important de se poser des questions ». Il se demande : « Avons-nous la bonne agriculture à Maurice et nos choix de cultures sont-ils bons ? » Selon lui, il faut se focaliser sur l’agriculture de demain, qui se base sur la technologie. En ce sens, il cite le cas d’Israël, où un arpent de terre produit six fois plus qu’un arpent de terrain à Maurice. Des questions sur la viabilité de notre secteur agricole, dit-il, « doivent être considérées ». Il explique de même qu’il faut changer la façon de cultiver traditionnellement et qu’il faut aller vers la technologie. De son côté, Mahen Seeruttun, ministre de l’Agro-industrie, a énuméré les différentes mesures annoncées dans le budget « pour booster le secteur agricole ».

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