AMENDEMENTS À L’ICT ACT | Mainmise sur les réseaux sociaux : La menace de Big Brother sur la toile !

Me Ashok Radhakisoon : « Il y a déjà un arsenal juridique bien étoffé »

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Me Erickson Mooneeapillay : « Des propositions  anti-démocratiques »

Les propositions de l’Information and Communication Technologies Authority d’amender l’ICT Act en vue d’un contrôle accru sur le contenu des réseaux sociaux continuent à faire des vagues et à susciter des interrogations tant de la part des légistes que des internautes, craignant avec raison une atteinte à la liberté d’expression et à la vie privée. Des amendements qui donneront ainsi plus de pouvoirs à l’État, à travers l’ICTA, pour contrôler toutes les données qui circulent afin de pouvoir les décrypter, filtrer et archiver pour sévir par la suite s’il y a des abus dans l’utilisation des réseaux sociaux. Depuis l’annonce de ces propositions d’amendements, la polémique enfle et la crainte d’entraves à l’un des droits fondamentaux du citoyen s’intensifie. Des légistes font état de lois sévères déjà en vigueur et bien établies et d’une opacité quant à ce qui adviendra du rôle des tribunaux.

Les amendements proposés par l’ICTA serviront ainsi à rendre légal le contrôle du contenu des réseaux sociaux. Le gouvernement, à travers l’ICTA, sera ainsi capable, avec cette nouvelle réforme de la loi concernant les plateformes de réseaux sociaux, de mettre la main sur tous les messages, les données et informations transmises pour qu’un comité d’éthique, à savoir le National Digital Ethics Committee qui sera mis sur pied, puisse enquêter sur tout contenu que celui-ci jugera « illégal et nuisible ».

Dans son Consultation Paper, l’ICTA évoque la nécessité d’avoir un cadre législatif et des outils techniques bien établis et plus solides afin de lutter contre tous types d’abus et de mauvaise utilisation des réseaux sociaux. Cette instance avance que cette nécessité est plus probante pour Maurice en raison de la barrière de la langue, soit que les commentaires sur les réseaux sociaux sont principalement en Kreol et que les plaintes des autorités locales aux administrateurs des réseaux sociaux sont en suspens et ne sont pas résolues à temps du fait du besoin de transcrire les messages et de comprendre la portée de ces commentaires dans le contexte local en premier lieu. L’ICTA a rappelé aussi qu’il y a plus de 2 000 plaintes rapportées sur le Mauritian Cybercrime Online Reporting System, notamment pour des cas de ‘hacking’ ou encore de ‘online harassment’, autres raisons évoquées pour renforcer la structure légale actuelle.

C’est alors notamment la clause 11.1 des amendements proposés qui fait sourciller des légistes, soit avec la mise en œuvre de la National Digital Ethics Committee et son mode opératoire. Un cadre légal pour permettre à la NDEC d’intercepter toutes les données, les décrypter, les filtrer, les archiver puis, après inspection, de décider s’il faut bloquer ou non le contenu.

  Usurper le rôle du judiciaire

Me Ashok Radhakisoon, ancien président de l’ICTA, trouve ainsi que de tels amendements ne sont pas nécessaires car il existe déjà des lois sévères existantes. « Je suis d’accord qu’il y a des abus mais est-ce raisonnable un droit de regard du gouvernement, à travers l’ICTA, sur le contenu des informations ? Un citoyen ne peut subir de censure, cela va à l’encontre de l’article 12 de la Constitution pour la protection de la liberté d’expression. Il y a une limite à ne pas franchir. De plus, il y a déjà un arsenal légal bien étoffé à Maurice on n’a pas besoin d’autres lois de la sorte. Plus encore, la NDEC sera un comité avec des membres nommés politiquement. Il semble que ce comité, avec les pouvoirs dont il disposera, viendra usurper le rôle du judiciaire. Le vrai dessein de ces propositions d’amendements demeure flou et en plus, il y a eu des amendements apportés en 2018, donc pourquoi y revenir ? Ce qui est important et qui n’a pas été évoqué par l’ICTA, c’est le besoin de responsabiliser les internautes avant tout ».

Me Erickson Mooneeapillay, directeur de l’ONG DIS-MOI, évoque, lui, des propositions qui vont à l’encontre du principe démocratique. « Alors que Maurice recule en termes de protections des droits humains, l’État vient toucher directement à la liberté d’expression. Ainsi toutes informations transmises pourraient faire l’objet de censure. Pour une société démocratique ces amendements n’ont pas leur raison d’être. L’ICTA veut tout contrôler ! On se dirige alors vers une dictature de communication. Ce sont des propositions remplies d’opacité et anti-démocratiques ». Le Consultation Paper évoque aussi, dans son appel aux points de vue du public, à un éventuel bannissement des réseaux sociaux de toutes personnes coupables de délits sous l’ICTA. « Cela bafoue les règles de la réhabilitation. Tout individu ayant commis un délit a droit à une réhabilitation, et le bannir à vie des réseaux sociaux n’est pas la solution adéquate », avance Me Mooneeapillay.

La position de la Law Reform Commission

L’instance responsable de soumettre ses propositions au ministère de la justice pour les reformes pénales à Maurice, la Law Reform Commission, s’opposait à l’introduction d’une loi spécifique pour réguler la diffusion de fausses nouvelles (fake news) sur les réseaux sociaux.

Dans un Opinion Paper en 2018 : la LRC a trouvé qu’une réforme ne serait pas judicieuse de peur que l’État crée un « Law on Social Media (Fake profiles, Fake News and other Harmful Digital communications), outil dangereux qui ciblera des individus précis et les empêchera de divulguer leurs opinions. « Such laws can preclude the discussion of ideas which challenge the norm, restraining public debate and restricting criticism of societal attitudes of those in power » avait évoqué la LRC dans cette ‘Opinion Paper’.

La LRC avait aussi ajouté « qu’il serait difficile pour Maurice » de mettre en place tout un cadre législatif et travailler avec ces grandes compagnies de réseaux sociaux, avec le besoin d’avoir des modérateurs pour s’assurer que les contenus nuisibles rapportés soient enlevés dans un délai convenable. Entretemps, une pétition circule actuellement sur les réseaux à travers le site change.org.

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