Après la démission de Nando Bodha – La fin d’un certain MSM

Mal à l’aise depuis un certain temps avec l’ascendant pris par Lakwizinn, n’ayant plus d’interlocuteur valable au Sun Trust, le départ de cette figure était programmé

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Le ministère des Affaires Étrangères est décidément un portefeuille qui fait partir non pas pour d’autres cieux, mais vers la sortie. Après Vishnu Lutchmeenaraidoo qui a claqué la porte de ce ministère et du MSM le 21 mars 2019, au tour du tout dernier occupant, Nando Bodha, de démissionner comme ministre des Affaires Étrangères et du MSM. Dans un communiqué émis hier, le démissionnaire a expliqué les raisons de son geste, dans le ton sobre et mesuré qui a toujours été le sien. Avec son départ, c’est la fin d’un certain MSM qui est acté.

Week-End publiait sous le titre On l’a à l’Å“il, le 13 décembre 2020, ce qui suit: « Ce membre de la majorité est très étroitement surveillé depuis quelque temps. N’étant pas dans le premier cercle de Lakwizinn, il se fait un devoir de rester loin des combines des chefs et des sous-chefs, ce qui n’est pas du tout au goût des thuriféraires de Pravind Jugnauth qui ne supportent pas que l’on ne fasse pas les éloges du Premier ministre matin, midi et soir… Ses adversaires laissent d’ailleurs courir le bruit qu’il aurait discrètement rencontré une personnalité de l’opposition. » Il s’agissait, évidemment, de Nando Bodha.

Ils étaient déjà nombreux à avoir eu des échos du malaise ressenti par ceux qui ont côtoyé Sir Anerood Jugnauth et qui ne reconnaissent plus leur parti depuis le retrait du vieux. C’est toujours dans nos colonnes le 25 octobre 2020 qu’était publié un texte sur « le profil bas observé par un bon nombre de cadres qui comptent un certain nombre d’années d’activisme au MSM a une explication. Ceux qui ont, soit travaillé ou côtoyé le « bonom » Jugnauth ne sont absolument pas à l’aise avec le style du fils Pravind. »

Plus éloquent est ce propos recueilli auprès d’un ancien fidèle de SAJ: « Ou krwar ek bonom ti pou ena sa kalite kiksoz la kot konseye pa kone kot sorti pe vine koz lor tou zafer zot pa koné? » Le décor était planté pour des soubresauts à venir. Mal à l’aise depuis un certain temps avec l’ascendant pris par Lakwizinn, n’ayant plus d’interlocuteur au Sun Trust, le départ de Nando Bodha – cette figure toute en rationalité – était programmé.

On ne sait si ce n’est que le début d’une grande agitation mais le départ de ce pilier du Sun Trust qu’était Nando Bodha risque de faire très mal à un MSM déjà extrêmement malmené depuis les dernières élections générales qui l’avaient conduit au pouvoir avec des suffrages restreints et dans une lutte à trois. Un scénario qui ne risque pas de se répéter.

Il faut dire que Nando Bodha était, ces derniers temps, l’objet d’une drague lourde de la part de ses opposants. Si au MMM, on parlait d’une communication avec celui qui a toujours entretenu de très bonnes relations avec Paul Bérenger, ce sont d’autres qui ont commencé à lui faire des appels du pied publics.

Roshi Bhadain, perfide pour ne pas changer, a choisi une fuite en avant éclairante lorsqu’il a été interrogé par une radio privée le 29 janvier dernier sur le prime ministership de Navin Ramgoolam. Le leader du Reform Party a répondu qu’il y a plusieurs candidats à ce poste: « Arvin Boolell, Nando Bodha, si li sorti, et mo mem. »

« He would quit… »

Dimanche 31 janvier à La Louise, c’était au tour de Rama Valayden de demander à celui a « encore des principes » de sortir une bonne fois « avan zot met laké ferblan ar twa. » Le leader de l’opposition, Arvin Boolell s’est ensuite mis de la partie en postant sur sa page Facebook, le 2 février, la veille des 67 ans de celui qui était encore le ministre des Affaires Étrangères. « Bodha has conveyed the message that he would quit », avait-il écrit.

Nando Bodha, contrairement à la flopée de comiques alignés par l’écurie du Sun Trust aux dernières élections générales, était quelqu’un de déjà connu avant de se lancer en politique. L’urbaniste formé à Rennes, ne trouvant pas chaussure à son pied à son retour au pays, s’est intéressé à la communication et au journalisme, ce qui l’a conduit à la MBC, un organisme avec ses défauts déjà, certes, mais pas ce paillasson infect que l’on connaît aujourd’hui.

Si bon, si bien articulé et ayant une parfaite maîtrise du français comme de l’anglais, Nando Bodha deviendra très vite le présentateur attitré du journal télévisé dans les années 80. Un rôle si bien exécuté que cela lui vaudra une reconnaissance nationale. SAJ, impressionné par ses prestations télévisées, se jura de le convaincre de se lancer en politique.

Nando Bodha, devenu directeur général de la MBC, osera organiser des débats télévisés avec le Premier ministre SAJ en le confrontant aux journalistes de la presse écrite pourtant très critiques à son égard. De la bonne télévision publique que l’on n’avait pas vu depuis des lustres.

Le communicant Nando Bodha, toujours calme, jamais polémique, finira par faire partie du premier cercle de SAJ avec le regretté Christian Ithier, Pierre Ah Fat et Torriden Chellapermal. Des personnalités qui n’ont rien à voir avec les minus sans bagage ni légitimité et encore moins de finesse qui se prennent pour de grands pétauds juste parce qu’ils ont la protection de lakwizinn.

C’est à l’élection très difficile de 1995 pour le MSM, et SAJ en particulier, que Nando Bodha accepte de se jeter dans la bataille. Habitant de Grand-Baie, il se présente dans la circonscription no. 6 et est – comme les autres candidats du MSM/RMM – balayé par un 60/0 sans appel de l’alliance PTr/MMM.

Mais il revient en 2000 pour être élu à Vacoas/Floréal sous les couleurs de l’alliance MSM/MMM à Vacoas/Floréal. Il devient ministre du Tourisme puis celui de l’Agro-Industrie lorsque Paul Bérenger devient Premier ministre. En 2005, il est reconduit sous l’alliance MSM/MMM conduite par le leader mauve qui ne remporte toutefois pas la majorité.

Après la cassure de l’alliance MSM/MMM et la défection des députés Maurice Allet et Éric Guimbeau, le MSM disposant de la majorité dans l’opposition, Nando Bodha – en l’absence du candidat battu Pravind Jugnauth – devient le leader de l’opposition pour une courte période entre 2006 et 2007, Paul Bérenger retrouvant le poste de chef de l’opposition lorsque le tandem du PMSD claque la porte du gouvernement travailliste.

En 2010, en alliance avec le PTr et le PMSD, Nando Bodha retrouve le ministère du Tourisme mais quitte le gouvernement lorsque son parti claque la porte en pleine affaire Medpoint en 2011.

Nostalgique de la période du dernier gouvernement décent que ce pays ait eu entre 2000/2005, le secrétaire général Å“uvrera toujours dans l’ombre pour des retrouvailles. La démarche réussit en 2012 et le remake est on. Pas pour longtemps puisque Paul Bérenger larguera le MSM pour le PTr, avec qui il estime avoir obtenu un meilleur deal.

Après 2014, celui qui est toujours le secrétaire général du MSM accède au poste de ministre des Infrastructures Publiques et, à ce titre, pilote le projet de Metro Express qu’il réussit à faire lancer avant les élections générales de 2019. Sur le tronçon Rose-Hill/Port-Louis.

La mutation qui fâche

S’il est reconduit toujours dans la même circonscription, le no 16, en 2019, il est néanmoins devancé par la néophyte Joanna Bérenger et, pire, Pravind Jugnauth lui retire le portefeuille des Infrastructures Publiques et le parque au ministère des Affaires Étrangères. C’est la mutation qui fâche.

Nando Bodha n’est pas du tout content de ce transfert vécu comme une punition et, déjà réfractaire aux polémiques stériles et aux conférences de presse style Bobby Hureeram, Maneesh Gobin, Avinash Teeluck ou Joe Lesjongard, le style développé depuis 2017 avec l’accession de Pravind Jugnauth le rendra encore plus absent du débat public.

À l’Assemblée Nationale, jamais un mot de travers ni d’attaque personnelle. Toujours des arguments qui donnent à réfléchir, qui permettent le débat et des interventions toujours très appréciées. Rien à voir avec Le Loud Speaking grossier devenu la marque de fabrique du MSM nouveau, style fiston!

Évoluant dans un cadre où Yogida Sawmynaden, Sudheer Maudhoo, Deepak Balgobin, Vikash Nuckcheddy, Zouberr Joomaye, Alan Ganoo et Steve Obeegadoo ont les faveurs du chef, la situation était devenue intenable pour Nando Bodha. Il a donc tiré les conséquences le 6 février.

Le PMSD avait attendu deux ans après des élections générales de 2014 avant de claquer la porte du gouvernement en décembre 2016. L’ancien ministre et secrétaire général du MSM, Nando Bodha n’aura, lui, pris que 14 mois pour décider de prendre le large et aller respirer un peu d’air frais.

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