Assemblée nationale : Ça n’a pas vraiment flambé vendredi

Le mood de la Saint-Valentin l’emporte sur les étincelles provoquées par le dossier de la qualité de l’essence qualifiée de « scandale de la décennie »

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Débats : le Speaker interrompt brusquement une intervention, le Deputy Speaker Zahid Nuzurally incompréhensible et Salim Abbas Mamode qui trouve que « Tania Diolle a raté la cloche »

Reza Uteem, sobre mais toujours incisif, et Avinash Teeluck qui fait des débuts honorables

Malgré la Private Notice Question sur la qualité de l’essence accusée d’avoir endommagé quelque 3 000 véhicules, ça n’a pas vraiment flambé à la séance de l’Assemblée nationale tenue vendredi dernier, le 14 février. Il semble que ce soit le mood de la Saint-Valentin qui l’ait emporté sur les étincelles pourtant bien réelles qui ont émaillé les échanges sur la PNQ avec le leader de l’opposition évoquant des aspects troubles et qualifiant cette affaire de « scandale de la décennie ». Si le ministre du Commerce et de l’Industrie, Yogida Sawmynaden, a déclaré que les enquêtes sont toujours en cours, que c’est la SGS qui mène une enquête sur cette affaire et que même la Grande-Bretagne a été sollicitée pour des examens, Arvin Boolell a, lui, parlé de zones d’ombre et de prejudice pour de nombreux automobilistes. Aussi a-t-il réclamé la constitution d’un Select Committee de l’Assemblée nationale sur ce contrat d’approvisionnement, non sans avoir sévèrement dénoncé le fournisseur. Le leader de l’opposition a soutenu que Vitol ne serait qu’un « trader » et qu’il y aurait des allégations à son encontre, ce qui aurait résulté en son interdiction dans plusieurs pays.

Le ministre Sawmynaden n’a pas réagi favorablement à cette requête ni à celle du député du MMM Rajesh Bhagwan qui avait, lui, réclamé une commission d’enquête sur ce contrat tout en imputant la responsabilité de ces problèmes, teintés de maldonne, à l’ancien ministre du Commerce et de l’Industrie, Ashit Gungah, et au directeur général de la State Trading Corporation, Rajanah Dalliah, aujourd’hui député et PPS.

Yogida Sawmynaden n’a pas non plus accepté de rendre publics les documents, copies de contrat, résultats des tests demandés, comparaisons de spécifications entre ce qui était imposé au fournisseur précédent, Mangalore, et l’actuel prestataire comme demandé par Arvin Boolell, lui-même, mais aussi par Shakeel Mohamed et Xavier Duval qui ne sont pas privés pour parler de « cover-up ». Le ministre a, lui, évoqué, une enquête indépendante approfondie qui prendra du temps.
S’il n’a pas voulu situer les responsabilités dans les pannes techniques que des propriétaires de voitures ont rencontrées, il a néanmoins tenu à relever le fait que ce sont seulement certaines marques de voitures qui ont été affectées, alors que des bateaux et des motocyclettes qui ont utilisé le même carburant n’ont pas eu de problèmes.

A l’item débats sur la discours-programme, on a eu droit à un épisode inédit, le Speaker Sooroojdev Phokeer interrompant brusquement l’intervention du député travailliste pour la pause thé, alors qu’il est de coutume que la présidence demande à l’intervenant ce qu’il lui reste de temps d’intervention pour décider ou non de la suspension de séance.

La bonne humeur

Eshan Juman n’en avait que pour dix minutes supplémentaires qu’il a dû reprendre après la pause. Encore une fois, droit à des prestations quelconques. Sooroojdev Phokeer a préféré interrompre la séance au motif que l’hémicycle était de « bonne humeur ». Premier membre du front bench à intervenir, Reza Uteem, DeputyLeader du MMM, a confirmé son statut de parlementaire aguerri. Sobre et incisif, il a d’emblée frappé fort en rappelant à ceux qui critiquent l’opposition pour son absence à la lecture du discours-programme qu’ils doivent aussi savoir que le MSM avait boycotté cet exercice en avril 2012 et même boycotté les débats subséquents.

Le député est revenu sur les couacs qui ont marqué le dernier scrutin et la campagne électorale qui a été émaillée d’irrégularités et de clips diffamatoires, du money politics, de l’interdiction faite à des partis de se présenter comme candidats, des entorses commises par la MBC au point d’être rappelé à l’ordre par la Commission électorale et a plaidé pour une nouvelle Représentation of People Act et une IBA vraiment indépendante. « La majorité du pays est dans l’opposition », a déclaré le députe du No 2.

« Je n’ai jamais vu autant d’argent en circulation que durant la dernière campagne électorale » a lancé Reza Uteem. Il s’est néanmoins dit convaincu que l’on pourrait trouver un consensus sur le financement des partis politiques si un Select Committee de la Chambre, composé « of patriots and champions of democracy », est mis sur pied pour revoir tout cela, mais aussi pour se pencher sur la réforme électorale. Si le député a reconnu qu’il y a une panoplie de bonnes intentions dans le discours-programme, le taux de pauvreté reste élevé. Il a d’ailleurs relevé qu’en quatre ans et demi seulement, 1, 400 maisons ont été construites, alors que c’est 10, 000 sur 5 ans qui avaient été promises.
Reza Uteem a aussi soutenu que l’on ne peut parler de projet inclusif lorsque 70 % de nos jeunes ne peuvent accéder au HSC faute de 5 crédits. Avant de brosser un tableau peu reluisant de la situation économique, il a souhaité que l’Equal Opportunities Commission enquête sur les cas de recrutement et de promotion dans le service public.
Où sont les femmes ? Le député a terminé en frappant très fort et en suscitant une réaction plutôt médusée des bancs de la majorité lorsqu’il a énuméré la liste de tous les corps parapublics, du CEB à Air Mauritius en passant par la Banque de Maurice et la Financial Services Commission, où il n’y a pas une femme qui soit présente au plus haut échelon de la direction.

Et ses propres collègues qui ricanent

Vu ses responsabilités, l’intervention de l’avocat élu Deputy Speaker Zahid Nuzurally était très attendue. Or, il fallait de gros efforts pour comprendre ce qu’il lisait. Entre éloges des prouesses de « lalians morichien » et une définition de la culture qui comprend la religion, le député a eu le mérite de beaucoup amuser ses propres collègues puisqu’on a pu voir Subashnee Lutchmun-Roy, Sandra Mayotte et Joanne Tour beaucoup ricaner pendant son intervention.

C’est le ministre des Arts et du Patrimoine culturel, Avinash Teeluck qui était le premier intervenant sur le discours-programme. Débuts honorables pour ce nouveau venu qui a cité Margaret Thatcher, papesse de l’ultralibéralisme, et qui a critiqué l’opposition sur sa démarche de contester les élections au motif qu’elles auraient été truquées alors qu’elle a, elle-même, des élus dans plusieurs circonscriptions. Le ministre a soutenu que le gouvernement a toute sa légitimité.

Cela a été, encore une fois, un exercice de glorification de Pravind Jugnauth et de son bilan social avant qu’il ne procède à un survol des projets que pilotent ses services. Le tout sur un ton toutefois très correct et un débit très clair.

Le succédant à la tribune, Eshan Juman, député travailliste du No 3, a, un brin théâtral dans sa prestation, fait quelques jeux de mots qui ont amusé ses collègues de l’opposition. Sur le trafic de drogue, il a estimé que « pa pe kass lerein me pe karess lerein trafiquant » en se référant à l’exemple de la tractopelle bourrée de cocaïne et que le « sport pa pe brille, mais pe brule ».

Il a invité le Premier ministre à donner le bon exemple et à ne pas fermer le Parlement lorsqu’il n’est pas au pays, que le Parlement soit un vrai creuset de la démocratie. Le député a dénoncé le fait que des habitants de Roche-Bois et de Plaine Verte ne trouvent pas d’emplois à la Cargo Handling Corporation et que le PPS Rawoo, responsable du No 3, n’ait pas eu, dans son intervention, un seul mot pour cette circonscription.
Après la pause thé, c’est Buisson Léopold, député de l’Organisation du Peuple de Rodrigues qui a pris la parole pour un hommage appuyé à son leader Serge Clair et son combat pour l’autonomie la décentralisation sous un gouvernement dirigé par Sir Anerood Jugnauth et Paul Bérenger.

Passe d’armes OPR/PMSD

Il en a profité pour lancer des critiques contre le PMSD, seul parti qui avait aligné des candidats à Rodrigues lors des dernières élections générales et il est aussi revenu sur le rôle de ce parti depuis le scrutin de 1967. Buisson Léopold a consacré le reste de son intervention à sa circonscription.

Salim Abbas Mamode, qui n’est pas un néophyte, mais qui a une diction similaire à Zahid Nuzurally, a tenu à donner la réplique à Buisson Leopold après les critiques de ce dernier à l’encontre du PMSD et de son rôle à Rodrigues. Sinon, le député du PMSD a observé que « Tania Diolle a raté la cloche » au lieu de « rater le coche », avant de faire un plaidoyer pour les administrations régionales, lui, qui a bien roulé sa bosse en tant que conseiller municipal.

Le ministre des PME Sunil Bholah a critiqué Navin Ramgoolam venu chercher refuge dans sa circonconscription pour connaître sa deuxième défaite consécutive. S’il a reconnu que le secteur des petites et moyennes entreprises n’est jamais facile, il a assuré que tout est entrepris pour que ce secteur puisse se développer. C’est Sudhir Maudhoo qui a demandé l’ajournement des débats et qui devrait intervenir à la prochaine séance fixée à 11 h 30, le lundi 24 février.

Au Statement Time, deux interventions, celles du ministre de la Jeunesse et des Sports, Stéphane Toussaint, sur la bourde marocaine de la sélection de Futsal, et du ministre des Technologies de l’Information Deepak Balgobin sur l’accès internet aux personnes inscrites au registre social suivant un problème évoqué à Tranquebar par le député Reza Uteem.

Comme il n’y a pas de Question Time depuis le 1er octobre 2019, les députés de l’opposition s’en donnent à coeur joie à l’ajournement des travaux. C’est ainsi que l’on a eu pléthore de problèmes évoqués en fin de séance. Patrice Armance a évoqué un problème de drains et de rues en mauvais état à la résidence Mauvilac ; Kushal Lobine celui de la circulation à Hermitage ; Salim Abbas Mamode, le port du masque à l’aéroport ; Reza Uteem sur le déplacement des autobus à Tranquebar et Rajesh Bhagwan sur l’utilisation de la rue Vandermeersch par les pèlerins du Maha Shivatree. Arianne Navarre-Marie a, elle, parlé des effets toxiques de la fumée que dégage une fonderie à Pointe-aux-Sables, Aadil Ameer Meea, l’obstruction d’un terrain de pétanque depuis le cyclone Calvinia par un arbre tombé sur le site ; Franco Quirin, le problème de circulation à Albion ; Deven Nagalingum, la pétition rédigée par les habitants des artères résidentielles envahies par les bus navettes ; Karen Foo Kune, l’état de la passerelle de Coromandel et Ritesh Ramful sur un problème de recours contre les permis de construire.

Pour clore l’ajournement, Patrick Assirvaden a évoqué le problème d’accès à Paillotte pour les pèlerins de Maha Shivaratree et Osman Mahomed celui d’accès au transport en commun dans sa circonscription.
Dans une déclaration en début de séance, le Speaker avait annoncé la constitution du Parliamentary Committee sur l’Independent Commission Against Corruption (ICAC) avec comme représentants de la majorité Naveena Ramyead, qui présidera le comité, Dorine Chukowry, Anjive Ramdhany, Tania Diolle et Ashley Ittoo et, pour l’opposition, Patrick Assirvaden, Farhad Aumeer, Kushal Lobine et Ritesh Ramful, tous du PTr. Le MMM, considérant que ce comité ne sert à rien, a décidé de ne pas en faire partie.

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