Assemblée nationale : ça va crescendo en termes de couacs

  • — Encore une scène surréaliste avec une partie de cache-cache entre le Premier ministre et Mahen Seeruttun pour répondre à la PNQ axée sur le scandale du SIFB
  • — Arrivé 10 minutes en retard, le ministre de l’Agro-Industrie semblait embarrassé de se voir refiler cette patate chaude

Il y a les jours où les travaux sont ajournés parce qu’il pleut et que le toit de l’hémicycle coule, comme lors de la séance du mardi 13 novembre, et puis il y a des jours où tout s’annonce apparemment sur les rails, mais où, dès l’entame même de la séance, apparaît un gros macadam. En termes de couacs, ça va crescendo, on dirait. La PNQ de Xavier Duval sur le scandale du Sugar Insurance Fund Board a ressemblé à une partie de cache-cache, le Premier ministre à qui elle était adressée ayant décidé de la passer au ministre de l’Agro-Industrie, lequel semblait embarrassé d’avoir hérité de cette patate chaude. Comme il avait été contraint de répondre au débotté à cette PNQ, le ministre Mahen Seeruttun s’est pointé avec une bonne dizaine de minutes de retard.

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Scène, en effet, surréaliste en début de séance. Après l’hymne national, Xavier Duval s’est levé pour décliner le libellé de sa Private Notice Question, très directe et portant sur une manipulation frauduleuse au SIFB, laquelle question a eu pour effet de priver quelques 10, 000 planteurs d’une compensation s’élevant à Rs 450 millions pour la récolte de 2017, une affaire qui concerne ceux qui envoient leurs cannes à la compagnie sucrière de Bel-Ombre. Le leader de l’opposition a voulu connaître les mesures prises en conséquence de cette manipulation.
C’est le Premier ministre qui s’est mis debout pour dire qu’il écherra à son collègue de l’Agro-Industrie de répondre, avant d’ajouter qu’ « unfortunately, he is not yet here. So, in the meantime, I will ask the Chief Whip to get in touch with him ». Des cris de désapprobation se sont alors fait entendre des bancs de l’opposition.
Xavier Duval, qui s’est inscrit en faux contre cette transmission de dossier à Mahen Seeruttun — puisque le SIFB, a-t-il soutenu, relève de la responsabilité des Finances dont le ministre est appelé à nommer les membres du conseil d’administration — a cité la question B/847 sur le SIFB à laquelle ce n’est autre que le Premier ministre et ministre des Finances qui avait répondu. La Speaker est alors intervenue pour dire qu’« I would have expected the Minister to be here », que les Standing Orders sont d’ailleurs clairs à ce sujet.
Pravind Jugnauth a tout fait pour combler le temps de retard de son collègue en intervenant une nouvelle fois pour justifier que la question a été refilée à Mahen Seeruttun, citant des passages entiers de certains textes régissant le secteur agricole, ce qui a eu le don d’exaspérer Xavier Duval.

Les remontrances de la Speaker

C’est à ce moment précis que le ministre de l’Agro-Industrie s’est pointé. Il a été accueilli par une remontrance en bonne et due forme de la part de Maya Hanoomanjee : « I am really sorry, I have to tell you that you know already you had to reply to the PNQ and it was scheduled for 11.30 a.m.and I do not think it is opportune for any Minister who has a PNQ or a question to reply, he is not present in the House. »
Après des excuses, le ministre de l’Agro-Industrie s’est embarqué dans sa réponse pour une traversée très agitée, chahuté qu’il était par le leader de l’opposition qui n’a pas arrêté de le pilonner de questions supplémentaires. Comme pour confirmer qu’il n’était pas du tout ravi d’avoir hérité de cette question, Mahen Seerttun a quand même tenu à rappeler que « the Sugar Insurance Fund Board (SIFB), falling under the aegis of the Ministry of Finance and Economic Development, has, amongst others, the responsibility to insure the sugar industry against loss due to cyclones, drought, excessive rainfall or fire ».
Répondant à Xavier Duval, le ministre a annoncé qu’un Forensic Audit avait été commandité afin de voir plus clair dans cette affaire de manipulation des données, non sans avoir précisé que l’ICAC avait été saisie du dossier après avoir reçu une lettre anonyme dans ce sens. Le leader de l’opposition s’est étonné que ce qui s’apparente à une fraude n’ait pas été référé à la police, d’autant qu’un rapport datant du 8 août 2018 émanant d’un haut cadre du SIFB parle de ces importantes manipulations, mais le ministre a brandi son Forensic Audit comme la panacée choisie pour faire la lumière sur cette affaire.
Devant les approximations de Mahen Seeruttun, le leader de l’opposition va hausser le ton et le marteler de questions et d’accusations, tant et si bien que le ministre finira par rappeler que, de 2005 à 2014, Xavier Duval et Arvin Boolell étaient au gouvernement et que rien n’avait été fait pour aider les petits planteurs. Et ce sont ces manquements que l’actuel gouvernement a commencé à corriger depuis 2014, a affirmé le ministre.

Le leader de l’opposition a estimé incroyable qu’un rapport rendu depuis août 2018 n’ait fait l’objet d’aucun suivi et qu’au lieu d’instituer une commission d’enquête présidée par un magistrat, il y a eu, au contraire, une tentative de cover-up, selon lui, dans cette affaire. Et s’il a cité le rapport signé Jake Sookduth, Xavier Duval a carrément refusé de le déposer et a dit qu’il le remettrait à la presse plutôt.

Le ministre a, quant à lui, maintenu qu’il y a eu une erreur, qu’elle a été corrigée et qu’un audit a été confié à la firme d’experts-comptables PriceWaterhouse Coopers. Décision prise le 27 octobre, alors que le rapport de dénonciation date du 8 août, a déploré le leader de l’opposition.

Un aller simple en enfer

Cette tranche se terminera avec un match Mahen Seeruttun/Arvin Booell qui, lui aussi, a plaidé pour l’institution d’une commission d’enquête, demande à laquelle le ministre n’a pas réagi positivement, au point où l’ancien ministre travailliste a lancé : « Go to hell ». Une pique qui a suscité l’intervention de la Speaker, laquelle a répliqué qu’ « I do not think you are substituting yourself to God ! Are you substituting yourself to God ? Going to hell or to paradise ? » Invité à retirer son propos, Arvin Boolell a fait de l’esprit en disant que c’était un « hell raising issue » et que si le ministre connaissait « the way to hell », il ne se fait aucun souci à ce propos. Cette remarque sarcastique est mal passée auprès de Maya Hanoomanjee qui lui a demandé de retirer son expression, ce qu’il a fait non sans avoir essayé une nouvelle fois de donner dans l’ironie.

Le reste de la longue séance, qui s’est terminée à 2 heures jeudi, a été consacrée à l’examen et l’adoption de deux textes. Le National Payment System présenté par le Premier ministre et ministre des Finances visant à mieux réglementer l’usage de plus en plus fréquent de paiement en ligne et autres méthodes. Le député du MMM Reza Uteem, qui était le premier intervenant, a déploré que le régulateur, la Banque de Maurice, n’applique pas des sanctions aux banques qui commettent des entorses et que ceux qui s’estiment lésés n’obtiennent pas réparation.

Il a ainsi demandé que l’Ombudsman pour les services financiers, annoncé en garde pompe, soit nommé au plus vite. Le texte a été adopté au terme d’un débat qui s’est déroulé dans une ambiance plus ou moins consensuelle. Plus animés et plus longs ont été les débats sur le Special Needs Education Bill de la ministre Leela Devi Dookun-Luchoomun et qui se sont achevés aux petites heures du matin après le vote du texte.

Malgré l’heure avancée, des députés ont évoqué les problèmes de leurs circonscriptions. Parmi les intervenants, Rajesh Bhagwan, qui a, entre autres, évoqué la nécessité de compenser les victimes du problème de débordement d’eaux usées. Nando Bodha a invité ceux qui s’estiment lésés à adresser leurs demandes auprès de Larsen and Toubro qui a retenu les services du cabinet de Patrice Doger de Spéville et Metro Express Ltd.

 

Mardi prochain

Un texte pour renvoyer les élections villageoises à 2020

  • Ce scrutin aurait normalement dû se tenir le mois prochain, les dernières consultations remontant au 2 décembre 2012
  • Au Question Time : Ken Arian, la commission de pourvoi en grâce, Jamal Khashoggi, le JT de 19 h 30, l’affaire Tarolah et le cocktail Molotov lancé sur la résidence des Ruhomally

 

Le gouvernement MSM/ML présentera ce mardi un texte, The Local Government (Amendment No 2) Bill, portant la signature de Fazila Jeewa-Daureeawoo et qui sera débattu dans toutes ces étapes le même jour afin de renvoyer les élections villageoises qui, normalement, auraient dû avoir lieu le mois prochain, les dernières consultations s’étant déroulées le 2 décembre 2012 et le mandat des élus villageois étant d’une durée de six ans. L’amendement proposé prévoit d’ailleurs le prolongement du mandat de ceux qui avaient été élus il y a six ans. Il fixe donc la tenue de ce scrutin après les prochaines élections générales.

Il n’y a pas que ce projet de loi qui risque d’enflammer l’hémicycle, il y aussi le Question Time et ses thèmes polémiques. Si c’est Sudesh Rughoobur qui ouvre la série de questions à l’adresse du Premier ministre avec deux interrogations régionales sur un centre récréatif pour les jeunes à Petit-Raffray et une foire à Fond-du-Sac, alors qu’il aurait bien pu les soumettre pour obtenir des réponses écrites, Veda Baloomoody attaque juste après avec un sujet fondamental, celui de la commission de pourvoi en grâce et sa récente décision d’accorder la remise en liberté à Christopher Perrine, condamné à 18 ans pour viol d’une mineure.
C’est son collègue Rajesh Bhagwan qui prend le relais avec deux questions sur le conseiller spécial de Pravind Jugnauth, Ken Arian. Il veut connaître le salaire mensuel de ce dernier et les allocations qui lui sont versées, le nombre de déplacements effectués qu’il a faits à l’étranger depuis qu’il a été nommé, les pays visités, le coût des billets d’avion et celui des per diem.
Le même député voudra aussi savoir de Pravind Jugnauth quels sont les organismes d’Etat sur lesquels siège Ken Arian comme président ou comme membre, la rémunération qu’il perçoit en tant que tel, les missions effectuées pour le compte de ces corps paraétatiques, les pays visités, le budget pour les billets d’avion et les allocations de voyage.
Place ensuite à Arvin Boolell qui interrogera le Premier ministre sur les navires flottants, tandis que Kavi Ramano veut obtenir du chef du gouvernement si la République de Maurice a eu une quelconque réaction à propos de l’assassinat du journaliste Jamal Kashoggi.

Reza Uteem reviendra, pour sa part, sur la dette publique et Osman Mahomed sur le journal télévisé de 19 h 30 de la MBC. Le député travailliste demandera à Pravind Jugnauth de révéler le temps d’antenne qui lui a été personnellement — en temps que Premier ministre — accordé du 16 octobre au 15 novembre 2018 et celui concéder, durant la même période, à la coalition gouvernementale MSM/ML, le PTr, le MMM, le PMSD et le Mouvement patriotique.

Pour les autres ministres, une palette de questions d’actualité, comme celles d’Aadil Ameer Meea sur le rapport d’enquête sur les hypothèques et les ventes à la barre ou de Reza Uteem sur les suites données à la dénonciation à la police de l’élu du MSM Kalyan Tarolah.
Arvin Boolell interrogera aussi le ministre mentor sur les cocktails Molotov lancés sur la demeure du Dr Ruhomally, là où résident Hassenjee Rohomally et son épouse qui avaient été interrogés à la suite de la publication d’une photo de Kobita Jugnauth et Sherry Singh sur Facebook.
Sinon, les questions qui n’avaient pas été prises le 13 novembre pour cause de renvoi de la séance suivant l’infiltration d’eau de pluie dans l’hémicycle ont de nouveau été inscrites à l’agenda de ce mardi.
Quant à l’ordre d’examen des textes de loi, ce sera d’abord la présentation en première lecture du Local Government (Amendment No 2) Bill, présenté par la vice-Première ministre Fazila Jeewa-Daureeawoo et The Ombudsperson for Financial Services Bill, que pilotera le ministre des Services financiers Sudhir Sesungkur, texte qui vise à mieux protéger les usagers d’abus.
The Mauritius Family Planning and Welfare Association Bill, présenté la semaine dernière, sera débattu en deuxième lecture et soumis au vote. Et c’est ensuite que le Local Government (No 2) Bill sera débattu et proposé au vote des parlementaires avant sa présentation en troisième lecture. Ce qui se soldera par un revoir des élections villageoises de cette année.

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