Assemblée nationale – Chagos : Consensus et unanimité historiques

  • Le PM, réitérant l’accusation de crime contre l’humanité à l’adresse de Londres : « There can be no reason whichever, including security purposes, which can perpetuate colonisation »
  • Pravind Jugnauth : « As is stands today, the one-member constituency of Chagos is not possible »

Pendant un peu plus de six heures hier, l’Assemblée nationale a témoigné de moments intenses marqués par le consensus et l’unanimité. C’était lors des débats sur la motion du Premier ministre, Pravind Jugnauth, en vue d’intégrer l’archipel des Chagos, dont Diego Garcia, à une des circonscriptions devant être déterminée par l’Electoral Boundaries Commission. Après l’intervention liminaire du Premier ministre, le leader de l’opposition et du PMSD, Xavier-Luc Duval, le leader du MMM, Paul Bérenger, ainsi que Shakeel Mohamed, le chef de file parlementaire du Parti travailliste, ont tous affirmé qu’ils voteront la motion tout en faisant de part et d’autres des remarques d’ordre pratique et politique. Une vingtaine d’intervenants des deux côtés de la Chambre se sont succédé pour souligner la dimension historique de cette démarche dans le sillage de l’Advisory Opinion de la Cour internationale de justice et de la résolution du 22 mai dernier aux Nations Unies. À 21h16, quand la Speaker, Maya Hanoomanjee, avait mis au vote cette motion, le siège réservé au leader de l’opposition, Xavier-Luc Duval, au sein de l’hémicycle était vide.

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Résumant les débats pendant plus d’une demi-heure, avant le vote, le Premier ministre a tenu à apporter des précisions sur des points soulevés par les différents orateurs, et surtout à fournir des explications au sujet de la demande du Groupe Réfugiés Chagos en vue de faire de l’archipel une “One-Member Constituency”. Avant d’entrer dans le vif du sujet, il a réfuté les arguments de l’opposition au sujet d’une éventuelle absence de consultations avec les représentants des Chagossiens.

« This is the first time that we are all together in the legitimate fight to get back the Chagos archipelago », s’est appesanti le Leader of the House. Il a exprimé des doutes quant au projet de faire des Chagos une “One-Membre Constituency”, comme révélé dans l’édition du Mauricien d’hier, et repris par différents parlementaires. « As is stands today, the one-member constituency of Chagos is not possible », devait-il faire comprendre, ajoutant que le leader du GRC, Olivier Bancoult, pourra se faire entendre devant l’Electoral Boundaries Commission, qui soumettra un rapport séparé de celui sur la délimitation des circonscriptions en cours. Il devait ajouter que « the Electoral Boundaries Commission in not empowered to vreat a new constituency ».

Tout en confirmant qu’il assume l’entière responsabilité de l’accusation proférée contre Londres à l’effet que l’exil des Chagossiens est « akin to crime against humanity », le Premier ministre n’a pas mâché ses mots contre le gouvernement britannique sur la question des Chagos. « We have never threatened nor used abusive language, I chose personally to say that this was akin to a crime against humanity », ajoute-t-il, concluant que « there can be no reason, including security purposes, which can, perpetuate decolonisation ».

Présentant initialement, la motion le Premier ministre a situé le contexte en rappelant l’avis donné par la Cour internationale de justice du 25 février dernier et de la résolution des Nations unies du 22 mai dernier. Et à Pravind Jugnauth d’ajouter que par conséquent, la Grande-Bretagne est obligée de mettre fin à l’administration des Chagos aussi rapidement que possible. Il a qualifié le refus de la Grande-Bretagne d’obtempérer malgré les injonctions de la Cour de La Haye et des Nations Unies de « honteux ». Selon lui, le gouvernement mauricien continuera à faire pression sur la Grande-Bretagne.

Il a rappelé que le budget 2019-2020 a prévu qu’un montant de Rs 50 M soit utilisé pour préparer le retour des Chagossiens dans certaines îles des Chagos. La décision d’intégrer les Chagos dans une des circonscriptions mauriciennes fait partie des mesures prises par Maurice afin d’exercer ses droits légitimes sur les Chagos. Il reviendra à l’Electoral Boundaries Commission de décider et de soumettre un rapport à ce sujet à l’Assemblée nationale.

Xavier-Luc Duval, a affirmé qu’il votera en faveur de cette motion et qu’il apportera tout son soutien à la communauté chagossienne car, au-delà de la souveraineté de Maurice sur l’archipel, « it is a human issue ».

Pour lui, l’intégration des Chagos dans une des circonscriptions de Maurice revêt un « caractère symbolique » dans la mesure où aucun Chagossien ne vit actuellement aux Chagos. Il reconnaît toutefois que la motion du Premier ministre permet de démontrer que les Chagos font partie du territoire mauricien « à 100% ». Il a observé que la Constitution de Maurice permet que « tout citoyen du Commonwealth a le droit de voter à Maurice s’il a vécu dans le pays pendant deux ans ». Il s’est demandé si, dans le cas où des ressortissants du Commonwealth vivaient sur l’île de Diego Garcia, ils auront le droit de vote à Maurice.

Valeur symbolique très forte

Concernant l’intégration de l’archipel dans une circonscription, il rappelle qu’il y a un précédent avec Agalega, qui a été intégrée dans la circonscription N°3 en 1998. Avec du recul, il estime que ce choix a été « mal inspiré », dans la mesure où cette circonscription couvre une région urbaine, qui n’est pas familière à la situation dans les îles, « qui sont plus sensibles au changement climatique et à la montée des eaux ». Il s’est ainsi prononcé en faveur du regroupement de toutes les îles dans une seule circonscription, ce qui permettrait de réunir Rodrigues, Agalega, St Brandon et les Chagos.

Dans ce contexte, il a dit déplorer que la motion ne prévoie pas également l’intégration de St Brandon dans une circonscription. Xavier-Luc Duval a profité de l’occasion pour observer qu’en 1965, le PMSD avait démissionné du gouvernement parce qu’il n’était pas d’accord avec l’excision des Chagos du territoire mauricien. Il a finalement estimé que beaucoup de résolutions adoptées par les Nations Unies depuis leur création, en 1947, n’ont pas été mises en œuvre. Par conséquent, il suppose que le retour des Chagos à Maurice « prendra du temps » et qu’il faudra user de « beaucoup de diplomatie » afin d’éviter que les deux grandes puissances concernées, qui sont nos partenaires commerciaux, n’usent de représailles envers Maurice.

Pour le ministre Sinatambou, « il n’est pas vrai » de dire que l’intégration des Chagos dans une circonscription « soit une simple mesure symbolique ». Il a dans ce contexte souligné l’importance du jugement de la Cour internationale de justice, « dont la force est indéniable ». Il a estimé en outre qu’il ne fallait pas mêler St-Brandon à cette motion « afin de ne pas diluer son importance ». Il a insisté sur l’obligation de la Grande-Bretagne de quitter les Chagos et a invité tous les partis de l’opposition à voter en faveur de cette motion.

Paul Bérenger a indiqué d’entrée que le MMM votera en faveur de la motion. « Cette motion a une grande valeur symbolique, mais avant tout, elle est l’expression de notre soutien aux Chagossiens et pour la souveraineté de Maurice sur les Chagos.

Nous voterons pour cette motion parce que nous n’avons jamais raté une occasion d’apporter notre soutien aux Chagossiens et pour le retour des Chagos à Maurice », a dit Paul Bérenger.

Il a profité de l’occasion pour exprimer son désaccord avec l’affirmation du leader de l’opposition à l’effet que le PMSD avait quitté le gouvernement à cause de l’exclusion des Chagos en 1965. Il a rappelé qu’à cette époque, le PMSD avait donné une conférence de presse pour exprimer son désaccord avec les conditions de l’excision, mais n’avait pas agi à cause de l’excision. Tout en disant être d’accord avec la motion, il a cependant déploré que les Chagossiens n’aient pas été consultés avant la présentation de la celle-ci. Il a cité à cette occasion une déclaration d’Olivier Bancoult dans les colonnes du Mauricien du jour et a insisté sur la nécessité que les revendications des Chagossiens « soient étudiées sérieusement ».

« Might is no longer right »

Paul Bérenger a aussi observé que Agalega avait été intégré dans la circonscription No 3 « parce que beaucoup d’Agaléens y vivaient et que cette circonscription est associée au port, où travaillent beaucoup d’Agaléens ».

Toutefois, il a reconnu que « le résultat n’est pas glorieux ». Malgré les promesses faites par l’ancien Premier ministre, Navin Ramgoolam, et son successeur, sir Anerood Jugnauth, dit-il, les députés de la circonscription « n’ont pratiquement pas eu l’occasion de rencontrer leurs mandants ». Il a souhaité que l’intégration des Chagos dans une circonscription tienne en considération le redécoupage électoral. Et d’observer que l’EBC s’apprête actuellement à compléter son rapport.

Anil Gayan a d’abord rendu hommage au ministre mentor, sir Anerood Jugnauth, pour le travail abattu à l’international avant de prendre un angle historique dans son intervention en rappelant que, depuis 1950, les Nations Unies avaient insisté sur l’intégrité territoriale. Citant plusieurs documents, il a estimé que la Grande-Bretagne « savait pertinemment bien qu’elle commettait un acte illégal en détachant les Chagos de Maurice ». Il a accusé ce pays d’avoir « forcé sir Seewoosagur Ramgoolam à donner son accord ». Il s’est ensuite dit « étonné » de l’attitude de la GrandeBretagne, « qui se prétend être un fervent défenseur du “rule of law” ». Or, aujourd’hui, ce droit, pour la Grande-Bretagne, « s’applique pour Hong Kong, mais pas pour son occupation illégale des Chagos ». Mais la situation a changé « might is no longer right but rule of law is right ».

Le chef de file du Parti travailliste, Shakeel Mohamed, a indiqué d’entrée que son parti votera en faveur de ce texte de loi. Il se souvient des actions initiées par le MMM en faveur du retour des Chagos. Pour lui, tous les Premiers ministres – sir Anerood Jugnauth, Navin Ramgoolam, Paul Bérenger et, aujourd’hui, Pravind Jugnauth – ainsi que tous les cabinets ministériels ont apporté leur contribution dans la lutte pour le retour des Chagos à Maurice.

Shakeel Mohamed a critiqué l’attitude de la GrandeBretagne « qui, d’une part, prétend être un grand défenseur du “rule of law”, tout comme les Etats-Unis, qui parlent de Civil Rights, mais lorsqu’il s’agit de respecter la CIJ ou la résolution des Nations Unies, ils se défilent ».

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