Assemblée nationale : Entente cordiale Jugnauth-Boolell vendredi autour du Covid-19

Une rencontre s’était tenue la veille pour baliser cette stratégie qui a débouché sur le retrait de la PNQ et une déclaration commune

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Shakeel Mohamed absent après avoir été écarté du rendez-vous du Bâtiment du Trésor, où il s’est fait coiffer par Ritesh Ramful pour l’entretien avec le PM

Si le confinement n’a pas été de rigueur pour les parlementaires malgré plusieurs appels faits en ce sens auprès du Speaker Sooroojdev Phokeer, ce fut néanmoins le service minimum pour la séance de vendredi après celle tenue le lundi précédent pour débattre du discours-programme qui, bien avant même que le coronavirus ne s’abatte sur nous, ne révélait plus grand intérêt. C’est précisément en raison de la configuration de l’hémicycle que certaines voix s’étaient élevées, en public comme en privé, pour suggérer que la séance de vendredi, qui intervenait le premier jour du confinement, soit reportée. Paul Bérenger en avait parlé avec ses collègues parlementaires, Navin Ramgoolam de même que le député et président du PTr l’avaient réclamée et le député rouge Eshan Juman avait même écrit à Sooroojdev Phokeer pour plaider en ce sens.

Dans une lettre adressée au Speaker le vendredi 20 mars, le député correctif du N°3 s’excuse pour son absence de l’hémicycle ce jour-là. « I wish to point out that this particular sitting is, in my humble opinion, in complete contradiction with the national lockdown that is in force as at this morning. In this context we cannot and shouldn’t fail to comply to it. Otherwise, it would seem that we, as members of the National Assembly, are above the law ». Il en rajoute une couche en écrivant que, « as parliamentarians, we should lead by examples and that we should not, in any way whatsoever, send contradictory signals to the population ». On ne sait pas si la communication ne passe pas très bien entre les députés du PTr, mais c’est le leader de l’opposition lui-même, Arvin Boolell, qui, la veille, avait convenu avec le Premier ministre que cette séance serait maintenue.

À moins que c’était une façon pour certains élus rouges de marquer leur différence avec la manière de procéder de leur leader parlementaire, mais une chose est sûre, c’est que les élus du PTr n’ont pas fait preuve d’une parfaite cohésion sur ce coup-là. Autre absence remarquée à la séance de vendredi, celle du numéro 2 du PTr et Whip de l’opposition, Shakeel Mohamed. Lui ne serait pas mécontent seulement en raison du maintien de la séance parlementaire du vendredi, mais pour une autre bonne raison aussi.

Casting surprenant

Ce ne sont pas les parlementaires travaillistes qui ont, entre eux, décidé de ceux qui participeraient à la rencontre organisée par Pravind Jugnauth, mais le leader du parti, Navin Ramgoolam. Pour accompagner Arvin Boolell dans le bureau du Premier ministre, ce n’est ni Shakeel Mohamed ni le numéro trois Patrick Assirvaden qui ont été choisis, mais le numéro 4 Ritesh Ramful. Un casting surprenant pour les élus rouges, qui s’étonnent que la hiérarchie parlementaire ait été ainsi bousculée. De quoi provoquer le courroux du bouillant premier député port-louisien de Plaine Verte et Roche Bois qui avait, en plus, attiré l’attention sur lui durant son intervention très remarquée, le lundi 16 mars, sur le discours-programme.

Il avait d’ailleurs, lors de cette intervention de lundi, fustigé ceux qui sont des personnes d’appareil et qui n’ont que le nom de leur leader à la bouche en soutenant que, lui, n’a pas hésité à critiquer Navin Ramgoolam. Il semble que la réponse n’ait pas trop tardé à arriver. C’est Ritesh Ramful qui lui a été préféré pour l’entretien avec le PM. En tout cas, Shakeel Mohamed n’a pas raté grand-chose. Une séance pour rien, alors que la distance entre les députés et ministres ne respecte pas le règlement du mètre recommandé, n’a permis que de constater l’entente cordiale entre le Premier ministre et le leader de l’opposition autour du Covid-19. Un exercice à deux voix consensuelles sur toute la ligne, avec Arvin Boolell qui a d’ailleurs été chaudement applaudi par les membres de la majorité.

PNQ déposée puis retirée

Après une brève déclaration du Speaker rappelant la situation de la pandémie et le souhait que la séance soit expéditive, c’est Arvin Boolell qui a pris la parole pour annoncer qu’il n’allait pas de l’avant avec sa Private Notice Question — qui était axée sur le coronavirus — et que l’opposition adopterait une approche dépassionnée sur cette pandémie. Pas de division politique sur ce virus, a assuré le leader de l’opposition, tout en prévenant qu’elle veillerait que l’action du gouvernement soit adéquate et dans l’intérêt national. C’est un moment exceptionnel pour le pays qui reste vulnérable, a-t-il observé, avant de lancer un appel pour que tous les Mauriciens respectent le confinement afin que le virus soit enrayé le plus vite.

On ne sait pas trop ce qui s’est passé entre la rencontre de jeudi au Bâtiment du Trésor et vendredi après-midi, parce que le leader de l’opposition avait bel et bien envoyé sa PNQ au secrétariat de l’Assemblée nationale vendredi matin pour être considérée dans l’après-midi, mais il y aurait eu des tractations dans la matinée pour qu’Arvin Boolell annonce le retrait de la PNQ. C’est ce qui aurait aussi expliqué l’absence de certains députés dans les rangs de l’opposition, du PTr et du PMSD notamment.

Le Premier ministre lui a succédé pour une déclaration sur l’évolution du Covid-19 et du nombre de cas recensés qui était de 12 à l’heure où il parlait, soit à 15h 12 ce vendredi. Pour ne pas changer, Pravind Jugnauth a répété que tout a été fait dès le début pour que le virus n’entre pas dans le pays, bien que sachant qu’il restait vulnérable. Il est aussi revenu sur les mesures prises du confinement à la constitution des stocks de soins nécessaires en passant par les mises en quarantaine et la fermeture des frontières.

Le cas des étudiants et autres Mauriciens bloqués à l’étranger pour cause de décision brutale d’interdiction d’entrée sur le territoire a aussi été évoqué par le Premier ministre. Il a assuré que le dossier était activement considéré et que tous ceux concernés devaient prendre contact avec les services des chancelleries et des consulats mauriciens. Il a conclu en disant que le virus ne choisit pas et qu’il peut affecter n’importe qui, d’où son appel à la population pour qu’elle respecte les directives et qu’elle fasse preuve de solidarité et de patriotisme. C’est dans ces conditions que le pays arrivera à surmonter cette épreuve, a déclaré Pravind Jugnauth. Les travaux ont ensuite été ajournés au vendredi 3 avril, jour pour la fin théorique du confinement.

Le leader du PMSD, qui était absent de la séance, a tenu à s’exprimer sur une radio privée juste après, pour parler d’une « occasion ratée » avec l’absence de question sur le Covid-19 qui aurait permis de faire le point sur toutes les questions que se pose la population sur la pandémie. Xavier Duval n’avait pas l’air d’avoir trop apprécié le retrait de la PNQ sur le coronavirus.

À la séance de lundi, entièrement consacrée aux débats sur le discours-programme, il y a quand même eu une PNQ sur les mesures d’accompagnement économique pour atténuer les effets délétères du Covid-19. Pas grand-chose n’est sorti des échanges entre le ministre des Finances Renganaden Padayachy et Arvin Boolell. Pour ne pas changer, le ministre s’est contenté de glisser ses doigts sur sa tablette, de ses péroraisons sur la « technicité » de l’économie et du théorème sur l’offre et la demande, comme s’il s’adressait à des tarés. En fait, c’était une manière pour le néophyte qui affectionne l’usage du français, même pour une réponse liminaire à une question de masquer son impréparation et son absence de maîtrise du sujet. Un ton bien plus humble l’aurait certainement aidé.

Nando Bodha  toujours dans le ton

Premier intervenant sur le discours-programme lundi, le ministre des Affaires étrangères, Nando Bodha, toujours fidèle à lui-même, avec son ton sobre et non polémique. Il s’est livré à sa petite analyse sur les résultats des dernières élections générales en disant que c’est parce que le MSM a très bien fait dans les régions rurales qu’il a obtenu le résultat que l’on sait. Il a souhaité que deux dossiers aboutissent durant la présente mandature, ceux de la réforme électorale et du financement des partis politiques.

Place ensuite à l’intervention, la plus animée, celle, attendue d’ailleurs, de Shakeel Mohamed. Pour donner un ton encore plus théâtral à son allocution, le député s’était mis en costume trois-pièces bleu roi et a adopté les gestuelles d’une cour de justice. C’est ainsi qu’à chaque fois qu’il avait le sentiment qu’il avait frappé un coup, il se retournait vers ses collègues pour susciter leur appréciation. Dans cette longue intervention, le Whip de l’opposition a fustigé le gouvernement pour sa gestion de la crise du coronavirus et s’en est pris au ministre Steve Obeegadoo pour sa volte-face et sa déclaration sur son ancien parti longtemps confiné dans l’opposition. Shakeel Mohamed a révélé qu’il n’y a pas pas trop longtemps, l’ancien militant lui avait confié qu’ils seraient réunis sous la bannière d’une alliance PTr-MMM.

Pour lui donner la réplique, Maneesh Gobin, le ministre de l’Agriculture et Attorney General. Comme tous les intervenants de la majorité, la même rengaine sur Navin Ramgoolam, dont le gouvernement aurait fait asphalter le chemin qui mène à Roches Noires afin que les Aston Martin puissent y accéder sans problème. Il a qualifié les membres de l’ancien gouvernement travaillste de « club de dilapidos ».

Le vice-Premier ministre et ministre des Administrations régionales, Anwar Husnoo, dans son anglais toujours massacré, au point d’être difficile à comprendre par moments, a accusé des membres de l’opposition d’avoir occasionné des désordres lors du dernier scrutin. Il a quand même eu un petit mot sur les projets en cours dans les agglomérations urbaines.

Intervention très bien argumentée ensuite de Xavier Duval, qui est revenu sur les observations du dernier rapport de l’audit et les insuffisances de l’action du gouvernement sur un certain nombre de dossiers comme le Covid-19, les salariés et les secteurs qui seront gravement affectés par la pandémie et le tourisme en particulier, avec force référence à la bouteille de whisky offerte pour un séjour à Maurice. Les trocs contre quelques sous sur le métro express et Agalega ont aussi été dénoncés.

Cette intervention a également été émaillée de sarcasme, comme lorsqu’interrompu par les membres de la majorité, le leader du PMSD a lancé à Sooroojdev Phokeer « It’s time for you to shout ». À un autre moment, XLD devait se tromper et parler de « Madam Speaker », provoquant un fou rire dans l’hémicycle et comme Sooroojdev Phokeer réagissait, l’intervenant a d’abord cru comprendre que la présidence prenait cela comme un compliment mais, en fait, il a dit préférer son titre de « loudspeaker ».

Mahen Seeruttun, ministre des Services financiers, dans une intervention déclinée sans notes ou tablette, et entièrement en français, a néanmoins très peu parlé de son champ de compétences, sauf le volet de la mise sur liste grise du centre financier mauricien. Il a préféré dénoncer l’opposition, qu’il a accusé de vouloir créer une psychose dans le pays autour du Covid-19. C’est le ministre du Tourisme, Joe Lesjongard, qui est programmé pour être le prochain orateur. Avec ce qui se passe comme conséquences du coronavirus, ça promet !

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