Assemblée nationale : La série de sanctions sans précédent du Speaker

Paul Bérenger, Rajesh Bhagwan et Arvin Boolell suspendus de l’Assemblée nationale jusqu’à la fin de la session sauf contre des « Unreserved Apologies »

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Patrick Assirvaden, qui avait mis le feu avec sa remarque à l’encontre de son Excellence l’ambassadeur Soodhun, écope d’une simple expulsion

Le leader de l’opposition, Xavier-Luc Duval, essuie une fin de non-recevoir sans équivoque à sa motion pour des débats sur la pandémie de COVID-19

Si lors de la Private Notice Question (PNQ) de la matinée, le leader de l’opposition, Xavier-Luc Duval, avait considéré comme sans précédent le refus de la police d’ouvrir le dossier de Safe City Network de Rs 19 milliards au Scrutiny constitutionnel du Directeur de l’Audit, le plus sans précédent allait intervenir à la reprise du Question Time. Ainsi, le Speaker de l’Assemblée nationale, Sooroojdev Phokeer, avec la collaboration du Premier ministre, Pravind Jugnauth, et le Deputy Prime Minister, Steven Obeegadoo, allait établir un nouveau record dans les annales parlementaires. Trois suspensions « Until the end of the present session », avec ce que cela veut dire, ont été prononcées notamment à l’encontre du leader du MMM, Paul Bérenger, du député du MMM, Rajesh Bhagwan, et du chef du parti Travailliste, Arvin Boolell. Ces derniers ne pourront réintégrer l’hémicycle que s’ils présentent des excuses au Speaker. Par contre, le député du Parti Travailliste, Patrick Assirvaden, qui avait allumé la mèche avec le dossier de son excellence l’ambassadeur Showkutally Soodhun, s’en est sorti avec une simple suspension pour la séance d’hier et un retour au Parlement après deux autres séances.

De son côté, le leader de l’opposition, qui croyait faire œuvre utile en réclamant un débat avec l’élaboration d’un plan d’action contre la COVID-19, a essuyé une fin de non-recevoir sans équivoque. Sooroojdev Phokeer a trouvé que sa motion pour un tel débat était irrecevable aux termes des Standing Orders vu le caractère wide-ranging du libellé. Face aux explications du Speaker, réaffirmant que son Ruling ne pouvant faire l’objet de remise en question, Xavier-Luc Duval s’est rendu finalement compte qu’il était « useless » de poursuivre dans cette voie avant que les travaux ne soient ajournés à mardi prochain peu avant 18 heures, hier.

À la reprise, le Speaker est intervenu avec un Statement pour faire suite à des échanges lors d’une précédente Parliamentary Question de mardi dernier, où le député Assirvaden avait interpellé le ministre des Affaires étrangères, Alan Ganoo, pour obtenir confirmation ou non si Showkutally Soodhun avait été déclaré Persona Non Grata aux Emirats Arabes unis. Après analyse des faits, il devait annoncer sa décision de faire enlever du Hansard et des enregistrements de la séance ces extraits relatifs.

Sooroojdev Phokeer a ajouté que ces échanges pourraient porter atteinte à la réputation de Maurice sur le plan international. Cette décision devait provoquer de vives protestations de la part de Patrick Assirvaden et ensuite des rangs de l’opposition, indignée de cette démarche de censure de la présidence de l’Assemblée nationale.

Assirvaden : On a point of order…

Speaker : There is no point of order….

Assirvaden : Vous pouvez au moins écouter. J’ai posé une question ? Je n’ai pas fait de Statement et encore moins d’allégations. N’ai-je pas le droit de poser de question à l’Assemblée ?

Speaker : My ruling is not to be interpreted. Next question…

Assirvaden (protestant toujours contre la décision du Speaker : J’ai posé une question et maintenant vous me sanctionnez…

Speaker : … I have the right to do what I’m doing. Je ne suis pas en train de vous sanctionner. I’m not sanctioning. I’m doing my work. Si vous continuez, I’ll Order you out.

Boolell : You are biased…

Speaker : I order you out…

Boolell : On what ground are you ordering me out. You are ordering me out for failing to do your duty…

Speaker (qui a déjà quitté sa place pour faire face aux travées de l’opposition) : I order you out.

Le ton est monté d’un cran, des protestations fusant de toutes parts des rangs de l’opposition. Le Speaker reprend le député Rajesh Bhagwan pour des commentaires à son égard.

Assirvaden : Pe protez Soodhun…

Le leader du MMM, Paul Bérenger, se met également de la partie pour contester la décision de Sooroojdev Phokeer.

Bhagwan : Twa ki twa ? To proprieter Parlma twa ? Batchara !

À un certain moment, on peut entendre le député Bhagwan lancer : “Mo pa Ali mwa?”

Speaker : Withdraw the word ‘Batchara’ ! … Honourable Bhagwan I’m ordering you out…. I’m naming you…

Bhagwan : To proprieter Parlma twa?

Speaker : Take Honourable Bhagwan out.

Suite à une remarque du leader du MMM à peine audible dans le brouhaha, utilisant l’épithète de ‘diktater », le Speaker lance sans crier gare : « I’m naming you, Honourable Bérenger. »

Devant le fait que les quatre parlementaires de l’opposition, qui ont fait l’objet d’ordre d’expulsion du Speaker, se trouvaient encore au sein de l’hémicycle, Sooroojdev Phokeer interpelle le service d’ordre de manière péremptoire : « Sergeant-at-arms, do your work ! »

Entre-temps, dans les rangs de l’opposition c’est la confusion quant à la marche à suivre avec ces développements vu que certains députés, notamment du parti Travailliste, étaient davantage intéressés à rester au sein de l’hémicycle pour pouvoir poser leurs PQs. L’un d’eux devait plaider avec leur chef de file pour qu’il puisse rester dans l’hémicycle en vue de la suite des travaux. Le leader de l’opposition devait même quitter sa place pour aller consulter entre autres Shakeel Mohamed vu que les députés Boolell et Assirvaden avaient été expulsés.

Sur ce, le Speaker devait lever la séance en vue de mettre en branle les procédures pour la suspension « for the rest of the session » des députés Paul Bérenger, Rajesh Bhagwan et Patrick Assirvaden.

Les motions y relatives ont été présentées par le Leader of the House et secondées par Steven Obeegadoo avant la reprise du Question Time, prenant fin vers les 17 heures.

PMQT

Safe City Network :

images effacées après 30 jours

À une question du député du PMSD Richard Duval, le Premier ministre Pravind Jugnauth a indiqué que les caméras de Safe City conservent les images pour une durée de 30 jours. Cette période correspond aux exigences de la police. Selon lui, personne ne peut modifier ou effacer des images de ces caméras. Il a titillé les députés rouges et bleus, rappelant que sous le gouvernement PTr-PMSD, il y avait le projet de caméras CCTV et que la capacité de stockage était de 30 jours également.

Répondant à Richard Duval, Pravind Jugnauth a rappelé que le Safe City Project vise à assurer la sécurité nationale. Il y a actuellement 4 000 Intelligent Video Surveillance (IVS) sur 2 000 sites dans l’île, ainsi que 350 Intelligent Traffic Surveillance sur 75 autres sites. Ils opèrent sous un système de contrôle centralisé, ainsi que sept ‘‘sub command centres’’. Le projet comporte également un Integrated Emergency Response Management et un service de monitoring dans 71 postes de police.

Il a ajouté que les images de surveillance sur 24 heures sont conservées durant 30 jours. Et de préciser que cette période correspond aux exigences de la police. Après la période de 30 jours, les images sont automatiquement effacées et d’autres sont enregistrées.

Richard Duval : Selon un document officiel de Huawei sur le Global Practice City Solution, il existe une capacité de Cloud Storage de six mois dans ses caméras, au coût de 20 M USD. Or, nous avons dépensé Rs 19 Md pour 1 400 caméras et nous n’avons pas cela. Le Premier ministre peut-il éclairer la Chambre à ce sujet?

Jugnauth : Éclairer ? Mais je viens de donner tous les chiffres. On applique le « due diligence » pour ce projet qui durera 20 ans.

Richard Duval: En mai 2019, en réponse à une question parlementaire, le Premier ministre avait indiqué que les caméras de Safe City avaient un « facial recognition component’’. Peut-il nous dire si cela a été activé ?

Jugnauth : Je ne pense pas… Non, la reconnaissance faciale n’a pas été activée.

Ashley Ittoo : Peut-on modifier ou effacer les images de ces caméras?

Jugnauth: Non, personne ne peut modifier les images enregistrées. La police et les ‘‘subcontrol centres’’ peuvent seulement visionner les images. Ils peuvent transférer des images à des parties autorisées comme la cour de justice.

Juman : Vous avez fait mention de sept ‘‘sub command centres’’. Peut-on savoir combien sont pleinement opérationnels ?

Jugnauth : À Curepipe, c’est suspendu pour le moment en raison du ‘‘lockdown’’. À Rose-Belle, les installations sont complétées et on attend la configuration. Au Metro South des Casernes centrales, les installations sont complétées. À Flacq, également. À Rose-Hill, c’est opérationnel. À Piton, c’est complété et on attend. Au nord, on finalise les travaux.

XLD : Étant donné que le Safe City Project est exempté de la Data Protection Act, n’est-il pas nécessaire de venir avec un projet de loi spécifiquement sur ce projet ?

Jugnauth : Ce projet n’est pas complètement exempté de la Data Protection Act, mais seulement de certaines parties. Il faut bien lire. En 2009, vous étiez au gouvernement, je pense. Et vous aviez introduit le projet de caméras CCTV. Êtes-vous au courant que ce projet est également exempté de certaines clauses de la Data Protection Act de 2004 ? Il n’y a rien d’anormal à cela. Vous l’avez fait avant nous. Il n’y a pas lieu d’avoir une législation spécifique.

Armance : Par rapport au “cloud storage” d’une durée de six mois, allez-vous négocier avec Huawei afin que nous puissions augmenter notre capacité de stockage ?

Jugnauth : Qui dit accroître la capacité de stockage dit aussi qu’il nous faudra plus de serveurs, on devra payer plus pour cela. Il faut savoir combien d’argent on veut mettre dans un tel projet. On m’a dit que 30 jours, c’est la période normale de stockage…

Protestations d’Arvin Boolell

P.J : Dans certains pays.

Speaker : Répondez, ne faites pas attention à lui.

P.J : M. le Président, j’essaie de ne pas faire attention à lui, mais je le vois, même s’il n’est plus leader de l’opposition… Ah, vous allez reprendre le tablier. Donc, au futur leader de l’opposition, la capacité de stockage pour les caméras CCTV était et est toujours de 30 jours également.

RÉACTIONS | Expulsions :

Arvin Boolell : « C’est la

tyrannie du nombre ! »

« C’est malheureusement encore une fois où le Speaker récidive et ne fait pas honneur au Parlement. La question de Patrick Assirvaden était en bonne et due forme. C’était une question légitime. Subitement Showkutally Soodhun est devenu « Roving Ambassador » et l’interpellation de Patrick Assirvaden a toute sa pertinence. Est-ce que Soodhun est devenu persona non-grata en Arabie Saoudite ? Qu’est-ce qu’il y a de mal quand on demande des informations. Patrick Assirvaden avait tout le droit de poser cette question pour qu’on ait des réponses. C’est payer par les contribuables ces frais d’ambassadeur.

« L’attitude du Speaker n’a pas changé. Patrick Assirvaden n’a pas eu droit à son point of order. Le Speaker doit être respectueux du travail des parlementaires. Nous avons besoin de réponses. Nou bizin kone ki enn dimoun ki ti ena rezidans laba kin arive. Nou le kone ki pou arive a Riyad. Donn nou larezon kifer li nepli larabi. J’ai dit au Speaker qu’il est bias alors qu’il doit être fiercely independent. »

Patrick Assirvaden : « Le Speaker a choisi l’affrontement »

« Je suis triste et déçu. Ma question posée au ministre Ganoo la semaine dernière avait trait aux paiements et les salaires ainsi que des allocations versés aux ambassadeurs alors que plusieurs sont rentrés à Maurice. Au sujet de Showkutally Soodhun, Ganoo a été économe avec la vérité. Dans sa réponse c’est Alan Ganoo qui dit que Soodhun was previously resident ambassador en Arabie Saoudite.

« Le ministre n’a pas répondu aussi à une question d’Adil Ameer Meea sur ce qu’adviendra de notre ambassade en Arabie Saoudite. Soodhun m’a envoyé une longue lettre. Le Speaker m’a demandé de venir le voir dans la matinée et m’a informé qu’il allait modifier ma question dans le Hansard et qu’il allait effacer le mot persona non-grata. Je lui ai dit que j’allais soulever un point de droit.

« Mais le Speaker a campé sur sa position. Le Speaker ne fait que répéter ce que dit Showkutally Soodhun.Li anpes mwa soulev mo pwin. Saki Speaker pe dir pa tini larout ditou. Li finn swazir lafrontman. Mo pa dakor tir enn mo e mo mintenir mo kestion. Nou bizin gagn explikasion ek eklersisman kinn arive dan Larabi saoudit »

Rajesh Bhagwan : « Pleure ô mon pays bien-aimé »

« La population a vu en direct le comportement d’un Speaker qui depuis le matin a dévalué son poste.  Cette suspension est révoltante. Nous sommes les élus du peuple. Nous sommes des députés qui ne souhaitent que faire notre travail et défendre la population et les contribuables.

« À un moment où nous venons d’obtenir le rapport de l’audit qui a démontré comment des milliards de roupies se sont envolées. Des contrats ont été alloués aux petits copains et aux petites copines. Nous avons vu comment le directeur de l’audit n’a pas obtenu des renseignements en se cachant derrière l’ICAC. Aujourd’hui on évoque les confidentiality clauses. Des réponses ne sont pas données et la population ne peut rester insensible à la misère des personnes qui sont dans les centres de dialyse et de quarantaine.

« À un moment où ils gèrent la COVID de façon amateur, on voit un Speaker qui fait comme s’il est le propriétaire du parlement alors que Pravind Jugnauth fait comme si le pays lui appartient. Pleure ô mon pays bien aimé. Il est temps que la population réagisse. Elle ne peut se contenter d’être spectatrice. Nous sommes des députés nous faisons notre travail. Nous n’avons pas « elastoplas » sur notre bouche.

« J’ai été ministre, parlementaire pendant 38 ans et maire. Je ne suis pas un vagabond et un voyou. Je viens d’une famille respectable et j’ai été élu neuf fois de suite. Je connais ce mauvais génie qui a conseillé au Speaker de nous suspendre jusqu’à la fin de la session. C’est un caméléon politique qui est devenu l’advisor du Premier ministre. Ils se servent de trucs pour nous empêcher de faire notre travail et c’est révoltant, dégoûtant, et du jamais vu.

« Maintenant que nous avons pris connaissance de la suspension, nous verrons au niveau du groupe parlementaire et du MMM la ligne à suivre. »

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