Assemblée nationale : L’ombre de BAI avec une facture de Rs 21,5 milliards

Ritesh Ramful et Reza Uteem dénoncent la volte-face du GM à l’effet que « no public funds will be used » pour le remboursement des victimes de l’écroulement de BAI

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Ajournement prématuré des travaux parlementaires d’hier vers 16 heures au vu des pluies torrentielles affectant la partie Sud de l’île

Nouvelle séance sans PNQ et PQs à prévoir vu que les budgets supplémentaires à l’ordre du jour n’ont pas encore été votés

Les pluies torrentielles dans le Sud de l’île, avec la Météo émettant un avis à cet effet pour aujourd’hui et probablement demain, les travaux de l’Assemblée nationale ont été ajournés prématurément sur le coup de 16 h. Toutefois, cette tranche de la séance d’hier a été privée de Private Notice Question (PNQ) et de Parliamentary Questions (PQs) en raison des débats sur les budgets supplémentaires, l’ombre de l’ex-Chairman Emeritus du groupe BAI, Dawood Ajum Rawat, planant au sein de l’hémicycle. D’autant plus que la facture de l’écroulement de cet empire, financé des fonds publics, se monte à Rs 21,5 milliards. Les deux principaux intervenants de l’opposition, Reza Uteem pour le MMM et Ritesh Ramful pour le parti Travailliste, ont dénoncé la volte-face du gouvernement à ce sujet au vu de l’utilisation des fonds publics pour financer « cette décision mal inspirée ».

Par ailleurs, les débats sur les budgets supplémentaires étant toujours à l’ordre du jour, il faudra s’attendre à un nouveau rendez-vous au sein de l’hémicycle sans PNQ et sans PQs prochainement, voire même mardi prochain au cas où le Premier ministre et Leader of the House, Pravind Jugnauth, décide de maintenir la tenue de l’Order Paper d’hier pour mardi prochain. Les parlementaires ont adopté, hier, le Non-Citizens (Property Restriction) Amendment Bill, présenté par le Premier ministre avec un certificat d’urgence. Il a justifié la démarche du gouvernement en faisant comprendre qu’il y a des tentatives de contourner les règlements en matière de transactions immobilières impliquant des étrangers.

En sus du budget de Rs 144,3 milliards voté pour l’exercice 2020/21, le ministre des Finances, Renganaden Padayachy, a présenté un Supplementary Appropriation Bill pour un montant de Rs 17 milliards, soit plus de 10%. Les trois principaux items de dépenses devant être couverts sont

une injection de capitaux de Rs 11,9 milliards dans le défunt empire de Dawood Rawat, soit Rs 11,9 milliards dans la National Property Fund Ltd (Rs 7,9 milliards) et dans la National Insurance Company Ltd (Rs 4 milliards) ;

des dépenses de Rs 3 milliards sous le Covid-19 Economic Recovery Programme et

Rs 2,1 milliards pour des dépenses courantes, dont Rs 175 millions pour les dépenses liées à la tenue des dernières élections villageoises, Rs 375 millions pour complémenter le versement des pensions du ministère de la Sécurité sociale ou encore Rs 500 millions pour les acquisitions obligatoires de terrain par l’État.

Après avoir égratigné le gouvernement pour le non-paiement de la compensation salariale aux bénéficiaires de la Basic Retirement Pension, le député Uteem a placé en juxtaposition la générosité du gouvernement avec une enveloppe budgétaire supplémentaire de Rs 11,9 milliards dans l’affaire BAI. Pourtant dans le temps, le gouvernement s’était vanté que « no public funds will be used to pay the victims of BAI ».

Mais le député du MMM est allé plus loin pour souligner que le montant de Rs 11,9 milliards ne s’arrête pas là. « On doit ajouter les Rs 3,5 milliards sous forme d’avances consenties par la Banque de Maurice et Rs 6 milliards à la MauBank, ce qui nous amène au chiffre faramineux de Rs 21,5 milliards, montant puisé des fonds publics. »

De son côté, Ritesh Ramful a fustigé la politique du gouvernement par rapport au groupe BAI en faisant ressortir que « they were selling dreams. Today, we are having to inject billions of taxpayers money ». Il ajoute que les actifs de ce groupe ont été vendus « à l’encan », alors que le gouvernement a dépensé Rs 17 milliards en provenance des fonds publics dans le démantèlement de ce groupe.

« On nous avait promis que le groupe BAI avait assez d’actifs pour honorer ses obligations financières. Mais la vérité, c’est qu’il y a eu une vente à l’encan des actifs du groupe BAI », avance le député, citant les propos de l’ancien ministre responsable de ce portefeuille à l’Assemblée nationale le 8 septembre 2015.  On notera qu’à aucun moment, il ne citera nommément Roshi Bhadain. Il trouve ainsi « surprenante la manière dont le gouvernement avait alors induit la population en erreur ». Et de faire ressortir qu’à l’époque, « le gouvernement avait promis que l’argent public ne serait pas utilisé pour rembourser la dette de la NPFL ».

Tout en critiquant la démarche du gouvernement consistant « à faire voter la somme de Rs 11,9 milliards, qui est l’argent des contribuables », il estime que « nous avons été témoins du traumatisme subi par les détenteurs de police du Super Cash Back Gold et de debentures de la Bramer Asset Management pendant des années à cause de l’imprudence et du geste mal avisé pour démanteler le groupe » BAI. « On ne peut oublier la révocation dans la nuit du permis d’opération de la Bramer Bank. Le gouvernement, en ce temps-là, était déterminé à nationaliser le groupe BAI. Et nous, à l’opposition, avions averti le gouvernement que le revers serait brutal. Et que cela coûtera aux caisses de l’État de fortes sommes d’argent », dit-il. De l’avis du député travailliste, le Supplementary Appropriation Bill démontre que « l’opposition avait raison et que le gouvernement avait tort ».

« À un moment où la situation financière du pays est extrêmement difficile, avec un taux de croissance en-dessous de ce qui était prévu et l’explosion de la dette publique, dans une situation où nous avons à prendre des mesures exceptionnelles, jusqu’à fouiller dans les réserves de la Banque de Maurice pour couvrir le déficit budgétaire, à un moment où la population est appelée à faire des sacrifices, nous sommes appelés à voter Rs 11,9 milliards de l’argent des contribuables dans une compagnie détenue par l’État et dont nous savions, depuis le début de sa création, qu’elle allait exploser », dit-il.

Ritish Ramful dénonce l’absence de transparence dans la gestion de la crise de BAI. « Il y a eu une opacité complète du gouvernement dans cette affaire. Si cela n’était pas le rapport de l’Audit 2017/2018, nous n’aurions jamais su que la NPFL avait contracté un prêt de Rs 3,5 milliards de la Banque de Maurice avec des intérêts de Rs 0,9 milliard, qui doivent être remboursés en une fois de Rs 4,4 milliards en juin 2022 », fait-il ressortir.

Il avance que la NPFL a aussi contracté un prêt de Rs 6,4 milliards de la State Bank of Mauritius en septembre 2017 et que « personne ne connaît la date du remboursement ». Il poursuit en s’appesantissant sur le fait que la NPFL est une compagnie d’État et qu’elle a par conséquent pour obligation de déposer son bilan financier. « Ce gouvernement nous demande de voter une somme de Rs 11,9 milliards de l’argent des contribuables dans une compagnie, et celle-ci n’a même pas déposé ses comptes audités depuis 2015. Ce gouvernement, qui a la responsabilité de gérer l’argent public, investit Rs 11,9 milliards dans une obscurité complète. Il n’y a pas de transparence et il ne peut y avoir un examen public lorsqu’il n’y a pas de transparence », dit-il.

À propos de la National Insurance Company Ltd, le député Ramful maintient que le gouvernement a induit le public en erreur. « On nous avait dit en septembre 2015 que l’intention du gouvernement était de sauvegarder l’intérêt des détenteurs de police et des investisseurs, et de ne pas continuer à opérer l’entreprise sur le long-terme. Sauf que six ans ont passé et que nous continuons de faire tourner l’entreprise avec l’argent des contribuables », dit-il.

DÉBATS PARLEMENTAIRES

Reza Uteem fustige le

GM sur le dossier BAI

Le député de l’opposition Reza Uteem a été très critique envers le gouvernement lors de son intervention sur le Supplementary Appropriation Bill 2020/2021 mardi après-midi à l’Assemblée nationale. La somme de Rs 11,9 milliards, « sortie de l’argent des contribuables », appelée à être votée pour la National Property Fund Ltd et la National Insurance Company l’a en effet fait sortir de ses gonds. Selon le député, cette somme a déjà été injectée dans ces deux institutions.

Disant se rappeler des nombreuses interpellations ayant eu lieu à l’Assemblée nationale au sujet de ces deux entreprises, Reza Uteem affirme que le gouvernement « avait insisté sur le fait que l’argent des contribuables ne serait pas utilisé pour le remboursement des victimes » de la BAI. Citant à cet effet, pour étayer ses dires, un extrait des propos de l’ancien ministre des Services financiers, Sudhir Sesungkur. Cependant, le député est d’avis que si le gouvernement appelle aujourd’hui à voter pour une enveloppe de Rs 11,9 milliards, « c’est de sa faute ». Ajoutant : « Tout le monde sait que le gouvernement a mal géré l’affaire BAI. Et aujourd’hui, nous passons à la caisse ! »

Selon lui, les actifs de la BAI « ont été bradés ». Reza Uteem estime par ailleurs que les Rs 3,5 milliards obtenues de la Banque de Maurice devront être ajoutées à cette somme de Rs 11,9 milliards. En sus de Rs 6 milliards, qui devront aussi être payés, dit-il, suite à une injection monétaire à la MauBank. Selon Reza Uteem, le gouvernement devra ainsi débourser Rs 21,5 milliards. « La mauvaise gestion de la BAI a coûté Rs 21,5 milliards de l’argent des contribuables », reprend le député. Somme qui, dit-il, « aurait pu être utilisée pour d’autres projets ».

Concernant le montant de Rs 375 millions appelé à être voté pour le ministère de la Sécurité sociale, le député Reza Uteem a estimé que les retraités, les orphelins et les veuves « sont déçus de n’avoir pas reçu Rs 375, comme tous les fonctionnaires ». Et de rappeler que le prix des médicaments a augmenté suite à la dépréciation de plus de 10% de la valeur de la roupie. Tout en espérant que le prochain budget « arrivera à rehausser le pouvoir d’achat » des retraités.

A propos de la somme additionnelle de Rs 400 millions pour l’acquisition obligatoire, il estime que « cela s’ajoute à la somme de Rs 500 millions déjà votée ». Ajoutant : « Nous continuons à voter de l’argent et le gouvernement continue à acquérir des terrains. Mais est-ce que les projets sont mis en œuvre ? » se demande le député, tout en rappelant que le directeur de l’Audit est « très critique » quant à la superficie des terrains acquis de manière forcée et non utilisés. Ainsi Reza Uteem a résumé un extrait du rapport de l’Audit portant sur cette question.

Pour le député, « de l’argent est gaspillé » avec l’acquisition obligatoire de terrains sans que des projets ne soient concrétisés. Et de citer des chiffres « valant des millions de roupies » payés comme intérêts à des personnes dont les terrains ont été acquis de façon obligatoire. Selon lui, pour l’exercice 2019/20, plus de Rs 100 millions ont été payées en raison des retards administratifs. « Nous sommes encore appelés à voter une forte somme d’argent pour l’acquisition obligatoire, soit 80% de plus qui était budgété, et il n’y a aucune garantie que nous ne finirons pas par payer des centaines de millions de roupies aux propriétaires dont les terrains sont acquis de manière forcée », dit-il.

Le député soutient par ailleurs n’avoir « pas de problème » quant au paiement des dépenses du commissaire électoral dans le cadre des élections villageoises. En revanche, s’agissant de la Government Printing, il dit espérer obtenir « des explications », les dépenses étant en effet passées de Rs 166 millions à Rs 190 millions. « C’est beaucoup d’argent pour l’imprimerie du gouvernement », dit-il.

S’agissant de la « Special Allowance » payée aux policiers et aux « frontliners » du ministère de la Santé, Reza Uteem avance n’avoir « aucun souci » à ce sujet. Cela dit, selon lui, cette allocation spéciale aurait également dû être offerte « aux autres frontliners, qui ont exposé leur vie aux dangers sans avoir de reconnaissance du gouvernement ». Aussi, maintenant que le pays fait face à une deuxième vague de COVID-19, il se demande « si l’État paiera une allocation supplémentaire aux frontliners ». Et de demander, dans l’affirmative, quelles seraient les catégories bénéficiaires.

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