Assemblée nationale : Petit exercice de rattrapage en fin de course

Quatre ans de mandature et très peu de textes fondamentaux à revendiquer. Le bilan législatif du gouvernement MSM-ML n’est pas plus reluisant cette année qu’il ne l’a été les trois années précédentes. Il y a eu néanmoins un petit exercice de rattrapage en fin de course avec l’adoption de la New Declaration of Assets Act qui n’a pas encore été proclamée et dont la date de la mise à exécution n’a pas non plus été fixée et le ratage organisé du tout premier projet de réforme électorale formellement présenté à l’Assemblée nationale, une première historique gâchée par l’intransigeance du MSM et de son mentor sir Anerood Jugnauth à la conception de la démocratie d’un autre âge.

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Côté législatif, quelques rares motifs de satisfaction. On peut citer l’Additional Remuneration Bill que, cette année encore, l’on pourrait qualifier de préélectoral, accorde une compensation qui est supérieure au taux d’inflation enregistré. Ce sera en effet Rs 400 pour tous à partir de fin janvier 2019, y compris pour les bénéficiaires de la pension de retraite et d’autres prestations sociales.

Sur la liste des nouvelles lois qui sont déjà entrées en vigueur, laLocal Government Act introduite par la ministre de tutelle, Fazila Jeewa-Daureeawoo, et effective depuis le 10 octobre. Elle prévoit des amendes bien plus sévères pour les constructions illégales et un ordre obligatoire de démolition pour ceux trouvés coupables devant la justice. Un début de mise en ordre dans ce qui était devenu une véritable anarchie tant dans les villes que dans les agglomérations rurales. Il y a aussi eu le texte de loi piloté par le ministre de l’Agro-Industrie, Mahen Seeruttun, en vigueur depuis le 10 septembre 2018, limitant et encadrant mieux l’utilisation des pesticides dans la culture des fruits et légumes.

Même s’il n’a pas été à la satisfaction de tous les acteurs concernés, le Social Needs Authority Bill de la ministre de l’Éducation, Leela Devi Dookun-Luchoomun, visant à donner de meilleures possibilités d’apprentissage aux apprenants à besoins particuliers a au moins eu le mérite d’être un début. Même satisfaction relative pour le Ombudsperson for Financial Services Bill, texte inscrit au nom du ministre des Services financiers, Sudhir Sesungkur. Avec la création d’un bureau de l’Ombudsman des Services financiers, l’accent est mis sur l’éducation et la protection des usagers, l’enregistrement de leurs doléances et la recommandation de mesures compensatoires lorsque cela s’avère nécessaire. Le texte n’a toutefois pas encore passé les étapes de son officialisation.

Dans la catégorie des textes populaires et qui fâchent en même temps, la Road Traffic Act de 2018 qui durcit de manière sensible les diverses pénalités appliquées pour les infractions routières. Nando Bodha, très critiqué sur la gestion de la sécurité avec les 157 morts recensés sur les routes en 2017, a décidé d’appliquer la manière forte. Pas de pitié pour les contrevenants, malgré les critiques à l’effet que le texte pourrait être discriminatoire pour les femmes dont la consommation d’alcool avant de prendre le volant doit se limiter à un demi-verre de bière et la moitié d’un ballon de rouge, et le seuil bien trop bas du taux d’alcoolémie comparé à ce qui se pratique en Grande-Bretagne et en Inde, pour ne citer que deux exemples.

Il faut tout de même reconnaître que depuis que les nouvelles dispositions sont entrées en vigueur le 1er octobre 2018, les automobilistes ont fait un gros effort d’autodiscipline, même si une poignée d’inconscients et de chauffards continuent à persister dans une voie mortifère. Ceux-là ne semblent nullement perturbés par les Rs 20 000 d’amende pour conduite en état d’ivresse, des premières Rs 2 500 pour un excès de vitesse dépassant la limite autorisée par 15 kilomètres et Rs 5 000 pour un dépassement de plus de 15 kilomètres, et Rs 3 000 pour l’utilisation du portable. Heureusement que la grande majorité, qui ne veut surtout pas mettre la main au porte-monnaie, a vite fait de changer ses mauvaises habitudes.

Proclamation en temps record

Autre texte à caractère populaire, mais très controversé, qui est passé par l’étape de la présentation, de l’adoption, de l’assentiment présidentiel, de la proclamation en temps record: la Local Government (Amendment No 2) Act. C’est le texte qui a renvoyé les élections villageoises à 2020. Le texte a en effet eu l’aval du Conseil des ministres le 23 novembre, a été présenté à l’Assemblée nationale le 27 novembre et voté le même jour, a obtenu le sceau de l’approbation présidentielle le 29 novembre, a été publié à l’officiel dans le Government Gazette et est entré en vigueur le même jour.

C’est vrai que l’échéance pour l’expiration du mandat des conseils de district et de village était le 1er décembre 2018, dans la mesure où le dernier scrutin avait eu lieu le 2 décembre et que la tenue de nouvelles élections devenait obligatoire sans cet amendement. Si le gouvernement et sa ministre des Administrations régionales, Fazila Jeewa-Daureeawoo, s’y sont pris aussi tard, c’est qu’il avaient entre-temps pensé que c’est le président qui pouvait, par décret, reporter le scrutin régional. Mais les avis du Parquet étaient clairs et nets : tout renvoi du scrutin devait être sanctionné par un vote formel de l’Assemblée nationale. C’est ce qui explique l’amendement présenté en catastrophe.

Ce qu’il y a eu d’intéressant lors de ce débat, c’est qu’il a permis aux parlementaires de tous bords de poser le problème du calendrier des diverses consultations populaires, générales municipales et villageoises. C’est un fait que les gouvernements préfèrent enchaîner les élections une fois installés, lorsqu’ils sont au faîte de leur popularité et qu’entre deux générales, c’est toujours la frousse des partielles et des régionales.

Dans le cas du présent gouvernement, il a avancé de trois ans la date des municipales qui, elles aussi, auraient dû se tenir en ce mois de décembre 2018. Question de capitaliser sur la dynamique des élections générales. C’est ainsi que les municipales ont été organisées le 14 juin 2015 et que Lalians Lepep, alors composée du MSM, du ML et du PMSD, ont remporté les 5 villes. C’est cette situation d’accordéon ou de yoyo avec la démocratie qui a poussé le leader de l’opposition Xavier Duval à proposer que, comme cela se fait dans beaucoup de pays, tous les scrutins se déroulent le même jour au moyen de plusieurs bulletins à remplir. Ce qui serait, en effet, moins coûteux pour la trésorerie publique et qui réglerait aussi du coup le problème de participation aux élections régionales qui peinent ces dernières années à passer la barre des 30%.

Si la vocation première d’un Parlement est de voter des lois, son fonctionnement serait bien monotone sans les questions et, surtout, les Private Notice Questions. Même s’il n’a pas exploité toutes les possibilités qui lui étaient offertes d’acculer le gouvernement, n’ayant qu’un total de 27 PNQ à son actif, alors que le nombre de séances a été de 40 en 2018 et que les séances sans question pour cause de budget n’ont pas dépassé la demi-douzaine, Xavier Duval a néanmoins réussi à arracher quelques décisions après ses révélations.

Achat de terres à prix fort

Cela a été le cas pour le SIFB. Il a présenté un bon dossier sur les incongruités de la gestion de cet organisme parapublic et pu obtenir du ministre de l’Agro-Industrie l’institution d’un Fact Finding Committee sur ce qui a été présenté comme une mauvaise manipulation informatique privant les petits planteurs de plusieurs millions de roupies de compensation. Ce Fact Finding Committee obtenu, avec les limitations qui lui sont inhérentes, le leader de l’opposition a aussi réussi à faire étendre les attributions de ce comité pour qu’il puisse se pencher sur un achat de terres à prix fort sur l’axe Ébène/Trianon.

Si le PMSD ne s’autorise pas certaines questions, participation récente au gouvernement oblige, tel n’a pas été le cas du MMM, de son “bulldozer” Rajesh Bhagwan et de ses autres collègues Reza Uteem, Aadil Ameer Meea, Veda Baloomoody et Franco Quirin, tous très réguliers au Question Time sur les excès des conseillers politiques, les pigeons voyageurs et autres abus flagrants dans les organismes publics. Également très présents lors du Question Time, Osman Mahomed, Ezra Jhuboo et Ritesh Ramful pour le PTr, mais aussi Soodesh Rughoobur et, dans une moindre mesure cette année, Bashir Jahangeer, pour la majorité gouvernementale.

Gageons que 2019, année électorale  sera encore une année très animée pour l’Assemblée nationale.

Quatre pour un fauteuil

Le dernier occupant du fauteuil est un transfuge et il ne s’en tire pas aussi mal que ça, bien que n’étant pas du sérail légal. Joe Lesjongard est le quatrième Deputy Speaker depuis les élections de décembre 2014. Il succède à Bobby Hurreeram, qui avait pris le relais à Sanjeev Teeluckdharry qui, lui-même, avait remplacé Adrien Duval.

Tout commence avec le fils du leader du PMSD, Adrien Duval, qui est nommé Speaker parce que le MSM n’avait plus de portefeuille ministériel à distribuer aux bleus. Comme ses collègues de parti, le jeune député du N°17 démissionne de son poste de Speaker lorsque le PMSD quitte le gouvernement le 19 décembre 2016. C’est Sanjeev Teeluckdharry, député du N°5 qui, à la rentrée parlementaire de mars 2017, est choisi pour le remplacer. Lorsqu’il est mis en cause dans le rapport de la commission d’enquête sur la drogue en juillet 2018, il est contraint à la démission.

Pour lui succéder, Bobby Hurreeram, jusque-là Chief Whip. Comme son prédécesseur immédiat, Sanjeev Teeluckdharry, il a comme bilan le fait d’avoir expulsé des parlementaires de l’hémicycle, dont Paul Bérenger. Il ne reste pas longtemps à ce poste puisqu’à la rentrée d’octobre 2018, c’est Joe Lesjongard, en attente d’un poste depuis son retour à “Lakaz mama”, qui le remplace. Comme Raffick Sorefan, Joe Lesjongard a connu une trajectoire politique digne d’un cyclone imprévisible. Il a commencé au MSM, est passé au MMM pour retourner au Sun Trust, après un passage au MP d’Alan Ganoo.

Sans domicile politique fixe

Pour rester dans le phénomène des girouettes politiques, comment ne pas évoquer le cas de Danielle Selvon, devenue une véritable sans domicile politique fixe. Présentée sous l’étiquette MSM, elle est élue sous la bannière de Lalians Lepep en décembre 2014. Contre les dispositions du Good Governance and Integrity Reporting Bill de Roshi Bhadain, elle démissionne du MSM en décembre 2015. Après avoir siégé en indépendante, elle intègre le MMM en septembre 2017 et, un an plus tard, elle claque la porte des mauves pour redevenir indépendante. Elle siège de nouveau en indépendante depuis. Ses prises de position, sur le recensement ethnique, défendu par le seul PMSD, semblent la rapprocher des bleus mais, sait-on jamais.

Ça coule de plus en plus vers le caniveau

Un toit qui coule, au point de devoir reporter une séance parlementaire. C’est ce qui s’est passé le 13 novembre, avec un hémicycle devant être évacué en raison d’une infiltration d’eau de pluie. Le toit a été réparé depuis, mais les caméras couvertes de plastique le jour du sinistre ont aussi été déplacées et installées dans des endroits plus sécurisés de l’hémicycle.

Il n’y a pas que le toit qui coule à l’Assemble nationale. Le niveau des prestations de certains élus ressemble plus à celui du caniveau que la hauteur attendue d’une assemblée d’élus du peuple. On ne compte plus les comportements répréhensibles. Entre l’indélicat qui fait des photos de ses parties intimes dans l’enceinte même du Parlement pour les envoyer à une demandeuse  d’emploi et qui s’en tire à très bon compte sur décision de la Speaker, ceux contraints à la démission pour association suspecte avec des trafiquants de drogue ou pour propos sectaires et accusation de corruption, il y a aussi la piètre performance de nombreux élus tant des bancs de la majorité que ceux de l’opposition.

Celui qui vole la vedette, pour de mauvaises raisons, n’est autre que Ravi Rutnah, qui se croit obligé d’intervenir sur tous les projets de loi pour se faire remarquer, au point de tomber dans des formules langagières qui en font la risée du Parlement. Dans l’opposition, si les élus du MMM et du PTr font un effort d’offrir une contribution réfléchie et travaillée, au PMSD, si on excepte Adrien Duval, le reste des élus bleus qui lisent systématiquement leurs interventions et même leurs questions supplémentaires sont toujours dans l’approximation et le hors sujet.

Il n’est pas étonnant que ceux qui suivent les débats en direct attendent impatiemment les prochaines élections. Pour ne plus avoir à subir certaines têtes. Mais on n’est jamais à l’abri de mauvaises surprises. Quatre ans après, il y a des députés qui restent toujours de grands inconnus pour le public. C’est dire.

Loterie d’État : Rs 15 M chacun pour Dayal et Husnoo, et Rs 16 M pour Sorefan

C’est un fait trop rare pour ne pas être relevé en cette période de regard dans le rétroviseur sur les grands faits de 2018. L’État a déboursé Rs 46 millions, non pas pour acheter des équipements de nécessité urgente pour les hôpitaux, mais pour payer trois de ses députés, dont un transfuge, Raj Dayal, Anwar Husnoo et Raffick Sorefan.

Le premier à avoir décroché le jackpot n’est autre que le fameux protagoniste du feuilleton Bal Kuler, Raj Dayal, le ministre du MSM contraint à la démission en 2016 pour une affaire de corruption. Il poursuit l’État depuis des années pour obtenir une compensation, estimant qu’il avait été injustement destitué par un tribunal présidé par l’ancien chef juge Rajsoomer Lallah. Et, miracle, l’État a décidé cette année de passer un accord avec le plaignant et lui a accordé Rs 15 millions de compensation. Cette affaire scandaleuse a même provoqué la présentation par le chef du PTr, Shakeel Mohamed, d’une motion de blâme contre le principal conseiller légal du gouvernement, l’Attorney General, Maneesh Gobin. Ce dernier s’est défendu et a même insinué que la recherche d’un accord avait déjà été enclenchée sous le précédent gouvernement travailliste. La motion a été rejetée par la majorité.

À peine le dossier clos qu’une autre histoire au même tarif, celui magique de Rs 15 millions, faisait surface. Impliquant cette fois le ministre de la Santé, Anwar Husnoo, apparenté Muvman Liberater, mais considéré depuis un certain temps comme un crypto-MSM. Lui, il avait un terrain dans la région de Trianon que le gouvernement voulait s’approprier par voie d’acquisition obligatoire. Alors que le dossier montre que le ministre ne demandait à un moment que Rs 6,8 millions. Après les “procédures établies” et un passage en dernier recours devant le Board of Assessment qui a la responsabilité d’arbitrer les litiges fonciers impliquant l’État, c’est au final encore et toujours Rs 15 millions qu’obtient le ministre Husnoo.

Raffick Sorefan n’est pas ministre comme il le souhaitait, mais son retournement de veste, assez récurrent, lui a rapporté le poste de Parliamentary Private Secretary. Il avait commencé sa carrière comme conseiller municipal du PTr dans les années 1990, avant de transiter par le MMM, puis brièvement par le Mouvement Patriotique, avait d’atterrir au MSM. Il était en négociation pour vendre un terrain à Camp Fouquereaux depuis quelques années, mais le dossier, comme les deux autres susmentionnés, a connu un brusque coup d’accélérateur ces derniers mois, avec au final le terrain adjugé pour Rs 16 millions.

Moralité : c’est bon d’être au gouvernement lorsqu’on a quelque chose à vendre. On le sait depuis l’affaire MedPoint.

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