AXYS — Bhavik Desai (Head of Research) : « Le 2e confinement ne sera pas porteur de nouveau choc important »

Le Head of Research du groupe AXYS, Bhavik Desai, revient sur les conclusions du rapport sur l’économie mauricienne pendant ce deuxième confinement. Il explique que l’impact de ce confinement sera « moins brutal » sur l’économie que le premier. Pareillement, il soutient que le deuxième confinement ne change pas grandement la situation des opérateurs touristiques. Au contraire, « avec tant de Mauriciens en quarantaine, certains hôtels pourraient bénéficier de la situation », estime Bhavik Desai.

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Vous venez de publier un rapport sur le deuxième confinement alors que celui-ci n’est pas encore terminé. C’est un rapport qui se révèle finalement très positif. Expliquez-nous votre analyse dans les grandes lignes.
Je ne qualifierai pas le rapport d’optimiste, mais plutôt de réaliste. Nous estimons que le manque à gagner au deuxième trimestre de 2020, pendant le chaotique premier confinement, qui comportait des temps de Lockdown complet, se chiffre entre Rs 550 millions et Rs 600 millions par jour. Par extension, nous estimons aussi que l’économie mauricienne post-confinement, c’est-à-dire entre juillet et décembre, tournait au ralenti autour de 85%. En partant de cette base plus faible, nous estimons que le manque à gagner devrait se chiffrer entre Rs 300 millions et Rs 350 millions par jour pour ce second verrouillage. Suite à cela, nous offrons notre point de vue sur l’impact potentiel de ce confinement sur quelques principaux secteurs de l’économie.

Justement, vous dites que l’économie mauricienne est résiliente et opère à 85% de son niveau pré-pandémique, mais diriez-vous que l’économie mauricienne fonctionnait de manière optimale avant la pandémie ?
Non. On pourrait qualifier d’anémique la croissance du PIB, moyennant 3% avant la pandémie. Plusieurs industries montraient des signes de faiblesse et nécessitaient des restructurations. C’est toujours le cas.

Donc si on oublie la COVID-19, quelles sont les réformes à mener pour redynamiser notre économie pour la rendre plus forte dans les années futures ?
L’industrie cannière dans sa forme d’avant la pandémie n’était plus pérenne, ce qui explique l’abandon des terres ainsi que la fermeture d’une raffinerie. Le secteur se transforme certes pour faire face aux nouvelles réalités mais il faut constamment se réinventer. Faut-il prôner d’autres cultures pour mieux faire face aux caprices du climat qui change ? Où se recentrer vers les produits dérivés du sucre qui sont plus porteurs ? L’industrie touristique, pour sa part, faisait face à un changement de clientèle : les Milléniaux recherchent plus qu’une offre “sea-sand-sun”. La fermeture des frontières du pays, et par conséquent celle des portes du secteur hôtelier, a cependant permis à certains de revoir leur offre pour être mieux positionnés à la reprise. La manufacture était déjà en déclin. Certes il est compliqué d’être moins cher, mais il faut trouver la bonne niche.
Le secteur des TIC était le seul à croître durant chaque trimestre de 2020. La pandémie a accéléré le ‘shift’ vers le digital, il est donc nécessaire de créer un meilleur environnement – que ce soit en termes d’infrastructures – pourquoi pas des ‘server farms’ rafraîchis à l’eau de mer profonde ? – ou législatif – avec des lois plus accueillantes pour les ‘tech workers’ ou développeurs dans les nouvelles technologies. Une App a récemment été considérée comme illégale sur le territoire mauricien… Nous devons faire un choix stratégique : allons-nous évoluer en mode accéléré grâce aux changements disruptifs que nous amène notre époque ou allons-nous rester au XXe siècle ?

Si le confinement se poursuivait sur deux mois, comme l’année dernière, les conclusions de votre rapport seraient-elles appelées à changer drastiquement ?
Non. Nos estimations sont quotidiennes, prolonger le confinement aura un impact proportionnel. Nous estimons qu’un mois coûtera 200 points de base à la croissance, donc environ 0,5% d’une manière hebdomadaire.

On sait qu’il y aura des entreprises mises sous administration dans les prochains mois, voire des mises en faillite et des licenciements… Même avant le deuxième confinement, on en parlait déjà et les premiers « casualties » se sont d’ailleurs manifestés. Mais de votre côté, vous parlez d’un impact moins brutal qu’en 2020. Comment est-ce possible ?
Il faut tout simplement relativiser. Ce dont vous me parlez, ce sont les impacts d’une économie qui tourne au ralenti, soit autour de 85%. Passer de 100% à 85% a été brutal. Par contre, quand nous passons de 85% à 83%, c’est moins brutal. Certes, l’impact reste potentiellement violent pour les magasins et les restaurants qui souffrent le plus en cette période, mais le deuxième confinement ne va pas être porteur de nouveau choc important. Les ‘casualties’, comme vous le dites, sont des conséquences du premier confinement déjà, et pour la plupart, l’issue ne changera malheureusement pas à cause du second confinement.

Votre rapport dit que le secteur « Travel & Leisure » a connu un impact « very severe » durant le premier confinement et même après. Par contre, ce qui étonne, c’est que, pour ce deuxième confinement, vous parlez d’un impact « neutral » pour ce secteur. L’absence de revenus pendant le deuxième Lockdown ne va-t-elle pas au contraire plonger les opérateurs hôteliers dans une plus grande détresse financière ?
Il faut considérer le point de départ au jour avant le second confinement. À cette date, il n’y avait déjà pas de touristes dans les hôtels. La grosse majorité des hôtels étaient fermés. Les Mauriciens en profitaient principalement en week-end. À Rs 7 500 par chambre en pension complète, un hôtel de 200 chambres générerait Rs 3 millions pour un week-end. Est-ce suffisant pour couvrir les coûts d’opérations d’une semaine ? Ainsi, nous estimons que le deuxième confinement ne change pas grandement la situation des opérateurs touristiques. Au contraire, avec tant de Mauriciens en quarantaine, certains hôtels pourraient bénéficier de la situation.

Le rapport d’AXYS écrit aussi que « the risk of collapse of a hotel group is therefore less probable now than a year before ». Les fonds de la Mauritius Investment Corporation et l’aide aux salaires suffiront-ils donc à les maintenir à flot ?
Les fonds de la MIC sont là pour pallier un manque à gagner temporaire. Si on ne rouvre pas nos frontières sans quarantaine avant la fin de 2021, il est possible que les hôteliers aient besoin de fonds additionnels. Et le chemin vers la reprise sera long puisque les arrivées de touristes ne devraient retrouver leur niveau pré-pandémique qu’en 2024.

En termes d’indicateurs macroéconomiques, qu’est-ce qui vous inquiète le plus à l’heure actuelle, entre la hausse du chômage et celle de l’inflation, la dépréciation de la roupie et la baisse de nos réserves en devises ?

Le chômage ! Moins on aura de chômeurs, moins nous aurons d’insécurité. Moins on aura de chômeurs, moins on aura de familles en détresse. Moins on aura de chômeurs, plus le Mauricien consommera dans sa boutique du coin, chez le marchand de rôti, ou le snack de la localité. Hormis le tourisme, la reprise passe inexorablement par une accélération de la consommation. Et tant que le niveau de chômage reste fort, on ne verra pas de reprise de la consommation courante.

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