BANK ONE LEADERSHIP DISCUSSION : BOLD décortique le tourisme et le Global Business

Quels sont les défis auxquels font face les secteurs du “global business” et du tourisme dans le contexte mondial actuel ? La dernière Bank One Leadership Discussion (BOLD), organisée par Bank One au Hennessy avec la participation de plusieurs CEO et décisionnaires du secteur privé et d’institutions financières, a permis d’apporter quelques éléments de réponse.

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Le CEO de Bank One, Ravneet Chowdhury, a indiqué que la série BOLD avait été lancée en vue de stimuler des débats de bon niveau sur des questions clés qui impactent l’économie mauricienne, que ce soit des développements locaux ou internationaux, d’autant que Maurice est une économie orientée sur l’exportation et grandement dépendante des importations. « L’objectif est de présenter une analyse de la situation économique actuelle et des solutions qui peuvent contribuer à faire l’économie prendre une autre trajectoire. Le global business qui représente 5,7% de notre PIB a connu une profonde mutation ces dernières années, plus spécialement avec les nouveaux règlements qui sont entrés en vigueur. S’agissant du secteur touristique, qui représente 8,6% de l’économie mauricienne, l’on note que le secteur fait face à des défis différents de ceux de 2008-09 et a montré une croissance modeste, mais robuste ces dernières années », a expliqué Ravneet Chowdhury.


GLOBAL BUSINESS — Ben Lim : « Un monde très incertain pour Maurice en 2021 »

Ben Lim, CEO d’Intercontinental Trust, a brossé un tableau sombre des défis du “global business” : perception de Maurice, degré d’incertitude dans le monde, baisse d’importance de la taxe, substance et GIFT (Gujarat International Financial Tec-City). S’agissant de la perception de Maurice, il observe qu’il y a eu une succession de “leaks” d’informations confidentielles sur Internet, dont les Mauritius Leaks, après les Paradise Papers et les Swiss Leaks. « Ce que Mauritius Leaks a apporté, c’est un niveau sans précédent de mauvaise presse. We had a very bad press both internationally and locally », a souligné Ben Lim. Il est d’avis que les “leaks”, les mouvements populistes et la pression sur le global business « have been fuelling the angriness of the population and the impact is that it is distorting policy making » car l’OCDE et l’UE vont prendre en considération ce que la population revendique et « les mesures prises ne seront pas nécessairement rationnelles », observe le financier.

Par ailleurs, il note aussi un “overemphasis” des régulateurs sur l’offshore. Autre aspect à tenir en ligne de compte : le sondage a révélé que plus de 20% de compagnies « will stop using IFCs in the future. » Dans ce contexte difficile pour le secteur, le CEO d’Intercontinental Trust estime qu’il faut bien être conscient de ce que le secteur du “global business” a apporté à notre pays au fil des ans, notamment en termes d’expertise et de richesse. Grâce au “global business”, dit-il, un seul diplômé dans une famille peut subvenir aux besoins de toute sa famille. « C’est un “high reward sector” que nous devons faire connaître, et surtout protéger », dit-il en sollicitant la collaboration de la presse.

50 shades of EU blacklist

L’autre défi du secteur est, selon lui, le niveau sans précédent d’incertitude qui règne, notamment avec de nouveaux règlements qui sont introduits alors que les traités changent « d’un trait de plume » sans oublier les « 50 shades of EU blacklist ». Et Ben Lim d’ajouter : « Il n’y a plus de level playing field, nous devons lutter seul et ne plus déprendre des autres pour avoir des bénéfices ou autres. Sous la pression de l’UE, nous avons aboli le 80% “deemed credit” et cela a affecté beaucoup d’entreprises car l’exemption partielle qui a été introduite doit encore se prouver. C’est en juin 2021 que toutes les entreprises adopteront le système d’exemption partielle et ce sera un monde très incertain pour Maurice. »

Quelle solution pour Maurice ? Être « smarter » lors des négociations, dit Ben Lim. L’autre problème touchant le secteur : le fait que la fiscalité soit devenue un sujet tabou. « Aujourd’hui, le simple fait de mentionner le mot taxe devient immoral. C’est un problème pour nous car nous sommes une ‘tax treaty jurisdiction’. Un simple exemple, tout le monde achète des produits duty free à travers le monde, imaginez un jour que vous achetez un produit hors taxe dans un pays africain… On peut vous accuser d’évasion fiscale ! Et de voler les revenus fiscaux des Africains ! C’est malheureusement la sorte d’arguments que le consortium des journalistes ICIJ utilise pour avoir le soutien des populations. »

Dans ce contexte, selon lui, Maurice doit renégocier ses traités car la taxe n’est plus le principal motivateur pour utiliser la juridiction mauricienne et le pays devrait miser sur les “non-tax benefits”. Par ailleurs, la substance sera, selon lui, une question clé dans les prochaines années. « Avez-vous entendu parler de la CIGA (core income generating activity) ? La CIGA doit être à Maurice, cela représente une opportunité pour nous. À lot of services that are being provided by Mauritian companies are being outsourced right now, alors qu’il faudrait pouvoir offrir tous ces services localement en vue d’assurer justement la “substance” », argue-t-il. Il s’agira de voir quelles compétences le pays aura besoin pour fournir ces services afin d’être en mesure de décider de notre politique d’immigration, ajoute Ben Lim.

Il évoque parallèlement la menace du GIFT (Gujarat International Financial Tec-City). « Ce n’est pas un cadeau pour nous ! L’Inde a toujours voulu mettre sur pied un centre offshore sur son territoire. L’Inde a toujours eu cela en tête. Suivant le changement DTA avec l’Inde, GIFT a fait son apparition et représente une menace pour l’île Maurice. Car ils vont faire un peu la même chose que nous, sauf qu’ils vont donner un congé fiscal de dix ans et d’autres bénéfices. Is it the nail in the coffin….? »


TOURISME — François Eynaud : « Pas de dialogue structuré pour trouver des solutions à long terme »

François Eynaud, CEO de Sun Ltd, a fait un tour d’horizon de la situation actuelle depuis 2008 avant d’égrener une série de problèmes et défis auxquels le secteur touristique fait face. Il note que les arrivées par avion sont en léger déclin – alors que ce sont les touristes qui dépensent le plus car restant davantage de jours dans le pays – alors que les Maldives et les Seychelles connaissent une plus forte croissance. François Eynaud explique aussi que le taux de remplissage hôtelier a chuté de quatre points sur les sept premiers mois de l’année, « et dans le “forward booking” on voit également une baisse en termes de remplissage pour les prochaines semaines. » Les recettes touristiques aussi sont en baisse de 7% pour le premier semestre. D’autre part, après la croissance du nombre de sièges d’avion sur les quatre à cinq dernières années, cette année il y aura un déclin, souligne l’hôtelier. « On ne sait pas si c’est à cause de la baisse de sièges qu’on enregistre une baisse des arrivées, ou si c’est à cause d’une baisse de la demande. » Il observe également une baisse au niveau des marchés chinois et indien.

Quant au ralentissement des arrivées depuis début 2019, il se demande si c’est un problème structurel ou cyclique. « Certains disent que c’est à cause du temps qu’il a fait. » Concernant la question de rapport qualité/prix, François Eynaud dit que les tarifs hôteliers grimpent depuis trois ans, « mais que c’est surtout du “catching up” sur les années précédentes ». Par contre, le service dans les hôtels est en baisse, alors que Maurice était connu pour son excellent niveau de service. « Certains parlent de crise structurelle dans l’hôtellerie 5 étoiles. »

Les autres défis mentionnés par l’hôtelier : l’érosion côtière et l’environnement en général qui représente un problème au niveau de l’attractivité des touristes. Il évoque aussi les difficultés d’Air Mauritius, mentionnant des « stratégies inconsistantes » et aussi le fait que l’accès aérien n’est pas totalement ouvert. « Il faut équilibrer entre ouverture du ciel et protection de notre ligne aérienne », estime François Eynaud. De plus, il plaide pour la réglementation d’Airbnb car cet hébergement « peut créer des risques pour notre destination ».

Le CEO de Sun déplore un « manque de dialogue structuré entre les stakeholders, pour trouver des solutions à long terme pour le secteur » avant de souligner l’absence de “shared strategic plan”. Il attire l’attention sur le positionnement du pays qui « n’est plus n’est clair » car on a développé massivement le “middle market”. « Donc Maurice n’est plus l’exclusive “star destination” qu’elle était il y a quelques années. Il faut une certaine clarification à ce niveau eu égard à notre branding sur le marché international », dit-il.
L’autre problème pour la destination est le fait qu’on a eu l’habitude d’attirer beaucoup de touristes “repeaters” alors que maintenant on a des difficultés à séduire leurs enfants. « Il faut attirer les voyageurs plus jeunes, les milléniaux. Nous devons nous réinventer pour répondre à cette demande. En parallèle, il faut être rigoureux et agiles pour s’adapter aux disruptions du monde digital qui crée de nouvelles opportunités. »

François Eynaud parle aussi de “high labour of turnover” : « Nous devons faire du lobbying auprès du gouvernement pour avoir plus de main-d’œuvre étrangère alors que les autres secteurs ont le droit d’avoir recours à de la main-d’œuvre étrangère. Sans cette main-d’œuvre, nous allons droit dans le mur. Le gouvernement doit être plus flexible dessus. Il faut aussi une meilleure productivité et formation. L’École hôtelière n’arrive pas à fournir l’industrie avec de la bonne main-d’œuvre et les hôteliers doivent prendre la relève à travers leurs propres académies. »

Enfin, le CEO de Sun Ltd insiste pour qu’on « travaille tous ensemble et qu’on développe une stratégie cohérente afin de mitiger l’impact de ces problèmes sur notre destination ».

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