BILAN — Judiciaire 2019 : Série d’acquittements pour des personnalités politiques

L’année judiciaire 2019 a été fertile en événements alors que les cours de justice ont eu fort à faire. L’actualité judiciaire au cours de cette année a été marquée de moments aussi surprenants que celui de l’appel de Pravind Jugnauth devant le Privy Council où les Law Lords l’ont blanchi. D’autres instances judiciaires ont aussi tranché dans des affaires impliquant d’autres politiciens qui ont défrayé la chronique dans le passé. La Cour intermédiaire a ordonné l’arrêt des poursuites dans les deux procès contre l’ancien Premier ministre Navin Ramgoolam, soit dans l’affaire Roches-Noires et celle de ses coffres-forts saisis à son domicile. Cette année, un autre procès qui a aussi fait couler beaucoup d’encre est celui de Boskalis dans lequel un verdict de culpabilité a été rendu. D’autre part, les procès de drogue et les cas de mort d’homme se sont enchaînés. Rétrospective de certains de ces procès qui ont marqué l’actualité judiciaire en 2019.

- Publicité -

Affaire MedPoint – Pravind Jugnauth blanchi par les Law Lords

Le 25 février de cette année, dans 42 paragraphes, les Law lords du Privy Council donnent gain de cause à Pravind Jugnauth et maintiennent les conclusions de la Cour suprême que la sœur du Premier ministre, Shalinee Malhotra, ne pouvait avoir d’intérêt personnel par rapport à l’article 13 (2) de la POCA pour décider si le paiement doit être effectué à partir des fonds budgétisés du MOFED ou du MOHQL. La question cruciale dans l’appel pour les Law Lords était de savoir si la sœur de Pravind Jugnauth, Shalinee Malhotra, avait un intérêt personnel dans la décision au sens du paragraphe 13 (2). Un « intérêt » au sens du paragraphe 13 (2) doit être un « intérêt personnel ». C’est là que Pravind Jugnauth obtient gain de cause. L’appel avait été entendu devant le Privy Council le 15 janvier cette année. Le 14 mars 2014, le DPP décide de poursuivre Pravind Jugnauth pour conflit d’intérêts dans l’affaire MedPoint. Le DPP conclut qu’il y a assez d’éléments de preuves pour intenter une poursuite. Le 30 juin 2015, Pravind Jugnauth avait été reconnu coupable par la Cour intermédiaire. Il est condamné à 12 mois de prison. Mais il fait appel après avoir refusé des travaux communautaires. Le 25 mai 2016, Pravind Jugnauth est acquitté par la Cour suprême et le DPP obtient l’autorisation de la Cour Suprême pour contester l’acquittement de Pravind Jugnauth devant le Privy Council.

CT POWER – Gain de cause à l’État pour n’avoir pas conclu d’accord

Le jugement dans l’appel de l’État contre le jugement de la Cour suprême en faveur de CT Power a été rendu en juin. Les Law Lords ont trouvé que concernant la décision d’aller de l’avant avec la signature du contrat, le gouvernement devait prendre en considération plusieurs paramètres avant de dépenser l’argent public. Le Privy Council estime que le nouveau gouvernement, après les élections de 2014, a jugé que le projet CT Power n’était pas aussi convaincant. D’où la décision de ne plus aller de l’avant avec le contrat. Pour rappel, le 6 juillet 2016, les juges Ah Foon Cheong et Rita Teeluck avaient donné gain de cause à CT Power face au gouvernement, qui avait rejeté l’année dernière le projet soumis à l’approbation des autorités depuis 2006. Cette décision constitue un sérieux revers pour les autorités, notamment les ministères des Services publics et des Finances, mais aussi pour le Central Electricity Board. Par ailleurs, CT Power réclame à l’État la somme de USD 30 974 735,06 et Rs 3 543 355 000, soit environ Rs 4,6 milliards.

Fin des poursuites pour Navin Ramgoolam

ROCHES-NOIRES – Le 13 septembre, la première charge formelle contre Navin Ramgoolam est rayée en Cour intermédiaire. Le magistrat Raj Seebaluck a rayé les charges retenues contre Navin Ramgoolam ainsi que les deux ex-DCP Rampersad Sooroojebally et Dev Jokhoo dans l’affaire Roches-Noires. La Cour a ainsi agréé l’argument de “no case to answer”, concluant que la poursuite a failli à établir un des éléments du délit de complot, soit qu’il y a eu un acte illégal commis. Le “widely known as the Roches-Noires case”, comme indiqué dans le “ruling”, mettait ainsi sur le banc des accusés l’ex-Premier ministre Navin Ramgoolam et les deux ex-hauts cadres de la police, Rampersad Sooroojebally et Dev Jokhoo. Ils répondaient d’une charge de « wilfully and unlawfully agreeing with one Doomerswarsing Gooljaury to do an act which is unlawful, to wit : effecting public mischief ». La poursuite avait soutenu dans le chef d’accusation que les trois accusés avaient comploté avec Rakesh Gooljaury pour qu’il donne une fausse déposition à la police « concerning an imaginary offence of larceny committed to his prejudice at Roches-Noires on the 3rd July 2011 ». Ainsi, pour les magistrats, il y a bien eu un vol et la poursuite a ainsi failli à établir quelconque acte illégal de la part des accusés.

COFFRE-FORT – C’est dans un jugement de 15 pages que la Cour intermédiaire a, le 15 novembre dernier, blanchi l’ancien Premier ministre, Navin Ramgoolam, des 23 charges qui pesaient contre lui dans l’affaire des coffres-forts. Lors des débats sur la motion avancée par l’avocat de Navin Ramgoolam pour l’arrêt des poursuites, le Senior Counsel devait insister sur le fait que la Cour ne peut écouter un procès dans lequel l’accusé n’a pas été en présence d’informations sur les charges qui avaient été retenues contre lui. La Cour intermédiaire a tranché en faveur de Navin Ramgoolam, concluant que même si la justice a le devoir d’écouter une affaire d’intérêt public, elle ne peut le faire aux dépens des droits constitutionnels d’un citoyen. Les magistrats ont fait ressortir que l’identité de l’autre personne impliquée dans ces transactions n’a jamais été révélée et que cet aspect du procès « demeure troublant » d’autant plus que l’article 5 de la FIAMLA, sous lequel Navin Ramgoolam était poursuivi, stipule qu’il doit y avoir une transaction entre l’accusé et une autre partie pour que le délit soit prouvé. Pour rappel, sous chacune des 17 premières accusations, Navin Ramgoolam est accusé d’avoir accepté USD 100 000 (1 000 billets de USD 100), entre le 31 janvier 2009 et le 7 février 2015 à Maurice. Sous chacune des six autres chefs d’accusation, de la 18e à la 23e charge, Navin Ramgoolam est accusé d’avoir accepté Rs 1 million en espèces, du 28 avril 2010 au 7 février 2015 à Maurice.

Boskalis : les déboires de Chady et Maunthrooa

S’il y a un procès pour corruption qui marquera le judiciaire, c’est bien celui de l’affaire Boskalis mettant en cause Siddick Chady, ancien ministre et ex-Chairman de la Mauritius Ports Authority (MPA) et Prakash Maunthrooa, proche du MSM, qui a été Senior Advisor du PMO et dans le passé directeur général de la MPA. Ces deux personnalités ont écopé chacune de neuf mois de prison en novembre dernier pour avoir commis un acte délictueux avec la complicité de la firme Boskalis, après que cette dernière a obtenu le contrat de dragage du canal Anglais dans le port en 2006. Chady a été reconnu coupable d’avoir, en janvier 2007, utilisé sa position de Chairman pour demander à Boskalis de transférer 25 000 euros sur le compte de Gilbert Philippe, un ami de longue date. Prakash Maunthrooa a, lui, été reconnu coupable d’avoir arrangé des rendez-vous privés entre Siddick Chady et un représentant de Boskalis après que ladite compagnie a obtenu le contrat de dragage. Des “meetings” avaient été organisés dans le but de faciliter la tâche de Chady pour obtenir des pots-de-vin. Un procès qui a pris fin après sept ans de procédures pénales, pour une affaire vieille de 13 ans qui a été enclenchée après une enquête initiée par l’ICAC après l’interception d’un fac-similé émis par Boskalis, informant le président de la MPA d’alors, Siddick Chady, du versement d’une somme sur un compte en banque. L’affaire Boskalis n’a pas fini de faire parler d’elle, avec des appels logés par les deux hommes mais aussi le bureau du DPP, pour contester la sentence imposée.

L’acquittement de Showkutally Soodhun

Les accusations contre l’ancien ministre Showkutally Soodhun, qui faisait face à un procès en cour intermédiaire sous une charge de “abuse of authority by public officer” en violation de l’article 77 du code pénal, ont été rayées le 25 septembre dernier. Celui qui est désormais ambassadeur pour l’Arabie Saoudite était accusé d’avoir tenu des propos à relent sectaire lors d’une réunion avec un groupe d’habitants de la Route Bassin, Quatre-Bornes, en juillet 2017. Il était accusé d’avoir favorisé une communauté au détriment d’autres pour l’octroi des logements NHDC à Bassin, avec enregistrement sonore à l’appui. Toutefois, Soodhun a été exonéré de tout blâme dans cette affaire par la Cour intermédiaire, qui a trouvé notamment que la crédibilité du témoin-clé Vivek Pursun était discutable mais aussi qu’il n’y avait aucune preuve concrète que Showkutally Soodhun s’était engagé auprès d’une communauté ou avait donné des directives pour favoriser une communauté dans l’obtention de logements.

Caution de bonne conduite pour De Ravel de L’Argentière

Voilà une affaire qui a choqué plus d’un et causé mécontentement et incompréhension lorsque le verdict est tombé. Michel de Ravel de L’Argentière, un homme d’affaires de 57 ans, devait échapper à la prison en Cour intermédiaire dans le cadre du procès qui lui était intenté pour attentat à la pudeur sur des fillettes dans les années 90. La Cour l’avait reconnu coupable sous les 21 charges d’attentat à la pudeur portées contre lui, en raison des témoignages accablants des victimes et des preuves à charge. La plus jeune victime avait quatre ans. Pour certaines d’entre elles, les attouchements ont été perpétrés à plusieurs reprises. Les victimes avaient affirmé avoir subi des attouchements alors qu’elles étaient âgées entre 4 et 12 ans. Elles étaient les enfants des amis de Michel de Ravel de L’Argentière, qui venaient passer le week-end chez lui à Tamarin. L’homme d’affaires a toutefois obtenu la liberté sous caution pour ses délits, avec des amendes à payer à hauteur de Rs 30 000, en raison de sa grave maladie. Michel de Ravel de L’Argentière est décédé le 5 juillet dernier.

Trois ans de prison pour le père Moctee

Un prêtre a écopé de trois ans de prison en Cour intermédiaire cette année, pour abus sexuel sur mineur. Il s’agit du père Joseph Marie Moctee. Ce dernier avait été arrêté le 14 juillet 2015 après une plainte à la police d’un enfant de chœur, soutenant avoir été victime d’attouchements sexuels alors qu’il séjournait au domicile du prêtre. La Cour, après l’avoir reconnu coupable des trois accusations d’attentat à la pudeur, lui a infligé une peine de trois ans de prison, le 9 octobre dernier, considérant la gravité du délit et le fait que ce soit un homme religieux responsable du bien-être de la société qui avait abusé de la confiance d’un adolescent et d’une famille. La Cour n’avait ainsi pas souhaité privilégier un recours aux travaux communautaires dans cette affaire. L’adolescent avait porté plainte à la police, avançant dans ses déclarations que le père Moctee l’avait invité à passer la nuit ensemble à la cure de Sainte-Anne, à Chamarel. Alors que l’adolescent était devant son ordinateur, allongé sur un matelas, le prêtre l’aurait rejoint en se glissant sous la couette avec lui. Il avait alors commencé à le caresser. L’adolescent, surpris et apeuré par la réaction du père, avait toutefois pu repousser ses avances.

Lourde peine de prison pour les meurtriers de Janice Farman

Les meurtriers de l’Écossaise Janice Farman, mère célibataire d’un enfant adopté, autiste, âgé de dix ans, purgeront de lourdes peines de prison pour leur crime. Dans un jugement rendu le 31 octobre dernier, les assises ont condamné Kamlesh Mansing et Anish Sooneea à purger 33 ans et 23 ans de prison respectivement pour ce crime perpétré le 6 juillet 2017 à Albion, au domicile de Janice Farman. Kamlesh Mansing a été reconnu comme l’auteur du crime alors que Anish Sooneea était accusé d’être son complice. La Cour devait faire état de la façon brutale et barbare dont l’Écossaise avait été tuée pour rendre son verdict, indiquant de plus que les meurtriers n’avaient montré aucun remords après le crime, allant jusqu’à voler les effets personnels de la défunte. Ravish Fakoo, autre complice, qui avait plaidé coupable d’une accusation réduite de coups et blessures ayant causé la mort sans intention de tuer, a, lui, écopé d’une peine de 18 ans de prison, le 5 décembre. La Cour a pris note de sa participation dans l’élaboration de ce crime pour rendre son verdict.

Les législatives sans candidats de ReA

Vingt-quatre candidats de Rezistans ek Alternativ ainsi que quatre candidats indépendants s’étaient tournés vers la Cour suprême pour que leur candidature aux élections générales soit validée alors qu’ils n’avaient pas déclaré leur appartenance ethnique lors du Nomination Day. Le samedi 26 octobre, dans un bref verdict, le juge Benjamin Marie Joseph ne donne pas gain de cause aux 24 candidats. La pétition de ces derniers visait à ce que les Returning Officers réinstaurent leurs noms sur les bulletins de vote pour les élections générales. Dans son jugement oral, le juge Benjamin Marie Joseph devait conclure « qu’il n’y a rien d’illégal dans la décision des Returning Officers d’invalider la candidature des 24 candidats ».
Rezistans ek Alternativ avait soutenu dans cette pétition déposée le 24 octobre dernier que la décision de juger « non valide » la candidature des candidats du parti en raison de l’absence d’appartenance ethnique « est une violation de leurs droits constitutionnels ». Le conseil légal de l’Electoral Supervisory Commission avait fait part des dérèglements dans le système électoral si l’appartenance ethnique n’est pas déclarée. Après ce revers, Rezistans ek Alternativ se penche désormais sur le Constitutional Case devant le “full bench” de la Cour suprême mené par le chef juge Eddy Balancy.

- Publicité -
EN CONTINU

l'édition du jour

- Publicité -