CHAGOS – DÉLIMITATION DES FRONTIÈRES MARITIMES : Maurice confirme sa déception face au subterfuge des Maldives

  • L’ambassadeur Koonjul : « We are so disappointed not to benefit the cooperation and support of the Maldives in the complete decolonisation process »
  • La Special Chamber de l’ITLOS, qui a adressé trois questions aux deux parties, prévoit une décision au début de 2021

La Grande-Bretagne pourra essayer de tirer profit de ce Safe Passage jusqu’au début de 2021 pour jouir du statut de Coastal State dans l’océan Indien. En effet, la Special Chamber de l’International Tribunal for the Law of the Sea, présidé par le juge coréen Jin-Hyun Paik, a mis en délibéré jusqu’au début de 2021 la décision sur la demande de Maurice pour la délimitation des frontières maritimes au Nord de l’archipel des Chagos. C’était à la fin des auditions des Preliminary Objections, hier en fin de journée, se déroulant à Hambourg en Allemagne. D’autre part, la Special Chamber a sollicité les points de vue de Maurice et des Maldives sur trois points spécifiques (voir encart plus loin). Cette dernière séance – la délégation de Maurice réitérant son point de vue que la Special Chamber dispose de la compétence de trancher la question des frontières maritimes sous les dispositions de la Convention sur les Droits de la Mer –, n’a pas manqué de faire état de sa profonde déception devant le subterfuge que constitue la position adoptée par l’archipel des Maldives sur la voie de la complète décolonisation de Maurice. Que ce soit le Leading Counsel, Philippe Sands, QC de Matrix Chambers, ou l’ambassadeur Jagdish Koonjul, ils ont pris à rebrousse-poil les arguments que l’archipel des Maldives a avancés pour contrer Maurice devant cette instance des Nations unies.

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« We are so disappointed not to benefit the cooperation and support of the Maldives in the complete decolonisation process of Mauritius », déclare l’ambassadeur Koonjul dès l’entame du Wrapping-Up. Il a ajouté que Maurice a été un des premiers pays à avoir soutenu les Maldives lors de sa réadmission au sein de la famille anglophone du Commonwealth.

Commentant le déroulement des délibérations devant la Special Chamber de l’ITLOS et la teneur des interventions des représentants des Maldives, l’ambassadeur mauricien a trouvé que « this is a matter of regret that so much of what we heard were attacks – not only against Mauritius – but also of a more personal nature against counsel and their integrity ». Il poursuit en soulignant que même cette instance de l’ITLOS n’a pas été épargnée par les Maldives, « treating the Special Chamber as a casino ».

« While they go low, we go high », affirme le diplomate mauricien en évoquant « the political commitment in Mauritius and the broad international support to decolonize Mauritius. There appears to have so much support ». Dans les Final Submissions, Maurice réitère sa conviction que « the Special Chamber has jurisdiction to entertain the application filed by Mauritius, there is no bar to its exercise of that jurisdiction and it shall proceed to delimit the maritime boundary between Mauritius and the Maldives » et que cette étape amènera Maurice « one step closer to complete decolonisation ».

De son côté, lors de son intervention dans le cadre du deuxième round des Oral Arguments sur les objections préliminaires soulevées par les Maldives, Philippe Sands, QC, a soutenu que la partie maldivienne aurait concédé l’argument que la Cour internationale de justice (ICJ) a en effet décidé juridiquement qu’en vertu du droit international, l’archipel des Chagos fait incontestablement partie du territoire de Maurice. Selon lui, sur la base de cette détermination de la Cour de La Haye, principal organe judiciaire de l’ONU, on ne peut dire que la question de souveraineté est en litige.

« Maldives may assert, as much as it wishes, in exercise of its right of freedom of expression, that there exists an unresolved sovereignty dispute in relation to the Chagos Archipelago, but the reality is that the Court has determined otherwise. It has so determined not because any such dispute was referred to it for resolution, but because the matter was the subject of a request made to it in relation to the prior issue of decolonisation. With the final resolution of the decolonisation issue, the consequential issue of a supposed “sovereignty dispute” simply melts away », a déclaré Philippe Sands, QC.
Le Leading Counsel, qui a pris un malin plaisir à dresser un parallèle avec la démarche de l’Afrique du Sud du temps de l’apartheid face aux États de la région du Sud-Ouest africain, a expliqué qu’en droit international aucun autre État n’a la souveraineté ou ne peut revendiquer la souveraineté sur ce territoire mauricien. « They seem inclined to downplay the effect of an Advisory Opinion, and not just those of the Court but those of this Tribunal too. It is not so much Sartre’s L’être et le Néant, as Thouvenin’s L’avis consultatif et le néant », déclare-t-il en déplorant la ligne adoptée par les Maldives. Le Professeur Sands a poursuivi son intervention, affirmant que l’avis de 2019 de la CIJ a été accepté et approuvé par l’Assemblée générale des Nations unies. « It is the law recognised by the United Nations. It continues to be so although the Government of the country that is unlawfully administering the Chagos Archipelago has declined to accept it as binding upon it and although it has acted in disregard of the international obligations as declared by the Court in that Opinion », a-t-il avancé.

Pour Philippe Sands, en soulevant une exception préliminaire fondée sur l’opinion selon laquelle un pays tiers, soit le Royaume-Uni, qui est en administration et en occupation illégale du territoire de Maurice, est une Third Party à cette délimitation de la frontière maritime, les Maldives sont en train de « prendre des mesures qui empêcheront ou retarderont l’achèvement du processus de décolonisation de Maurice conformément à l’avis consultatif de la Cour et à la résolution 73/295 ».
Un peu plus tôt, Pierre Klein, professeur de droit international en Belgique, faisant partie du Legal Panel de Maurice, s’est, lui, attardé sur les échanges diplomatiques entre Maurice et les Maldives datant de 2010. Selon lui, les considérations juridiques des parties auxquelles répondaient ces initiatives étaient de trois ordres, notamment le fait que les deux pays estimaient bien que c’était à eux —et à eux seuls— de s’engager dans ce processus en vue de parvenir à un accord sur la délimitation de leurs espaces maritimes. « C’est dans cette perspective que les Maldives se sont adressées à Maurice au début de l’année 2010 pour proposer l’ouverture de discussions sur la délimitation des zones économiques exclusives des deux États. Il était donc clair, dès ce moment-là, que les Maldives identifiaient bien Maurice comme l’État côtier concerné, avec lequel entamer des discussions en vue de la délimitation de leurs espaces maritimes », a-t-il déclaré. Et ce, tout en se référant aux discussions entretenues entre Arvin Boolell, ministre des Affaires étrangères, et son homologue maldivien Ahmed Shaheed en mars 2010.

Le Professeur Klein a mis en exergue que le compte rendu d’une rencontre officielle en octobre 2010 fait mention de l’intervention du ministre des Affaires étrangères des Maldives relevant que la loi des Maldives relative aux espaces maritimes prévoyait « la nécessité de trouver une solution par la voie des négociations, sur la base du droit international… ».

L’autre représentant légal de Maurice, l’homme de loi de la firme américaine Foley Hoag LLP, Paul Reichler, a estimé pour sa part qu’outre son indécence, l’attaque personnelle des Maldives sur Maurice est un reflet malheureux de l’approche de leurs conseils légaux sur les questions fondamentales de cette affaire. « They take the same approach to the ICJ’s Advisory Opinion as they do to the email exchanges between the parties: they are selective, placing reliance on one or another phrase or paragraph, pulling it out of context, and ignoring that which follows or is contradictory. The Maldives’ partial presentation of emails, like its deliberate abridgment of the Advisory Opinion, is as if they were directing a performance of Macbeth, and then ending it immediately after he becomes king, in the second Act. In fact, he dies at the end, as do all of their arguments in these proceedings », a-t-il avancé.

L’homme de loi américain a déploré que les intervenants pour les Maldives aient choisi d’ignorer complètement les éléments fondamentaux de l’avis de la Cour, le texte dans lequel la Cour détermine, en droit international, que l’archipel des Chagos appartient à Maurice et non au Royaume-Uni. « Il n’y a pas un seul mot, dans l’une ou l’autre de leurs deux séries d’arguments, à ce sujet », a-t-il observé.


3 questions de la Special Chamber
à Maurice et aux Maldives

Avec la fin de l’étape des Preliminary Objections d’hier, la Special Chamber de l’International Tribunal for the Law of the Sea a accordé jusqu’à vendredi 16 heures (heure de Hambourg) pour toute correction dans les procès-verbaux des travaux sans toutefois apporter de modification dans la substance des interventions consignées officiellement.
D’autre part, les trois questions suivantes ont été adressées à Maurice et aux Maldives:
What were the legal considerations of the Parties in holding the first meeting on maritime delimitation and submission regarding the extended continental shelf of 21 October 2010 and in agreeing to “make bilateral arrangements on the overlapping area of extended continental shelf of the two States around the Chagos Archipelago” in the joint communiqué of 12 March 2011?

According to the Advisory Opinion of the International Court of Justice of 25 February 2019, “all Member States are under an obligation to co-operate with the United Nations in order to complete the decolonization of Mauritius.” This obligation is further explained in paragraph 180 of the Advisory Opinion. Is this obligation relevant to the present case and, if so, how?

If delimitation were deferred for reasons indicated in the preliminary objections, what would be the obligations of the Parties under paragraph 3 of articles 74 and 83 of the Convention? Would there be jurisdiction with respect to those obligations?

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