Chagos : Londres face à une motion aux Communes

  • Dans une “Early Day Motion” déposée à la House of Commons, des députés britanniques réclament « the withdrawal from the Chagos Islands before the six-month UN deadline »
  • Barrage d’interpellations au Foreign and Commonwealth Office en vue de « promote the human rights of people who were evicted from the Chagos Islands between 1968 and 1973 »
  • Note verbale de Port-Louis objectant formellement à la décision des Britanniques au sujet des visites aux Chagos annoncées pour octobre/novembre et novembre/décembre de cette année aussi bien que février 2020

Londres et Port-Louis affichent des positions, qui semblent être irrémédiables sur le dossier des Chagos après la dernière résolution adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies le 22 mai dernier et exigeant le retrait sans condition des Britanniques de l’archipel. La Grande-Bretagne reste figée dans son attitude de défiance par rapport à l’Advisory Opinion de la Cour internationale de Justice de La Haye du 25 février dernier. Et ce, en dépit d’une “Early Day Motion”, s’apparentant à une “Private Member’s Motion”, déposée à la Chambre des Communes par des parlementaires de l’opposition, exigeant, entre autres, « the withdrawal from the Chagos Islands before the six-month UN deadline ».

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Mais à ce jour, le gouvernement britannique, sans Premier ministre, et pris dans l’étau du Brexit – le divorce dans la douleur entre Londres et Bruxelles –, n’a pas encore pris la décision de fixer ces débats. En parallèle et, par voie de Note verbale, Port-Louis dénonce sans ambiguïté la décision des Anglais d’organiser d’un seul coup trois déplacements vers l’archipel des Chagos, soit en octobre/novembre, novembre/décembre et en février de l’année prochaine. Par ailleurs, un autre bras de fer diplomatique, avec en toile de fond les Chagos, devrait être engagé avec la prochaine réunion de haut niveau de l’Indian Ocean Tuna Commission prévue à Hyderabad, en Inde.

La motion, sponsorisée par des membres de l’opposition à la Chambre des Communes et déposée sur la table du Speaker à Londres au lendemain du vote des Nations unies, soit le 23 mai, frise la motion de blâme contre le gouvernement conservateur de la Grande-Bretagne. Le libellé est sans appel et comprend quatre “Limbs”, à savoir : « That this House welcomes the United Nations motion overwhelmingly condemning the occupation of the Chagos Islands by the United Kingdom », adoptée en séance plénière à l’ONU suite à l’injonction de la Cour internationale de Justice de La Haye contre l’occupation illégale de l’archipel ; regrette l’utilisation des îles de l’archipel « for military purposes for the UK and the USA, much to the concern of the Chagossian people »; dénonce des opérations secrètes menées par les Américains sur la base militaire de Diego Garcia « for the purposes of rendition »; « notes that the bureaucracy of the UK Government has negatively affected the dispersion of necessary aid to Chagossian exiles » et « urges the UK Government to honour the UN motion and withdraw from the Chagos Islands before the six-month UN deadline ».

Depuis le 23 mai dernier, les tentatives de l’opposition à la Chambre des Communes d’obtenir des détails du Foreign and Commonwealth Office, quant aux développements à prévoir, se sont heurtées à une répétition des déclarations antérieures, niant toute légitimité à l’Advisory Opinion de la Cour internationale de Justice, à savoir : « An International Court of Justice (ICJ) Advisory Opinion is advice provided to the United Nations General Assembly at its request ; it is not a legally binding judgment. The Government respects the ICJ and has considered the content of the Opinion carefully, however, we do not share the Court’s approach. »
Cependant, des parlementaires britanniques, à l’image de l’Écossais Patrick Grady, ne s’avouent pas pour autant vaincus et reviennent à la charge avec d’autres interpellations parlementaires. Lundi dernier, ce député du Scottish National Party a demandé au Secretary for Foreign and Commonwealth Affairs de commenter la déclaration du Premier ministre, Pravind Jugnauth aux Nations unies à l’effet que « the eviction of the population of the Chagos Islands by the UK Government was akin to a crime against humanity ». Londres prend ombrage de cette déclaration, qui a été à la base de l’annulation de la fonction officielle à la Westminster House pour marquer l’anniversaire de la Reine Elizabeth II.

De son côté, ce même jour, le député Andrew Rosindell a déposé une autre PQ « to ask the Secretary of State for Foreign and Commonwealth Affairs, what assessment he has made of the potential effect of the cancellation of the Queen’s birthday party in Mauritius on 4 June 2019 on the negotiation of a settlement over Chagos and the Chagossians with Mauritius ».

Toutefois, cette levée de boucliers contre l’attitude de la Grande-Bretagne sur les Chagos ne se limite pas qu’à la Chambre des Communes. La Baronne Whitaker, siégeant à la House of Lords, s’intéresse au redressement des abus des droits humains, dont sont victimes les Chagossiens depuis leur déracinement de leur archipel natal. Son interpellation, qui attend la réponse du Foreign and Commonwealth Office, se rapporte à « what steps the Deputy Permanent Representative to the United Nations in Geneva and Ambassador for Human Rights will take to promote the human rights of people who were evicted from the Chagos Islands between 1968 and 1973 ».

De son côté, l’hôtel du gouvernement réagit de manière énergique face à la Grande-Bretagne au regard de trois prochains projets de déplacement des Chagossiens dans l’archipel en cette fin d’année. Dans un communiqué émis en début de soirée d’hier, le Prime Minister’s Office dénonce cette « flagrant violation of that resolution, to organize a significantly expanded programme of visits to the Chagos Archipelago as part of a supposed £40 million package said to be aimed at improving the livelihoods of Mauritian citizens of Chagossian origin, and called for expressions of interest for visits purported to take place in October/November 2019, November/December 2019 and February 2020 ».

Port-Louis maintient : « The Republic of Mauritius is the sole State lawfully entitled to exercise sovereignty and sovereign rights over the Chagos Archipelago and its maritime zones and to organize visits to the Chagos Archipelago. As such, the United Kingdom, which is an illegal colonial occupant, has no right to organize such visits, which amount to a manifest violation of international law. »

Le ministère des Affaires étrangères a adressé au Haut-Commissariat britannique à Port-Louis une Note verbale de protestation « urging the United Kingdom to reconsider its position as a matter of urgency, and to put immediately to an end the purported programme of visits to the Chagos Archipelago ». Dans le même souffle, l’hôtel du gouvernement apporte son soutien à Olivier Bancoult, leader du Groupe Réfugiés Chagos, qui a rejeté ces invitations britanniques. Port-Louis confirme aussi son intention d’organiser une visite dans l’archipel au bénéfice des Chagossiens vu que le budget prévoit une première dotation de Rs 50 millions au titre du “Resettlement”.


Tête-à-tête Pravind Jugnauth/David Snoxell

Le Premier ministre, Pravind Jugnauth, a reçu en tête-à-tête hier, au Prime Minister’s Office, David Snoxell, coordonnateur de l’All-Party Parliamentary Group (APPG) à la Chambre des Communes et à la House of Lords sur les Chagos. Lors des échanges, l’envoyé spécial de l’APPG sur les Chagos a réitéré le soutien de ce groupe de représentants politiques anglais à la résolution adoptée à l’Assemblée générale des Nations Unies le 22 mai sur les Chagos, et ce sur les mêmes principes que ceux énoncés par le leader de l’opposition britannique, Jeremy Corbyn, en faveur de Maurice. Les deux parties ont passé en revue le dossier des Chagos et ont même arrêté un plan de travail pour les cinq prochains mois, avec l’échéance des six mois imposée pour la fin de l’occupation illégale des Chagos par les Anglais.

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