CODE PÉNAL — Meurtre en cas d’adultère : Un crime jugé « excusable » dans nos lois qui attise la confusion

À l’heure où le gouvernement mauricien s’engage à revoir certains cadres juridiques, notamment pour durcir le ton face aux infractions sexuelles comme le viol et l’agression sexuelle, il existe une loi toujours applicable dans le Code pénal qui atténue les peines pour un homicide. Ce délit se trouve sous l’article 242 du Code pénal, stipulant qu’une personne qui surprend son conjoint en flagrant délit d’adultère et le tue peut s’en sortir avec une peine d’emprisonnement comprise entre 10 jours et 10 ans, alors que la sanction pour un meurtre est la servitude pénale allant jusqu’à 60 ans.
La violence domestique et les agressions sexuelles ont toujours été des délits hautement répréhensibles dans notre société et que l’État et le ministère de la Justice condamnent fortement, avec de nouveaux amendements aux textes de loi « dépassés » pour renforcer les sanctions contre de tels délits. Avec les propositions de réforme des infractions sexuelles dans la loi, de nouvelles dispositions légales ont été prises, notamment pour le viol et l’agression sexuelle, afin de tenter de réduire ces types de délits sexuels avec de lourdes sanctions. Il existe toutefois un texte de loi jugé « absurde » et « dépassé » par des juristes dans le Code pénal, qui ne semble pas avoir été pris en considération par l’État, malgré sa nature désuète.
L’article 242 du Code pénal évoque le meurtre en cas d’adultère. Cet article stipule comme suit : « Le meurtre commis par l’époux sur son conjoint, ainsi que sur le complice, à l’instant où il les surprend en flagrant délit d’adultère, est excusable». Ainsi, selon son interprétation, le meurtre commis après un flagrant délit d’adultère est traité avec une différente approche de tout autre meurtre avec préméditation (“manslaughter”). Une approche qui peut paraître trop souple et injustifiée en vue des conséquences et du contexte actuel, alors que cette loi date du droit romain. Malgré cela, cette section de la loi demeure présente dans le Code pénal depuis que ce texte de loi a été promulgué en 1838.
La sanction pour ce délit « excusable » est alors une peine d’emprisonnement comprise entre 10 jours et 10 ans, comme l’a indiqué la Law Refom Commission (LRC) dans un de ces bulletins sur les propositions de réforme concernant les crimes intentionnels dans le Code pénal. La LRC avait recommandé depuis 2017 d’abroger cette loi. Une loi qui, explique la commission, était puisée de l’article 324 de l’ancien Code pénal français de 1810, qui prévoyait que, « dans le cas d’adultère, le meurtre commis par l’époux sur son épouse, ainsi que sur le complice, à l’instant où il les surprend en flagrant délit dans la maison conjugale, est excusable ».

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Crime d’honneur

L’ancien droit français était lui-même inspiré par le droit romain, qui accordait au père, avant de l’accorder à l’époux, le droit de tuer sa fille et son amant surpris en adultère. Ce droit était toutefois soumis à des conditions selon lesquelles la fille devait être surprise en adultère dans la maison du père ou du gendre, mais aussi « que le coup frappa à la fois la fille et son complice, parce qu’elle supposait que le meurtre était commis dans le premier moment de l’indignation, et que la colère ne sait pas distinguer entre les coupables », a avancé la LRC dans son bulletin.
Autre « anomalie » qu’avait relevée la commission, c’est le fait que l’excuse ne profite qu’à l’auteur du crime et qu’ainsi ses complices « qui lui prêteraient main-forte pour laver son honneur, seraient eux poursuivis pour meurtre et ne profiteraient guère de l’excuse prévue à la section 242 ». En France, c’est à partir de 1975 que ce droit a été revu et, en 1994, la publication d’un décret modifiant certaines dispositions de droit pénal devait considérer le crime conjugal comme un délit grave. Malgré la réforme des infractions sexuelles dans le droit mauricien, cet article 242 du Code pénal semble être passé à la trappe en figurant toujours dans le texte de loi malgré de nombreux amendements. Une disposition de la loi dont les juristes s’accordent à dire « qu’elle n’a pas sa place dans le contexte actuel où l’on voit une recrudescence de crimes passionnels ».
Le directeur des poursuites publiques, Me Satyajit Boolell, Senior Counsel, a lui aussi tiré la sonnette d’alarme concernant une certaine « indulgence » envers cette section de la loi. Dans un bulletin du bureau du DPP, il devait faire part du fait que ce droit portait à confusion, notamment dans l’interprétation de l’adultère, soutenant que « the law does not define whether adultery actually meant in the middle sexual intercourse or simply exchanging kisses on a couch ».
Il devait alors déplorer une « indulgence injustifiée » dans le Code pénal mauricien, sur l’article 242, qui prévoit une peine moins sévère pour un crime passionnel lorsque le coupable a pris en flagrant délit son conjoint avec l’amant, alors que la peine maximum pour un homicide volontaire (“manslaughter”) est de 60 ans. Déplorant l’anachronisme juridique de cet article 242, Me Satyajit Boolell devait rappeler que, dans le contexte actuel, il faut être clair sur le fait « que personne ne possède son conjoint ou son partenaire ». Parmi les opposants à cette disposition de la loi, le parti Lalit, qui dénonce ces lois tendant à ne pas mettre l’homme et la femme sur un pied d’égalité et qui plus est, permet à un coupable d’un crime atroce de s’en sortir avec une peine de prison dérisoire. Lindsey Collen parle ainsi d’une « loi archaïque et grotesque qui doit être enlevée du Code pénal mauricien. Comment peut-on trouver excusable de tuer une personne ? » Le parti avait demandé des réponses sur l’application de cette loi et aurait compris que l’article 242 du Code pénal est toujours en vigueur malgré les amendements faits au Code pénal dans le passé. Lindsey Collen d’avancer que cette requête fait partie d’une série de démarches entreprises pour demander que l’État se montre intraitable sur les infractions sexuelles.

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