Commission Asraf Caunhye : L’ex-Présidente de la République se rebiffe

  • Son avocat, Me Hervé Duval, accuse Dass Appadu de “détourner la vérité afin de se dédouanner de ses liens personnels avec Alvaro Sobrinho”
  • L’ex-Secrétaire administratif de la State House parle de propos “vicieux”

À sa sortie de l’avant-dernière audition de la Commission d’enquête Asraf Caunhye, mercredi 16  janvier dernier, sur de potentiels actes anticonstitutionnels qu’elle aurait commis durant son court mandat, complètement lâchée dans un affidavit produit par Dass Appadu, son ex- secrétaire administratif et principal lieutenant à la State House, au sujet de ses liens étroits avec l’homme d’affaires portugo-angolais Alvaro Sobrinho, l’ex-Présidente de la République démissionnaire, Mme Ameenah Gurib-Fakim, avait promis une riposte canon. “Attendez d’entendre ce que je vais dire”, avait-elle promis à un journaliste qui voulait connaître sa réaction. Par le biais de son avocat, Me Hervé Duval Jr, l’ex-Présidente déchue n’y est pas allée de main morte contre Appadu à la reprise des travaux de la commission d’enquête, mercredi dernier.

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Promesse tenue. Dass Appadu, actuellement re-posté Secrétaire permanent au ministère de la Fonction publique, a eu à subir pendant près d’une heure et demie, un contre-interrogatoire très serré de Me Hervé Duval Jr SC. Celui-ci a suggéré que, après s’être prévalu de son droit au silence face aux enquêteurs de la Commission indépendante anti-corruption (l’ICAC), Dass Appadu se serait précipité pour jurer son affidavit dans lequel il a choisi de ne dire que ce qui l’arrangeait personnellement dans toute la saga Sobrinho.
“Vous avez donné dans votre affidavit une version des faits afin de détourner l’attention de l’ICAC de votre propre rôle auprès de Sobrinho et pour permettre à cette institution de croire pouvoir ferrer un plus gros poisson plus loin” (en clair, l’ex-Présidente de la République). “Vous déformez malicieusement la vérité dans l’espoir de détourner l’attention de vous”, a attaqué Me Duval.

Dass Appadu a nié farouchement, qualifiant les propos de Me Duval de “vicieux.” Cependant, ses réponses aux questions de l’avocat ont, des fois, laissé plus d’un dubitatifs.

PEI exige le retour de la voiture D 1955

L’homme de loi de l’ex-Présidente de la République est revenu sur les circonstances dans lesquelles, après avoir démissionné temporairement de la Fonction publique et de la State House pour prendre de l’emploi au sein de Vango, une filiale du Groupe d’affaires d’Alvaro Sobrino (ASA), Dass Appadu a bénéficié d’une voiture de luxe, une Jaguar dont l’immatriculation D 1955 correspondait exactement à la première lettre de son prénom et à l’année de sa naissance.

Dass Appadu a dit avoir déjà expliqué à la commission d’enquête que “cette voiture, je n’ai jamais nié l’avoir utilisée, mais elle ne m’appartenait pas et a servi à véhiculer des responsables de l’Ong d’Alvaro Sobrinho, Planet Earth Institute (PEI) quand ces responsables se trouvaient dans le pays.” Effectivement, cette explication, Dass Appadu l’avait déjà fournie mais, dans le même sillage, il avait affirmé “n’avoir jamais réellement travaillé pour Vango parce qu’entre-temps, refroidi par des informations publiées sur Alvaro Sobrinho, j’avais renoncé à un poste qui m’avait été offert et préféré retourner dans le service civil.”

Dass Appadu a paru surpris quand Me Duval a déposé une correspondance que lui avait adressée la direction de Planet Earth Institute. Cette Ong lui avait intimé de retourner la Jaguar “parce que vous ne travaillez plus pour PEI.”
“La plaque d’immatriculation est une pure coïncidence. Je n’ai jamais nié avoir voyagé dans cette voiture avec d’autres membres de PEI. Je ne suis pas responsable de la manière dont PEI rédige ses correpondances”, a opposé Appadu comme parade.

La fille avait un emploi chez ASA Group

Me Duval s’est évertué à établir que Dass Appadu a beaucoup caché dans son affidavit. Par exemple, que sa propre fille a travaillé pour une compagnie de Sobrihno.
“Oui”, a concédé l’ex-secrétaire administratif de la State House, pour ensuite ajouter que “comptable qualifiée, elle avait fait une application. Je ne savais pas que c’était une compagnie faisant partie d’ASA Group. Elle n’est plus dans cette compagnie.” Dans la même foulée, Me Duval a fait avouer à Dass Appadoo qu’il connaît également un certain monsieur Rampadaruth. “Je l’ai aidé à postuler pour cet emploi.” Un aveu obtenu, toutefois, après un temps de réflexion.

Me Duval : Pourquoi n’avoir pas inclus ces informations dans l’affidavit?
Dass Appadu: J’ai répondu seulement qu’aux questions que m’avait posées l’ICAC”
Ameenah Gurib-Fakim, rappelons-le, a été forcée à la démission comme chef de l’État après qu’il fut révélé qu’elle avait utilisé la carte de crédit Platinium Card mise à sa disposition par Planet Earth Insititute. Cela, contre l’éthique.

Dass Appadu s’est beaucoup vanté d’avoir eu l’entière confiance d’Ameenah Gurib-Fakim du temps où il officiait à la State House, au point où cette dernière ignorait totalement tous les autres membres de son personnel pour ne s’en référer qu’à lui. Il avait aussi soutenu avoir accompagné l’ex-Présidente dans des missions à l’étranger.
Me Duval : L’aviez-vous mise en garde contre l’utilisation cette carte de crédit?
Dass Appadu : Je ne sais rien à propos de cette carte de crédit. J’ai lu cette histoire dans la presse.

Me Duval : Ne croyez-vous pas que c’était de votre devoir de savoir? Vous semblez choisir les choses dont vous gardez le souvenir.
Dass Appadu : Je ne suis pas au courant.

Aucune réserve sur Sobrinho

Me Duval a maintes fois reproché à Dass Appadu de n’avoir pas conseillé l’ex-Présidente de la République, comme l’exigeait son devoir de secrétaire administratif. Que ce soit pour les missions à l’étranger qu’elle pouvait accepter ou non, que ce soit pour les permis d’opération pour ses affaires dans le pays, ou encore, pour l’organisation de déjeuners privés à la State House réunissant l’homme d’affaires et des officiels d’institutions financières du pays.

Me Duval : vous avez vous-même dit à la commission d’enquête qu’à un moment, deux officiers de la Maubank étaient venus vous voir pour vous avertir au sujet de Sobrinho. En aviez-vous discuté avec la Présidente ?

Dass Appadu : Elle avait déjà des informations, notamment un jugement qui était favorable à Sobrinho.

Me Duval : Pourquoi n’en avez-vous pas fait mention dans votre affidavit?

Dass Appadu : Je n’ai pas inclu cette partie.

Me Duval : Vous-même vous n’aviez aucune réserve sur Sobrinho, alors? Aviez – vous conseillé à la Présidente de ne pas s’associer à Sobrinho?

Dass Appadu :  Je ne lui ai jamais donné de conseil. Je lui disais: voyez, c’est ce qu’on m’a dit sur Sobrinho. Je n’ai fait aucune vérification sur Sobrinho parce que je crois que les institutions financières l’avaient déjà faite.

Me Duval : Croyez-vous qu’un acte de corruption ait été commis à la State House?

Dass Appadu : Pas quand j’étais là-bas.

Après d’autres questions, Me Duval a fini par dire à Dass Appadu qu’il “déformait malicieusement la vérité.”

De son côté, Dass Appadu a répliqué que les attaques de l’avocat étaient “vicieuses”, ajoutant: “Ce n’est pas vrai”, en regardant en direction du président de la commission d’enquête.

Les travaux de la commission reprendront ce lundi après-midi.

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