COOPÉRATION — Maurice/Afrique du Sud : Quand deux géants régionaux unissent leurs forces

L’Afrique du Sud et Maurice sont deux “powerhouses” dans la région. S’ils optimisent leurs échanges et leur coopération, cela sera mutuellement bénéfique. Les deux puissances régionales affûtent leurs armes pour se projeter dans une nouvelle ère de coopération. Une délégation d’une trentaine d’hommes d’affaires sud-africains venant de la province du KwaZulu Natal était au pays cette semaine pour explorer les moyens de coopérer davantage avec les hommes d’affaires mauriciens et les possibilités d’accroître les échanges commerciaux entre nos deux pays.

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L’Intra Africa Trade Business Seminar, qui a réuni les businessmen de Maurice et d’Afrique du Sud, avait pour objectif de donner un coup de fouet aux relations d’affaires entre nos deux nations. Les perspectives de coopération sont immenses. Déjà, les échanges commerciaux entre les deux économies sont en hausse. Ils ont déjà dépassé la barre de USD 714 millions, soit une progression de presque 50% comparé à il y a 5 ans. L’Afrique du Sud est le troisième plus gros marché pour Maurice, que ce soit en termes d’exportation ou d’importation. Des signaux positifs émanent de ce marché. L’année dernière, les exportations totales vers l’Afrique du Sud ont augmenté de près de USD 27 millions, sachant que Maurice exporte essentiellement du prêt-à-porter vers ce marché. Les importations mauriciennes, elles, ont également progressé de quelque 57% comparé à il y a cinq ans, avec surtout l’achat de produits pétroliers.

Le bilan est également positif concernant les investissements directs étrangers, l’Afrique du Sud se positionnant là encore comme le troisième plus gros investisseur à Maurice, injectant en moyenne chaque année environ Rs 1,8 milliard dans des projets à Maurice, notamment dans le secteur immobilier. L’année dernière, ce pays a investi Rs 2,2 milliards dans l’économie locale.

Barlen Pillay, secrétaire général de la Chambre de commerce et d’industrie, explique que « notre partenariat avec l’Afrique du Sud est le plus important et le plus significatif de la région africaine ». Il rappelle que la Chambre a signé un Memorandum of Understanting avec la South African Chamber of Commerce & Industry en 2016. La coopération économique entre nos deux nations s’étend même sur le plan de l’arbitrage, avec un accord de coopération entre le MCCI Arbitration and Mediation Center (MARC) et l’Arbitration Foundation of Southern Africa (AFSA), de Johannesburg.

Que faire pour pousser la coopération encore plus loin ? Barlen Pillay formule on ne peut plus clairement les ambitions mauriciennes vis-à-vis de son partenaire régional : « Premièrement, nous aimerions voir une augmentation des exportations sur le marché sud-africain – notamment en termes de prêt-à-porter, mais également d’autres produits comme des produits alimentaires, des dispositifs médicaux ou de la peinture. Deuxièmement, nos efforts pour renforcer les investissements directs étrangers vers Maurice en provenance d’Afrique du Sud devraient être consolidés et renforcés dans des secteurs tels que le tourisme, l’industrie cinématographique, la fabrication, l’économie de la mer et le pôle de l’éducation. Troisièmement, il s’agit des ressources humaines et de la formation. Il est nécessaire que nos deux pays s’ouvrent aux talents pour s’engager dans le développement des compétences et le partage de connaissances. »

La province du Kwazulu Natal, en particulier, peut contribuer à traduire ces ambitions et attirer des entrepreneurs mauriciens, ou même faire naître des partenariats régionaux entre nos deux pays. Le KwaZulu Natal est la deuxième plus grande économie d’Afrique du Sud, contribuant à hauteur d’environ 16,4% au Produit intérieur brut sud-africain. Positionné comme un “economic & business hub”, cette province possède des atouts stratégiques non négligeables, abritant deux des ports sud-africains les plus grands et les plus actifs, soit Durban et Richards Bay. Le KwaZulu Natal est également un des champions de l’industrialisation. En outre, stratégiquement située le long de la côte est-africaine, la province représente un marché encore plus attrayant pour Maurice.

Mbali Magagula, chargée d’affaires à la haute commission sud-africaine, soutient : « Our two countries have acceded to the African Continental Free Trade Area (ACFTA) that will provide access to a market of more than 1,2 billion people combined with a GDP or more than USD 3,4 trillion. Stronger economic relations is a key goal for our bilateral relations with Mauritius. 54% of all goods imported from this region into South Africa originate from Mauritius. Our Government continues to pledge its firm commitment to cooperation with the government of Mauritius. » Mbali Magagula ne manque pas d’inviter les entrepreneurs mauriciens à venir explorer des secteurs porteurs dans son pays, comme le textile, l’automobile, le gaz et les produits chimiques, les énergies renouvelables, le tourisme, l’économie océanique, les mines et les industries high-tech. Elle évoque également les dix zones économiques spéciales (ZES), établies à travers l’Afrique du Sud, dont deux se trouvent dans la province du KwaZulu Natal : Dube Trade Port et Richards Bay.

Mbali Magagula souligne également les efforts du gouvernement sud-africain visant à stimuler la croissance et assurer la stabilité économique. « The quarterly growth figures of 3,1% in the period April-June this year are encouraging – and may suggest the green shoots of recovery for our economy. As a nation, we are resolute that we will not be defeated by challenges we face. » En effet, le géant économique voisin a vacillé avec une baisse abrupte de sa croissance au premier trimestre 2019, mais a rebondi avec un taux de 3,1% au deuxième trimestre. La Banque mondiale, elle, annonce une croissance de 0,8% pour 2019  et de 1% en 2020.

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Richard Robinson, Chairman – South African Chamber of Commerce & Industry (Mauritius) : « If you are going to buy goods, look at South Africa first »

Quelles sont les opportunités d’affaires qui existent entre le KwaZulu Natal et Maurice ?
A la Chambre de commerce et d’industrie, nous sommes très enthousiastes à l’effet que les hommes d’affaires du KwaZulu Natal soient venus en visite de prospection à Maurice. J’ai habité dans cette province, que je connais donc bien, et si je pouvais, j’y retournerais. C’est une province exceptionnelle, qui a un potentiel phénoménal. Le KwaZulu Natal est un important producteur, mais est aussi un paradis pour la faune. Il ressemble beaucoup à Maurice en termes de climat. D’ailleurs, beaucoup de Mauriciens s’y sont établis. Je pense qu’il y a un énorme potentiel pour les compagnies mauriciennes qui veulent faire du business, d’autant que c’est la province la plus facilement accessible pour Maurice par voie maritime. Les gens d’affaires mauriciens doivent considérer le KwaZulu Natal comme une source potentielle de revenus.

Et qu’en est-il des businessmen sud-africains du KwaZulu Natal ? Sont-ils intéressés par Maurice ?
Définitivement. D’ailleurs, plusieurs de ces entreprises, petites ou plus grandes, sont venues à Maurice justement parce qu’elles sont à la recherche d’opportunités et de partenariats régionaux. La plupart sont des entreprises manufacturières et veulent discuter avec les entrepreneurs mauriciens pour voir comment ils peuvent tirer des bénéfices mutuels en travaillant ensemble. D’ailleurs, les Sud-africains qui ont déjà lancé des projets à Maurice sont nombreux à venir du KwaZulu Natal. Par ailleurs, la Chambre de commerce France-Maurice a également exprimé son souhait de faire des affaires avec l’Afrique du Sud. Ce genre de forum, l’Intra Africa Trade Business Seminar, permet de mettre en relation tous ceux qui veulent faire du business ensemble.

Les exportations et importations entre l’Afrique du Sud et Maurice sont en hausse. Cette tendance va-t-elle se poursuivre dans les prochaines années ?
C’est certain. C’est logique même je dirais, puisque l’Afrique du Sud et Maurice sont des marchés tellement rapprochés qu’il ne peut en être autrement ! Nos deux pays ont signé des accords. Pourquoi iriez-vous développer des échanges commerciaux avec un pays qui est quatre fois plus loin que l’Afrique du Sud ? Cela vous coûtera quatre fois plus d’argent. L’Afrique du Sud produit tout ce que le reste du monde produit. So if you are going to buy goods, look at South Africa first as potential partner.

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Navin Dussoruth (Apex) : « Intérêt grandissant des “fund managers” sud-africains pour s’installer à Maurice »
Apex Fund Services faisait partie des entreprises mauriciennes ayant participé à l’Intra Africa Trade Business Seminar, qui s’est déroulé en présence d’une trentaine d’entrepreneurs sud-africains. Apex se définit comme une “global financial services organisation” mettant l’accent sur des niveaux de service-client élevés. Créée à l’origine aux Bermudes en 2003 par Peter Hughes, président et fondateur, Apex emploie aujourd’hui plus de 3 000 personnes dans 28 juridictions et gère des actifs d’environ USD 650 milliards. Apex fournit une gamme complète de services entourant ses “fund accounting services” de base, des “regulatory solutions” aux “middle office services”, couvrant toute la chaîne de valeur pour ses clients.

Pour Navin Dussoruth, Head of Private Equity & Risk Management chez Apex Fund Services, l’Afrique du Sud en général est un partenaire d’affaires qui gagne en importance pour Maurice, surtout depuis ces deux dernières années. « Pour nous, chez Apex Fund, nous avons voulu être présents à l’Intra Africa Trade Business Seminar parce que nous ciblons surtout les entrepreneurs sud-africains qui veulent étendre leurs opérations à travers le continent africain. Ils peuvent utiliser Maurice comme plateforme d’investissement en mettant sur pied une structure locale ou du “Global Business”. Chez Apex nous entrons en jeu pour créer ces structures et conseiller ces hommes d’affaires au niveau de la fiscalité et de la bonne gouvernance. Nous leur offrons le soutien nécessaire afin qu’ils opèrent dans le cadre légal requis. En passant par Maurice, ils peuvent aussi nouer une alliance stratégique avec une autre entreprise étrangère ou mauricienne. Il y a beaucoup de “joint-ventures” qui utilisent notre île pour investir en Afrique. Nous constatons aussi que lorsque certaines entreprises vont investir en Afrique, elles n’ont parfois pas accès aux financements voulus. C’est pour cela qu’il y a pas mal de “fund managers” sud-africains qui ont élu domicile à Maurice. Ils gèrent des fonds de “capital-investissement” qui financent des projets destinés à l’Afrique. Il y a un intérêt grandissant de la part des “fund managers” pour s’installer à Maurice. Les entrepreneurs sud-africains qui veulent étendre leurs opérations ailleurs ne sont pas des financiers, donc ils ont besoin de ces “fund managers” et aussi d’une plateforme pour structurer leurs investissements. L’accès aux financements se fait grâce à ces fonds de capital-investissement gérés par les “fund managers”. En tant qu’administrateur des fonds de capital-investissement, nous agissons indépendamment entre les parties prenantes mentionnées pour s’assurer du bon fonctionnement de ces entités tout en respectant la loi. »

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