Coronavirus : la cote d’alerte avec mars en point de mire

L’Italie et la Chine, sous le coup d’une interdiction, représentent 10% du marché touristique mauricien, avec un potentiel de 100 000 touristes et le Chinois de loin le plus dépensier, soit Rs 56 200 par séjour

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Des risques de “Cargo Delays” à Port-Louis des importations de Chine, devenue la principale source d’approvisionement de Maurice, soit une facture d’importation de Rs 31,8 milliards

MK, qui ne cache pas “having already taken a hit” avec l’annulation des vols en Chine et à Hong Kong, préfère attendre la fin de l’exercice financier en mars pour quantifier l’impact

La fin de février constitue un coup dur pour ceux au sein de l’industrie touristique et leurs alliés dans le monde feutré de la Com qui se faisaient les prophètes de la résilience de l’Hospitality Sector face à l’épidémie de coronavirus (Covid-19). Trois développements ont eu lieu quasiment en même temps ce vendredi, confirmant la réputation du Covid-19 comme étant le Virus Sans Frontières (VSF). D’abord à Maurice, la cellule de crise, présidée par le Premier ministre, Pravind Jugnauth, a entériné la décision d’étendre l’interdiction de séjour aux habitants de tout le territoire italien alors que jusqu’à tout récemment, elle n’était appliquée qu’au Nord de l’Italie. Ensuite, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) a porté à “très élevé” le niveau de la menace liée au nouveau coronavirus. Finalement, la flèche du Parthe est venue sous la forme de l’annulation du Salon du Tourisme de l’ITB à Berlin, le rendez-vous du gotha mondial du Travel and Tourism Trade, de ce début de mars.

La conjugaison de ces différents facteurs fait qu’à l’Hôtel du gouvernement, aux QG des Majors de l’hôtellerie ou encore des entités dans la filière des réceptifs à Maurice, l’on concède que “times are hard ahead”. Les effets de la propagation de l’épidémie de coronavirus ne touchent pas que le tourisme, mais également le front du commerce international. La République populaire de Chine est le principal marché d’approvisionnement de Maurice avec une facture d’importations s’élevant à Rs 31,8 milliards, que ce soit des produits finis ou des matières premières pour le textile. Une Core Team, constituée au ministère des Finances, avec des représentants de la Banque de Maurice, de la Mauritius Revenue Authority et de Statistics Mauritius, multiplie les consultations, vu que l’intérêt dépasse le cadre des importations pour s’afficher au tableau des recettes fiscales en cas de baisse du volume et de la valeur des importations.

Dans un premier temps, avec la découverte de l’épidémie à la fin de décembre dans la province de Wuhan en Chine, le scénario privilégié se résumait au fait que “the virus is going to be contained by the end of March 2020”, signalant un nouveau départ sur le plan économique à partir du deuxième trimestre. Toutefois, les dernières tendances après la prolifération des cas dans d’autres pays, dont l’Italie se transformant en un foyer au sein de l’Europe et les premiers cas en Afrique subsaharienne et en Amérique latine, démontrent que l’échéance de fin mars ne rapportera pas les résultats escomptés en termes de lutte contre le coronavirus.

A Maurice, l’interdiction de séjour de ressortissants italiens, et le dernier vol d’Alitalia à destination du Sir Seewoosagur Ramgoolam International Airport, hier, l’ensemble de l’industrie touristique se heurte à une équation quasi insoluble. Le marché italien se décline avec un peu plus de 40 000 touristes chaque année, soit sensiblement un nombre similaire de visiteurs de Chine, même s’il y a cinq ans de cela, quelque 90 000 Chinois faisaient le choix de Maurice en tant que destination touristique.

Ainsi, un manque à gagner de 10% en termes de nombre de visiteurs pour 2020 est à prévoir avec l’interdiction imposée à l’Italie et à la Chine. Force est de constater que les répercussions pourraient être plus conséquentes, car le touriste chinois est considéré comme étant la plus dépensière avec quelque Rs 56 200 par séjour, soit 15% de plus que les touristes venant d’autres pays. L’année dernière, les recettes générées par les touristes venant de la République populaire de Chine étaient de Rs 2,4 milliards sur un total de Rs 65 milliards.

Après l’annulation des vols d’Air Mauritius vers la Chine et Hong Kong depuis janvier, le manque à gagner pour l’économie pour le premier trimestre est estimé provisoirement à Rs 650 millions. A cela, il faudra ajouter un peu plus de Rs 310 millions de “further net loss” dans le silage des annulations en provenance d’autres marchés depuis le début de l’année.

Un Cabin Crew seulement

Ces prévisions jugées quelque peu optimistes de Rs 1 milliard pourraient être révisées à la hausse avec la détérioration notable enregistrée sur la progression du Virus Sans Frontières en ce début de mars. Un worst-case scenario établi au cas où l’épidémie continue de faire des ravages dans le monde n’écarte pas la possibilité que “the number of tourist arrivals from China and Hong Kong would fall drastically during the year and tourism earnings could be lower by as much as Rs 2,4 billion in 2020”. Les analyses des Finances sous ce scénario catastrophe attirent l’attention sur le fait que “the loss in tourism earnings for 2020 from the rest of the world would be around Rs 1,3 billion”. Mais ce dernier détail a été arrêté avant la décision adoptée vendredi par la cellule de crise sur le coronavirus à l’effet qu’“aucun passager étranger venant de, ou ayant séjourné en Italie au cours de ces 14 derniers jours, ne sera autorisé à entrer sur le territoire mauricien”. Alitalia, qui devait assurer la liaison aérienne entre les deux pays jusqu’au 28 mars prochain, a effectué son dernier vol hier en vue de garantir la sécurité et la santé publiques.

Ainsi, le courrier d’Alitalia a atterri hier après-midi à Plaisance, avec un Cabin Crew seulement et sans aucun passager en vue d’embarquer des touristes devant rentrer en Italie. “En principe, c’était le dernier vol d’Alitalia alors que ces fréquences devaient être assurées jusqu’au 28 mars. Il n’est pas exclu que d’autres vols soient organisés exclusivement pour rapatrier d’autres ressortissants italiens”, fait-on comprendre dans les milieux concernés.

Contrairement à l’annulation de la desserte sur la Chine et Hong Kong, où la compagnie aérienne nationale Air Mauritius, “having already taken a hit”, préfère attendre la fin de l’exercice financier du 31 mars pour dresser le bilan des profits et pertes, la situation par rapport à l’Italie ne constitue pas de gros risques opérationnels pour elles. Le problème se fait davantage sentir du côté des hôteliers, appelés à ajuster leur stratégie de marketing et prendre des mesures pour atténuer les annulations de réservation.

“Le marché touristique italien est davantage ‘buoyant’ au cours des mois de novembre à mars, soit la période hivernale avec une moyenne de deux visiteurs italiens sur trois. Mais il y a quand même un peu moins de 15000 autres pour le reste de l’année. Les stratèges des groupes hôteliers travaillent sur des plans alternatifs. Néanmoins, l’annulation du Salon de Berlin est venue tout remettre en question. It’s a very big blow to the travel and tourism trade. L’ITB devait permettre aux Players, petits et grands, de prendre le pouls de ce secteur pour les campagnes de promotion et de conclure des «Contracting».

Malheureusement, tel ne sera pas le cas cette année”, confie-t-on tout en évitant de confirmer ou d’infirmer à ce stade si le préjudice du coronavirus au tourisme mauricien pouvait être supérieur aux premières estimations de Rs 3,7 milliards.

Tarifs promotionnels : presque du jamais-vu

Dans la conjoncture, des consultations ont été initiées par l’Hôtel du gouvernement avec Business Mauritius, la Chambre de Commerce et d’Industrie et de l’Association des Hôtels et Restaurants de l’île Maurice pour dégager un plan d’action en misant sur une exploitation plus agressive des marchés touristiques régionaux pour combler le déficit potentiel avec les annulations.

Lors d’une séance de travail présidée par le ministre des Finances Renganaden Padayachy jeudi, le gouvernement a signifié son intention de “travailler sur les pistes du marketing et de la promotion touristiques dans la région en vue de préserver la compétitivité de la destination”. Air Mauritius pourrait être embrigadée avec des tarifs promotionnels dans la région, notamment à partir de La Réunion.

En prévision de la prochaine période de pointe pour les vacances de Pâques, les groupes hôteliers proposent des tarifs promotionnels, s’apparentant à presque du jamais-vu pour stimuler la demande et maintenir le niveau d’activités. A moyen terme, le marché saoudien est présenté comme une option exploitable, la question ayant été abordée avec le ministre du Tourisme saoudien, Ahmed Al Khateeb. Dans cette perspective, l’Economic Development Board (EDB), de concert avec l’ambassadeur mauricien en Arabie saoudite, Showkutally Soodhun, met au point un Roadshow à la fin de ce mois avec la participation des opérateurs touristiques et hôteliers et autres Stakeholders du secteur.

Au chapitre des échanges commerciaux, avec des importations de Rs 24 milliards pour la période de janvier à septembre de l’année dernière et de Rs 31,8 milliards en 2018, la République populaire de Chine se présente comme incontournable. Toute réduction du volume et de la valeur des importations de ce pays pourrait générer des effets néfastes sur le montant des recettes fiscales. D’où le Monitoring quotidien assuré par la Core Team du ministère des Finances.

Le Trade Matrix établi permet de mieux appréhender l’évolution avec l’épidémie de coronavirus, vu les risques de “cargo delays in view of slower port operations and confusion regarding new test procedures by the Mauritius Revenue Authority and the Mauritian Standard Bureau for equipment”. La Mauritius Ports Authority se voit confier pour mission de “monitor shipment times and delays from China” dans la perspective d’adopter des mesures correctives en cas de détérioration de la situation.
Étudier la situation sur un Case to Case Basis

“The continued lockdown in China could have a major impact on supply chain operations and industrial production throughout China across industries such as automotive, pharmaceutical and medical supplies, and high-tech manufacturing for optoelectronics and semiconductors”, souligne-t-on dans les milieux autorisés.

L’interdiction d’importation imposée sur des “live animals and fish”, des produits de la mer surgelés ou séchés, de la viande, de la laine et autres Animal Feeds devrait générer des chambardements sur le marché. Les autorités, qui craignent des risques de pénuries et de majoration de prix, envisagent d’étudier la situation sur un Case to Case Basis en vue d’intervenir si le besoin se fait sentir.

Les importations de matières premières pour le secteur textile, plus particulièrement des Yarn and Fabrics for industries sont de l’ordre de Rs 4,5 milliards annuellement. Même si les risques de contamination sont considérés comme étant “almost nil for textiles and clothing”, le problème surgit par rapport aux délais de fabrication en Chine. Ainsi, la Mauritius Export Authority (MEXA) devra établir un audit du stock des matières premières pour le textile de même que des “price differentials from alternate sources for wool and yarn”.

“’If the virus is not contained by end of March and should the situation persist, local industries would have to rely more on alternative input sources, and most likely at a higher price than the current quality-cost combination”, note un document de travail, faisant état d’une “indicative increase of Rs 420 million in the cost of inputs” pour cette année. Par contre, lors de la réunion de jeudi, Business Mauritius a estimé les coûts additionnels des intrants à la production à Rs 250 millions à titre indicatif. Pour sa part, l’unique opérateur utilisant de la laine importée de Chine sous interdiction, déclare pouvoir disposer de stock nécessaire pour ses commandes.

En contrepartie, l’Economic Development Board, travaillant en collaboration avec la MEXA, se prépare à positionner le secteur textile de Maurice “to capture a share of Chinese textiles and apparel export market in view of the current disruptions in the production and delivery capabilities of China”. Dans cette perspective, un budget initial de Rs 15 millions a été identifié au titre de “business intelligence and agility in export promotion”, pour concrétiser ce projet des plus ambitieux.

L’un des rares aspects positifs avec la prolifération du Virus Sans Frontières se signale par une baisse du cours mondial du pétrole, soit le Brent s’affichant sous la barre des 50 dollars US le baril, soit le niveau le plus bas depuis fin 2018. L’Agence France Presse soulignait vendredi à cet effet que “les  prix du pétrole, touchés de plein fouet par une certaine panique face à la propagation du coronavirus, ont encaissé cette semaine leur plus importante chute hebdomadaire depuis 2008 à New York, depuis 2016 à Londres”.

A Maurice, la question qui se pose est si Air Mauritius pourra profiter de cette aubaine même si à l’Hôtel du gouvernement l’on croit savoir que “the downward pressure of oil prices resulting from the outbreak of the virus might positively impact on the operations of Air Mauritius”. Toutefois, au sein de la compagnie aérienne, l’on répond qu’il faudra tenir en ligne de compte les taux de change de l’euro et du dollar américain.
Par contre, au siège du Central Electricity Board, l’on se veut discret quant aux retombées positives sur le plan du bilan financier de la baisse du prix du pétrole avec les tarifs d’électricité maintenus à leurs niveaux actuels.

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