COVID-19 – Avec pour mot d’ordre « nou ankor an konfinman » : La reprise en mode « tik-tike » dans la capitale

Le retour au folklore des « marsan dalpuri » du coin après trois semaines d’« abstinence »

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Ce premier jour de ce que l’Hôtel du Gouvernement présente comme une reprise graduelle des activités s’est déroulé sous le signe quasi-confinement dans la capitale. Hier, les rues de Port-Louis étaient presque désertes, même si certains commerçants ont osé lever leurs rideaux de fer. Certes, des boîtes, comme Mauritius Telecom ou les concessionnaires de chaînes satellitaires de même que les agences de sociétés de crédit-bail, ou encore les bureaux du Central Electricity Board (CEB) voyaient des files de clients s’aligner en vue de régler leurs factures. Fin de mois oblige ! Il faudra ajouter au paysage la présence folklorique des marchands de ‘dalpuri’ à la grande joie des consommateurs, privés de ce plaisir depuis trois semaines déjà. Mais en tout cas, le cœur n’était pas à la reprise, et encore moins à la consommation, celle-ci effrénée à la veille du week-end pascal, où les œufs de Pâques auraient dû s’afficher en première ligne des étagères.
Parmi les rares commerçants qui avaient ouvert leurs portes hier, la plupart, avec les volets mi-clos ou « dan baro », n’avaient toujours pas obtenu le Work Access Permit (WAP). Ils ont choisi de ‘tik-tike’ et d’accueillir les clients, « parski nou tom dan kategori gouvernman inn dir kapav ouver ». Mais ils avouent que c’est « un véritable cafouillage ». Ils poursuivent : « Jusqu’aujourd’hui, nous ne savons pas si nous allons obtenir le WAP ou pas. Pourtant, la demande a été faite depuis l’annonce que certains commerces pourraient ouvrir à partir du 1er avril. Kifer pe fer nou atann ? Eski pou gagne pa pou gagne ? Se enn kas-tet. Me nou pe bizin travay pou nou swagn nou fami. » Et, pour cette première journée, disent-ils, les clients n’étaient pas vraiment au rendez-vous. Mais ils ne voulaient pas rater l’occasion de marquer leur présence, surtout en ces temps difficiles.
Par contre, des enseignes comme Mc Donald ou Woolworth, qui avaient annoncé à leurs clients, la veille, leur réouverture sur les réseaux sociaux ou par messages privés, ont dû revoir leur réouverture faute du sésame, le WAP pour les membres de leur personnel. Ajoutant du même coup, une allure de dimanche après-midi à la capitale. Si quelques fonctionnaires et de rares employés du secteur privé étaient dans les rues de Port-Louis hier, les passants étaient plutôt rares. Sauf aux abords des supermarchés et de ces enseignes ouverts pour le règlement des factures. Et tous voulaient faire ‘vit-vit’ en vue de limiter les risques de contamination à la COVID-19.
Mais l’anxiété pouvait se lire sur le visage de ces commerçants, du fait qu’ils n’avaient pas encore obtenu de WAP. « Kazernn pre lamem. Ninport ki ler nou kapav gagn lapolis », disent-ils. C’est pourquoi, la plupart d’entre eux ont choisi d’ouvrir « dan baro » ou à volets mi-clos. « Pa nou fot si nou pann gagn WAP. Gouvernman inn dir nou travay, me li ki pa finn donn permi ziska ler », déplorent-ils. Et d’ajouter que « se enn gro kafouyaz, nou mem nou pa pe konpran ».
Riaz Momahadally, habitant de Notre Dame et gérant de AFR Fashion & Design, indique que, depuis plusieurs jours, il a entamé les procédures pour l’obtention du WAP pour les sept employés qui travaillent dans les trois boutiques qu’il gère dans la capitale. « En vain. Pas de réponse jusqu’aujourd’hui », dit-il. Tout de même, il a fait le déplacement dans la capitale ce jeudi, « pour rafraîchir les boutiques et faire un grand nettoyage et installer des stickers pour le Social Distancing et mettre à disposition les sanitizers … Nous devons nous préparer à rouvrir n’importe quand, aussitôt le WAP obtenu, si le gouvernement se décide vraiment. Surtout que même à volets demi-clos, ena dimounn pe rod rantre pou aster », dit-il, en ajoutant que « pa pe konpran ki gouvernman pa rod fer. »
Plus loin, un opérateur dans le domaine alimentaire, avec devant lui cinq clients à la file indienne, dont deux employés du Transport, se désole d’avoir à opérer sans le WAP. Il se permet de demander si « enn sa bann misie komite Covid-la, dime so vant vid, li pas devan mwa, li pou reflesi ki so let alfabet pou li aste manze take away ? »
Atma, employé d’un ministère, s’est aventuré à marcher dans les rues de la capitale. Cela, après trois semaines, alors qu’il vient chaque jour au bureau depuis le Lockdown. Pour cause, il avait un achat important à faire. Depuis quelques jours, confie-t-il, il rencontre des problèmes avec sa clé de voiture. Avec l’annonce de l’ouverture des magasins, il a profité pour s’acheter des batteries qu’on ne trouve pas en supermarché, dit-il.
Mais le magasin où il s’est arrêté pour s’approvisionner est « ouvert-fermé ». Les gérants, guettant la police, servent les clients à travers les barreaux. Eux non plus n’ont pas obtenu de WAP pour pouvoir opérer. Mais « ki pou fer, inn dir kapav ouver, nou pe seye. »
L’ambiance est beaucoup moins pesante, rue la Reine, compte tenu du va-et-vient incessant de voitures et de motocyclettes malgré la fermeture du Bazar de Port-Louis. Les policiers, qui veillent au grain aux abords des supermarchés et autres petits commerces, se montrent néanmoins intransigeants en ce qui concerne la consigne d’accès par ordre alphabétique.
Le gérant du supermarché Queen Trading, Mahen Pooloovadoo dit comprendre la démarche des policiers. « Ils doivent faire respecter les règles même si j’aurais préféré pouvoir accueillir tout le monde dans mon petit commerce. »  Contrairement à d’autres enseignes de rue la Reine, le supermarché Queen Trading est resté ouvert depuis le début du confinement. « Certes, les affaires sont dans le rouge, mais j’ai la chance de disposer du WAP qui m’a permis d’ouvrir mon commerce depuis le 13 mars. Nous vivons des moments difficiles qui, je l’espère, ne dureront pas éternellement », dit-il.
Au Caudan Waterfront, une boutique souvenir seulement était ouverte à 11h. Part contre à La Chaussée, aux abords du supermarché Winners, l’ambiance contraste avec le mood morose. Des chauffeurs de taxi opérant à la rue Sir Célicourt Antelme sont regroupés et attendent les clients à la sortie du supermarché.
Fazil et son collègue Pascal se racontent des anecdotes pour tuer le temps. Sauf que derrière leurs sourires, se cache en réalité l’inquiétude avec la reconduction du confinement.  « On préfère ne pas discuter entre nous du calvaire qu’on vit depuis un an et qui n’est pas prêt de s’arrêter. À quoi bon s’apitoyer sur notre sort. Bizin zis fer en sort ki nou fami gagn enn bouse manze tou le zour ek enn toit pou viv », lâche Fazil.
Après presque un mois de confinement total, les deux taximen pensaient que ce 1er avril allait leur permettre de reprendre du poil de la bête, surtout avec la double perspective de la fin du mois et du week-end de Pâques. Il n’en a rien été. « Il y a un léger mieux, mais pour vous dire franchement, on n’a pas le moral en ce moment, car on a fait beaucoup de sacrifices qui je le regrette ne porteront peut-être jamais leurs fruits », poursuit-il.
« La Covid-19 a enfoncé le clou », dit Patrick C…, le gérant de la tabagie Saint Joseph, sise en face de l’ancienne gare Victoria et qui a laissé place au chantier du Victoria Urban Terminal depuis des mois et des mois déjà. Assis sur un tabouret, derrière son comptoir, Patrick C… a du mal à cacher son agacement.
« Je suis dans le flou total, car je ne dispose toujours pas de WAP malgré avoir entamé des démarches depuis une semaine alors que mon commerce, qui bat de l’aile, est resté fermé depuis trois semaines. Le gouvernement sait pertinemment bien que la destruction de la gare nous cause un préjudice financier conséquent, or rien n’est fait pour nous soulager », dit-il.
Sur un ton ironique, Patrick C… ajoute : « Gran mersi mo vann sigaret. Depi gramatin sa mem mo pe resi vande. Kapav krwar enn pwason davril sa ! » Ce qui en dit long sur le l’état d’esprit de ces commerçants, qui seront, dans les jours à venir, de nouveau confrontés au bruit des engins de chantier et à la poussière.

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« Mo ti krwar tou magazin ouver »

Izzy, un habitant de Ste-Croix, a sauté sur l’occasion pour se rendre ce jeudi à Port-Louis afin de faire l’acquisition d’un rice-cooker. « Mo ti kwar bann magazin ouver. Sa mem zot ti dir. Me enn sel monn trouve », dit-il. Heureusement, car il a pu acheter l’appareil, car depuis le confinement, dit-il, sa famille est contrainte de faire cuire le riz sur le gaz. « Et cela a un coût », dit le jeune homme.
San Lingum est employé à Rose-Hill Transport. Entre deux trajets, il est venu s’approvisionner auprès d’un snack qui, en dépit du fait de ne pas avoir de WAP, a ouvert ses portes. Depuis le confinement, dit-il, il travaillait deux fois par semaine. Mais avec la reprise, surtout depuis la tenue des examens, le roster a été modifié et il travaillera cinq jours par semaine. Ce qui n’est pas plus mal. Il est content de retrouver, même minime, un peu de vie dans la capitale. « Ces derniers temps, j’apportais ma nourriture. Les routes étaient vraiment désertes. Mais aujourd’hui, je me permets un petit plus auprès de ce marchand que je connais bien. C’est bon de retrouver des visages connus », dit-il.

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