COVID-19 – EXPÉREINCE VÉCUE : Parcours du combattant pour le WAP des garde-malades

C’est trépidant d’impatience que Josée attendait l’arrivée de sa sœur, Bernardine. Toutes deux avaient, la veille, enfin obtenu leur Work Access Permit (WAP) après une semaine d’attente. Ce qui a permis à Bernardine de passer les frontières de la zone rouge et de parvenir à Forest-Side, où les deux sœurs s’occupent comme dame de compagnie de deux personnes âgées. Bernardine peut désormais relayer sa sœur, Josée, sur leur lieu de travail, et lui permettre de rentrer chez elle, après une semaine bloquée chez son employeur, loin de sa famille. Et pour cause, puisque son patron aura eu toutes les peines du monde à se faire octroyer le WAP, à un point tel que ce dernier avait d’ailleurs préparé une lettre qu’il envisageait d’envoyer au Premier ministre, et dans laquelle il se plaignait de la lenteur à obtenir des WAP pour des garde-malades de personnes âgées ou souffrantes.

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Comme ses deux autres sœurs, Bernardine et Arlette, Josée est employée de maison et garde-malade à Forest-Side pour deux personnes âgées, comptant plus de 180 ans. Elles s’occupent d’un centenaire et de sa fille, de plus de 80 ans, pour qui elles font le ménage, les provisions, les repas, et à qui elles administrent aussi des soins médicaux. Chaque soeur passe deux nuits au chevet du papa et de sa fille, en attendant que l’une d’elles relaye l’autre, selon un calendrier de travail perpétuel. Cependant, plus de deux nuits chez ses patrons, Josée ne l’avait jamais fait. Surtout qu’elle a sa famille, dont un époux malade, qui compte sur elle.
Sauf que le confinement est passé par là, l’obligeant, cette fois, à passer une semaine loin de ses proches. D’autant qu’elle était « strictly locked down », du fait d’une part qu’elle travaille à Forest-Side et, d’autre part, qu’elle habite La Caverne, deux localités situées dans la zone rouge.

« Mon dieu quel calvaire ! »

En cause : les démarches de son employeur, Gérard, pour l’obtention de son WAP, comme ceux de ses soeurs, se sont révélées un véritable parcours du combattant. Pourtant, raconte l’employeur, comme dans le cas du premier confinement, il a entamé les démarches pour ses employés, dont un chauffeur également, dès l’annonce du confinement. « Du fait que j’habite très loin de Forest-Side, j’ai besoin de ce personnel pour s’occuper de mon père, qui a plus de 100 ans, et de ma sœur, âgée de 80 ans passés. Mon père, qui ne peut se déplacer qu’en chaise roulante, nécessite des soins constants, et vu l’âge de ma soeur, je ne peux pas les laisser livrés à eux-mêmes », explique l’employeur. « C’est pourquoi, immédiatement après l’annonce du lockdown, j’ai entamé des démarches pour le WAP pour deux femmes qui habitent La Caverne et pour un chauffeur de Curepipe. Pour la 3e employée, j’ai préféré ne pas demander de permis, car elle habite un village du sud. Je n’allais pas la faire entrer dans la zone rouge. Mais pour les autres, la circulation en zone interne peut se faire. Mais mon Dieu, quel calvaire ! » poursuit Gérard, désabusé.
Il aura fallu attendre une semaine pour qu’enfin sa demande soit agréée, et ce, après d’interminables démarches et après avoir vainement frappé à plusieurs portes. Désespéré, il a même écrit une lettre au Premier ministre, Pravind Jugnauth, qu’il n’a cependant pas eu à envoyer, sa demande de WAP ayant finalement été acceptée, grâce à l’aide de personnes interposées.
L’année dernière, pourtant, le périple n’avait pas été aussi difficile, se souvient-il. Cette fois, pour des raisons inconnues, toutes les portes auxquelles il avait frappé, dont celles mentionnées par les communicants du National Covid Committee à la télé chaque soir, n’étaient pas les bonnes. « Ou alors, les officiers ne savaient même pas ce qu’il fallait faire », dit cet habitant de l’ouest, qui vit à plusieurs kilomètres de Forest-Side.
Très embêté du fait qu’une de ses employées était contrainte de travailler depuis une semaine, car ne pouvant en effet rentrer chez elle, faute de WAP et de transport, et que, parallèlement, la sœur de cette dernière, qui pouvait la relever de ses fonctions, ne pouvait, elle aussi, se déplacer, pour les mêmes raisons, il a alors décidé, hier matin, de se tourner vers le bureau du Premier ministre et d’écrire une lettre à Pravind Jugnauth. Sauf qu’entre-temps, donc, sa demande de permis a finalement été agréée à la mi-journée hier. Un véritable soulagement pour lui, mais aussi pour sa famille et ses employés. Il regrette néanmoins que sans l’aide de personnes bien intentionnées, et qu’il remercie au passage, il serait « sans doute toujours en train d’attendre ».

Un minimum de service exigé

« Ce n’est tout de même pas normal ! Il y a sans doute d’autres personnes qui sont aussi dans la même situation que moi, et elles ne connaissent pas forcément quelqu’un qui peut accélérer les choses. Comment les autorités peuvent nous dire de contacter tel ou tel numéro et de faire telle ou telle démarche si personne ne répond au téléphone ou si les officiers ne savent ni quoi faire, ni quoi répondre. C’est par nécessité que nous faisons la demande d’un WAP. Il faudrait un minimum de service », s’insurge Gérard, qui ne cache pas son amertume.
Pour sa part, Josée se dit, elle, soulagée. « Surtout pour le moral », dit-elle. Enfin cet après-midi elle pourra voir sa famille et se reposer un peu. Ces sept derniers jours n’auront en effet pas été faciles, raconte-t-elle. « J’ai pris mon service lundi dernier, en fin d’après-midi. Comme d’habitude, j’ai apporté mes affaires personnelles pour rester au chevet de mes patrons pour deux nuits. Pa ti atan pou ena lockdown. » Et voilà donc que mardi soir, la nouvelle tombe : le pays est en confinement total. « Je savais qu’il y avait des cas locaux, mais je ne pensais pas que nous irions cette année encore en confinement. Je n’étais pas préparée pour démarrer ainsi le confinement », ajoute Josée, aujourd’hui enfin libérée.
L’année dernière également, elle venait de prendre son service lorsque le confinement avait été décrété. Sauf qu’elle avait alors pu rentrer chez elle, car les autobus roulaient. Sans compter que ses soeurs et elles avaient obtenu leur WAP. Cette fois, les choses sont plus compliquées, son lieu de travail se trouvant à Forest-Side, et son domicile à La Caverne, Vacoas, tous deux dans la zone rouge, donc. Sans compter qu’en plus d’être dépourvue de moyens, elle ne pouvait quitter les personnes âgées dont elle a la garde et qui ne peuvent, en aucun cas, être livrées à elles-mêmes.

Indispensable pour ces personnes vulnérables

« J’ai pris sur moi et j’ai fait preuve de patience, car je savais que dans la conjoncture, j’étais indispensable pour mes patrons, vulnérables à cause de leur âge avancé. En même temps, il m’était difficile d’être loin de ma famille dans un tel contexte. Heureusement, j’ai de bons patrons, et ces quelques jours de plus à leur domicile n’ont pas été trop pénibles. C’est surtout le moral qui en prend un coup dans ce genre de situation », dit Josée.
D’autant que, comble de malchance, elle avait oublié son téléphone cellulaire à la maison lundi dernier. Pas moyen donc d’entrer en contact régulier avec ses proches, si ce n’est qu’à travers le téléphone fixe de la maison où elle travaille. « Me pa kapav abuze. Enn kout mo telefon kot mwa parski mo trakase. Heureusement, tout le monde se portait bien ! » dit-elle, heureuse de pouvoir enfin rentrer chez elle, et de rassurer ses proches. Tout cela pour un permis d’accès au travail…

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