COVID-19 — Face à la sourde oreille du GM : Grincements de dents des dentistes du privé

Leur manque à gagner est jugé considérable depuis que la pandémie de COVID-19 s’est emparée de Maurice. Soucieux des recommandations internationales, les dentistes mauriciens opérant dans le privé font face à de nombreuses difficultés. Non seulement travaillent-ils uniquement sur rendez-vous en cas d’urgence, mais ils sont confrontés à un manque accru d’équipements de protection. Les prix auxquels ils étaient livrés leurs équipements ont triplé. Une situation sans précédent provoquant de véritables grincements de dents dans la profession, et les patients ne pouvant par là même afficher un joli sourire…

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La situation qu’elle vit depuis que le pays est en confinement est unique pour cette jeune chirurgienne-dentiste, qui opère un cabinet situé dans le Nord du pays. « Suite aux recommandations obtenues des pays où les premiers cas ont été recensés, on nous a demandé de ne pas consulter les patients pour les traitements de routine étant donné que le virus se propage par les gouttelettes et par aérosol. Les dentistes sont les plus exposés au Virus Sans Frontières au vu des instruments que nous utilisons », explique-t-elle pour démontrer ainsi la vulnérabilité des dentistes. Selon elle, la plupart des dentistes issus des pays – où les premiers cas de COVID-19 ont été enregistrés – ont recommandé de fermer les cabinets dentaires. Or, depuis qu’elle a interrompu ses consultations, les clients ne cessent de l’appeler pour leurs problèmes dentaires. « Avec le confinement, les dentistes ne travaillent plus comme cela était le cas auparavant. Nous travaillons uniquement sur rendez-vous », confie cette dentiste qui fait aussi partie de l’Association of Dental Professionals.
Mais pour qu’elle puisse recevoir ses clients pour des traitements, elle dit éprouver des difficultés à se procurer des équipements de protection individuelle. Pour elle, depuis le confinement tout a changé. « Nous n’avions aucun problème à obtenir nos commandes auparavant. Aujourd’hui, le stock est presque à l’épuisement et les prix auxquels ces équipements sont vendus sont devenus exorbitants », déplore-t-elle. Pour le prouver, elle avance que le prix des masques, à Rs 300 la boîte auparavant, se vend aujourd’hui à plus de Rs 1 000. « C’est très difficile pour nous de travailler. Comment pourrions-nous commencer à travailler dans de telles conditions après le déconfinement ? » se demande-t-elle.

Pour cette professionnelle, les dentistes du privé sont mis à l’écart par rapport à ceux du gouvernement. Elle fait ressortir que de nouveaux équipements de protection sont mis sur le marché pour désinfecter les cabinets dentaires et espère que ceux-ci pourront être mis à la disposition des dentistes du privé. Alors que le déconfinement est pour début mai, elle soutient pouvoir redémarrer ses activités à condition qu’elle puisse avoir accès à des équipements de protection appropriés pour le faire. Le manque à gagner durant cette période de confinement est aussi conséquent. La situation qu’elle vit est une première pour cette chirurgienne-dentiste. Ayant ouvert son cabinet depuis peu, elle voit son chiffre d’affaires chuter de 75%. Elle s’interroge sur la situation de ceux qui viennent de démarrer dans la profession avec des salaires des employés à assurer.

Depuis que la pandémie a atterri sur le sol mauricien, une réunion s’était tenue entre les associations des dentistes à Maurice et le ministère de la Santé. La recommandation était de traiter uniquement les cas urgents étant donné qu’il est crucial de prendre les précautions appropriées. Mais il ressort que ces équipements ne sont pas en quantité suffisante pour les dentistes, d’où le fait que plusieurs d’entre eux ont préféré fermer leurs cabinets. Certains ont travaillé par téléphone pour leur diagnostic. D’autres ont fait des prescriptions par Internet.

« Notre situation est catastrophique et personne ne nous écoute », soutient Dr Keeyran Ramdhany, le secrétaire général de la Mauritius Dental Association. D’ailleurs, pour faire entendre ces doléances, il avance qu’une lettre a été envoyée au Dental Council de Maurice mais la situation n’a pas bougé d’un iota jusqu’à présent.

En cette période de confinement, les dentistes de cette association ont voulu demander la mise en place des cabinets de garde pour qu’ils puissent poursuivre leurs activités. La raison serait d’accorder davantage de protection aux dentistes étant donné que leur cabinet n’offre pas autant de sécurité et d’autres opèrent à leur guise. « Ces cabinets de garde sont présents à La Réunion et sont opérés par deux dentistes. Les protocoles pour son opération sont bien établis et contrôlés », explique-t-on.

L’urgence pour ces équipements de protection individuelle fait que les dentistes du privé ont dû faire appel au gouvernement tout en dénonçant un esprit mercantiliste, les importateurs préférant réserver leurs importations pour la livraison au service public de santé.

Face à une telle situation, le Dr Keeyran Ramdhany avance que les dentistes ne parviennent pas à aider leurs patients. Il avance que certains patients sont partis pour des traitements à l’hôpital et n’y sont jamais retournés craignant de contracter le COVID-19. « Ils préfèrent retourner vers les dentistes du privé », dit-il. Certains dentistes, ajoute-t-il, prennent le risque de travailler bien qu’aucun protocole n’ait été établi.  « Ces équipements de protection s’avèrent très importants pour les dentistes car ils sont ceux qui sont les plus exposés à la propagation du virus », affirme-t-il par ailleurs. La bouche contient énormément de bactéries et les équipements utilisés lors des traitements les propulsent dans l’air; elles se posent donc autour. Selon lui, aucun dentiste du privé ne pourra travailler sans protection. Il regrette que la lettre envoyée n’ait pas été prise en considération car aucun protocole n’a été établi pour les dentistes.

Ne pouvant exercer en ce moment, le Dr Ramdhany déplore qu’il doive voir ses patients souffrir. Certaines procédures ne peuvent se faire. « Notre façon d’opérer a changé drastiquement », dit-il. Les dentistes, qui recevaient une quinzaine de patients par jour, n’ont que cinq en ce moment. Il fait ressortir que les dentistes ont beaucoup de coûts à assurer avec la mise en place des mesures de sécurité pour assurer que la santé des patients soit rehaussée.

L’achat du gel hydroalcoolique, les masques, les gants et autres équipements de protection ont des coûts additionnels. « Jusqu’à présent nous ne savons pas s’il faut travailler ou pas. Nous ne savons même pas quelles sont les précautions à prendre », ajoute ce dentiste quelque peu désemparé par ce qu’il traverse professionnellement. « Nous sommes dans une situation unique et ce qu’il faut savoir c’est l’importance d’apporter des amendements aux lois et ne pas uniquement se fier aux règles existantes ». Selon ce professionnel, tous les travaux qu’ont entamés les dentistes ont été mis en mode attente par manque d’équipements adéquats dans l’exercice de leurs fonctions.

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