DÉCOLONISATION — Délimitation des frontières maritimes — Maurice : Maldives, un Proxy des Anglais sur les Chagos

  • Philippe Sands QC, intervenant devant la Special Chambre de l’ITLOS hier : « Cette délimitation des frontières maritimes relève du droit de Maurice »

La réplique de Maurice aux arguments des Maldives devant la Special Chamber de l’International Tribunal on the Law of the Sea (ITLOS) aura été sans appel. Pour le deuxième jour des délibérations sur la requête de Maurice sur une délimitation des frontières maritimes au nord de l’archipel des Chagos, tour à tour, les quatre intervenants– le représentant désigné de Maurice aux Nations unies, Jagdish Koonjul, et Me Philippe Sands, QC, Leading Legal Adviser sur le dossier des Chagos, ainsi que les consultants en Droit international Paul Reichler et le Pr Pierre Klein – se sont attelés à la tâche de démanteler la position adoptée par les Maldives à l’effet que cette instance du Tribunal international du droit de la mer n’a pas la compétence pour se prononcer sur la demande de Maurice à cet effet. Après un rappel historique des faits de 1960 à ce jour intervenant à Londres, à New York et devant la Cour internationale de Justice de La Haye, ils ont fait la démonstration qu’il n’y a aucune contestation à l’effet que « Chagos forms part of Mauritius » et que « territorial integrity is a key element of the exercise of the right to self-determination ».

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L’argumentation pivot élaborée, que ce soit dans la série de documentations déposée devant la Special Chamber de l’ITLOS ou lors des interventions devant le panel de neuf juges, présidé par le sud-coréen Jin-Hyun Paik, est que l’archipel des Maldives se présente comme un Proxy de la Grande-Bretagne dans l’affaire des Chagos, que ce soit au sujet de la remise en question de la validité légale de l’Advisory Opinion de La Haye ou encore de la résolution 73/295 des Nations Unies du 22 mai 2019.

À la page 21 des “Written Objections”, Maurice souligne à cet effet : « These arguments are wholly misconceived and simply rehash arguments that the United Kingdom put to the ICJ, which the Court roundly rejected. In those proceedings, Mauritius involed the Western Sahara Advisory Opinion in which the Court rejected the argument put forward by some States taking part in those proceedings that it should decline to provide the requested opinion because the request was said to concern a “bilateral dispute” over territorial sovereignty. In that proceeding, the Court determined that it should issue an opinion because the request fundamentally raised a question of decolonisation, and the matter of sovereignty was subsumed within and incidental to that question. Similarly, the matter referred to the ICJ by the General Assembly in relation to the Chagos Archipelago concerned decolonisation, and this was the fundamental question to address because once the lawfulness of decolonisation is determined, the question of territorial sovereignty no longer arises. »

S’appuyant sur le fait que « The Maldives cannot hide behind fallacious assertions by the United Kingdom that, contrary to the Advisory Opinion, it has “no doubt” about its sovereignty over the Chagos Archipelago. This gives more weight to a defiant political statement by a recalcitrant State than to the Court’s authoritative legal determination of the issue », Me Philippe Sands affirme que sur la question de délimitation des frontières maritimes, « ITLOS cannot depart form the International Court of Justice opinion ».
Par ailleurs, lors de la présentation des soumissions de Maurice hier devant la Special Chamber de l’ITLOS, l’ambassadeur Koonjul, en remplacement du Solicitor General Dhiren Dabee, a vertement déploré la posture adoptée par les Maldives. « Maurice ne cherche pas et n’a jamais cherché à utiliser cette procédure pour régler un différend territorial. En fait, il n’y a pas de différend territorial, car l’archipel des Chagos est reconnu par le droit international comme faisant partie intégrante du territoire mauricien », dit-il en guise d’introduction. « Nous ne vous avons soumis aucune question territoriale. Si cette question est devant vous, c’est parce qu’elle a été soulevée par les Maldives dans leurs objections préliminaires, et non par Maurice. L’écrasante majorité des États, tous sauf une très petite poignée, comprennent clairement que la Cour internationale de justice ait déterminé que l’archipel des Chagos fait, et a toujours été, partie intégrante du territoire de Maurice », poursuit Jagdish Koonjul.

Prenant le relais, Philippe Sands, QC, a mis en relief que le seul pays en développement au monde ayant voté contre la résolution sur la décolonisation est les Maldives qui, rappelle-t-il, ont également voté contre la résolution initiale demandant à la cour de se prononcer sur la décolonisation. « Fait remarquable : les Maldives, une ancienne colonie britannique, sont les seuls parmi tous les États ayant obtenu leur indépendance depuis 1945 à avoir voté contre l’une ou l’autre résolution », a-t-il mis en avant en vue de contrer les arguments des Maldives.

Le Leading Counsel de Matrix Chambers maintient qu’avec l’avis consultatif rendu par la Cour internationale de justice, le statut juridique de l’archipel des Chagos a été définitivement réglé. « C’est une partie du territoire mauricien et en ligne avec la responsabilité de l’île Maurice et de son droit à l’administration. Cela comprend la délimitation des frontières maritimes relatives à l’ensemble de son territoire, y compris l’archipel des Chagos. Comme on le dit, la terre domine la mer. Maurice est l’État côtier en ce qui concerne l’archipel des Chagos, aux fins des articles 74 et 83 de l’United Nations Convention on the Law of the Sea », a-t-il déclaré.

Me Sands a aussi affirmé que le Royaume-Uni n’a pas le droit de délimiter de frontière maritime entre Maurice et les Maldives, tout comme « l’Afrique du Sud n’aurait eu le droit de délimiter la frontière maritime entre la Namibie et l’Angola après l’avis consultatif de la Cour de 1971 », auquel il a fait référence lors de sa présentation. Il s’est appuyé sur différentes étapes historiques pour prouver que : « The land dominates the sea. Mauritius is the Coastal State. the only Coatal State. The words are crystal clear. » Et cela contrairement à la thèse colportée par les Madive, en faisant état de la « selective and partial approach » des Maldives par rapport aux Chagos.

Succédant à Philippe Sands, QC, Paul Reichler, Partner de la firme légale américaine Foley Hoag LLP, a présenté ses arguments au nom de Maurice par vidéoconférence sur les raisons pour lesquelles cette Special Chamber de l’ITLOS devrait rejeter les objections de la République des Maldives. En dernier, le Professeur en droit international Pierre Klein a, lui, démontré qu’il existe bel et bien un différend entre Maurice et les Maldives, que les deux pays n’ont jusqu’à présent pas été en mesure de résoudre, et que la demande formulée par Maurice ne constitue en aucune manière un abus de procédure.

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