Démocratie – Droits civiques et politiques — ID Card : le GM doit revoir ses plans pour 2023

Une douche froide à l’Hôtel du gouvernement en fin de semaine. Le Ruling du Comité des Droits de l’homme des Nations unies en faveur de Maharajah Madhewoo dans l’affaire des données biométriques sur la National Identity Card est venu jouer le trouble-fête dans le calendrier établi pour le remplacement en 2023, soit à la veille des prochaines électorales au terme du mandat de cinq ans, de la Mauritius National Identity Card. Le ministre des TIC, Deepak Balgobin, est tenu à accorder priorité à une Effecfive Remedy au terme du jugement majoritaire, CCPR/C/131/D/3163/2018, de cette instance des Nations unies, dans un délai de 180 jours à partir du 22 de ce mois. Ce Ruling est un cinglant revers pour le gouvernement sur cette question.

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Toutefois, contrairement au protocole en matière de transparence politique, le ministre de tutelle n’a même pas consigné dans le Hansard, par voie de Statement, ce désaveu majeur de la décision de Maurice d’inclure des données biométriques sur la National ID Card, démarche qualifiée de « violation des droits civiques et politiques » de chaque Mauricien. Mais tôt ou tard, le gouvernement sera forcé de concéder cette défaite politique aux Nations unies, car au paragraphe 10 des attendus du jugement, le Comité des Droits de l’homme avance que « the State Party is also requested to publish the present Views and disseminate them broadly in the official language of the State Party ».

D’autre part, étant donné l’importance de la Mauritius National Identity Card avec des données biométriques obtenues en violation du respect des Droits de l’homme, il était du devoir du ministre de venir de l’avant formellement avec un Statement lors de la séance parlementaire de vendredi dernier. D’abord pour donner la garantie quant à la mise en application des directives des Nations unies. Ensuite pour rassurer la population adulte contre les risques de dérapage en ce qui concerne les données biométriques sensibles « littéralement volées ».

Néanmoins, la satisfaction demeure qu’après six ans, soit avec la publication de The National Identity Card (Amendment) Regulations 2015, imposant obligatoirement des Fingerprint Minutiae pour les besions de la carte d’identité nationale numérique, Maharajah Madhewoo, a obtenu gain de cause de manière catégorique. “Une victoire historique”, dira-t-il, tout en étant sur ses gardes par rapport aux manoeuvres du gouvernement.

« Notwithstanding the possibility of grounds and circumstances in which the processing of biometric data would not give rise to an arbitrary interference in the sense of article 17 of the Covenant, the Committee considers, in the particular circumstances of the case, that storage and retention of the author’s fingerprint data on an identity card, as prescribed by the National Identity Card Act, would constitute an arbitrary interference with his right to privacy, contrary to article 17 of the Covenant », lit-on dans le document accessible sur le site de cette institution spécialisée des Nations unies.

Le Comité des Droits de l’homme des Nations unies, qui prend le soin de souligner que l’État mauricien reconnaît la compétence de cette instance de trancher ce litige relevant des droits de l’Homme, a imposé un ultimatum arrivant à terme dans 180 jours à compter du 22 courant, affirme que les autorités sont tenues de « provide an effective and enforceable remedy when it has been determined that a violation has occurred ». De ce fait, la National Biometric ID Card, imposée aux Mauriciens au lendemain des élections générales de 2015, est en infraction flagrante des dispositions des Droits de l’homme.

Poursuivant son analyse des faits, le Comité ajoute que « the State party is under an obligation to provide the author with an effective remedy. Accordingly, the State party is obligated to provide sufficient guarantees against the risk of arbitrariness and abuse of the author’s fingerprint data as may arise from the issuance of an identity card to him, and to review the grounds for storing and retaining fingerprint data on identity cards, in light of the present views ».

En tout cas, à la lecture de ce jugement, la conclusion est que les 16 des 18 membres du Comité n’ont été nullement convaincus par les arguments mis en avant par le gouvernement pour justifier sa campagne de Bullying de la population à partir de 2015 en faveur de la Mauritius National Identity Card. Toute ressemblance avec l’actuelle campagne de vaccination contre le Covid-19 ne pourrait n’être que fortuite.

« Given the lack of information provided by the State party concerning the implementation of measures to protect the biometric data stored on identity cards, the Committee cannot conclude that there are sufficient guarantees against the risk of abuse and arbitrariness following from potential access to such data on identity cards. In light of the above-mentioned concerns about the ability of the scheme to help prevent identity fraud, the Committee considers that the security concerns cannot be regarded as reasonable », ajoutent les membres du panel des Nations unies.

Mais le Warning le plus sérieux émis par le Comité à l’encontre de Maurice se lit dans une phrase des plus sibyllines du Ruling, soit « additionally, the State party is under the obligation to take steps to avoid similar violations in the future.» Cet avertissement trouve toute son importance dans la conjoncture en marge de l’intention déclarée du gouvernement d’émettre une nouvelle famille d’ID Card à partir de 2023.

D’ailleurs, lors de son intervention le 16 juin sur les débats budgétaires, le ministre Balgobin se vantait que « the Mauritius National Identity Card Scheme, MNIC introduced in Mauritius in 2013, has now reached its end-of-life as it has been in operation for almost 10 years. It is now high time to revamp the whole system ». Il devait faire état du projet du gouvernement de « replace the current MNIC by a state-of-the-art technology with enhanced security features and which could be used to provide a wider spectrum of customised e-Services ».

Pour les besoins de ce projet, avec des dotations budgétaires de Rs 40 millions allouées en 2021-2022, de Rs 140 millions pour 2022-2023 et de Rs 20 millions pour l’année financière, le ministère prévoit de travailler en étroite collaboration avec l’état civil. Mais la donne du Comité des droits de l’homme des Nations unies dans l’affaire Madhewoo pousse indéniablement à un Rethinking.

Initialement, le gouvernement prévoyait de maintenir la même formule, soit biométrique, pour la photo et les points de reconnaissance des empreintes digitales. Toutefois, la nouvelle ID Card en gestation s’annonce encore plus ambitieuse, le National Authentication Framework ouvrant l’option d’identification auprès des services en ligne du gouvernement ou encore le Mobile ID, le smartphone transformé en une plateforme d’identification unique.

Cette prochaine génération de Biometric ID Card devrait être dotée d’une puce électronique pour assurer la lecture des données et l’écriture. Avec le projet d’E-Health du ministère de la Santé, la carte d’identité nationale de 2023 se présente comme un outil de premier ordre pour stocker des informations médicales personnelles et de nature confidentielle, sans compter le permis de conduire de la Traffic Branch ou encore la signature électronique pour des transactions en ligne.

Les “views adopted by the Human Rights Committee under the Optional Protocol, concerning communication No 3163/2018”, venant appuyer un précédent jugement de la Cour suprême à l’effet que “indefinite storage and retention of biometric data under the Data Protection Act was disproportionate to the aim pursued and was not reasonably justified in a democratic society”, la pression s’accentue sur le gouvernement.

Dans la conjoncture, la question qui se pose est de savoir si le gouvernement ferait amende honorable sur cette question des Droits de l’homme dans ce délai de 180 jours imposé. Du côté de Rezistans & Alternativ, qui avait obtenu gain de cause sur le Best Loser System auprès de cette même instance en 2012, l’on affiche une extrême prudence, pour ne pas dire une déception quant à l’attitude de l’État mauricien pour mettre en pratique ces injonctions des Nations unies.

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