Démographie et égalité des genres : La mauricienne dans tous ses états

La dernière édition des Gender Statstics, publiée en fin de semaine par Statistics Mauritius, brosse un portrait complet et sans fard de la Mauricienne, que ce soit sur le plan démographique ou d’émancipation économique. Les principaux faits à retenir sont que la femme reste toujours en position numérique forte, elle est mieux qualifiée académiquement et elle assure une plus forte présence dans le secteur de l’éducation supérieure.

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Pourtant, le paradoxe, pour ne pas dire le préjugé, demeure que dans le monde du travail, elle reste en position de faiblesse par rapport à l’homme, notamment sur le plan des salaires, sans compter qu’elle souffre davantage du fléau du chômage. Par contre, dans le secteur public, la Mauricienne prend du grade car la proportion de femmes occupant des positions au sein de la plus haute hiérarchie, soit chefs de Cabinet ou dans la magistrature, par rapport aux hommes a progressé, au point de presque doubler en 20 ans, pour se retrouver à 37% à la fin de l’année dernière. Au chapitre de la santé, la femme doit faire attention aux effets néfastes du diabète, car cette maladie chronique est la première cause de décès chez les femmes aussi bien que les hommes à ce jour.

D’un point de vue général, la supériorité numérique de la femme se maintient avec 13 159 Mauriciennes de plus sur une population atteignant 1 264 613 à la fin de décembre dernier. Cet avantage s’explique par le fait que la life expectancy chez la femme est de sept ans de plus que les hommes. Une analyse de la pyramide des âges démontre qu’entre les tranches d’âge d’un jour à moins de 50 ans, les hommes sont plus nombreux, dominant les femmes par 11 386, soit 446 438 Mauriciens et 435 052 Mauriciennes.

Toutefois, à partir de 50 ans, la tendance de répartition des sexes se renverse à l’avantage des femmes, passant de 102,9 mâles sur chaque 100 Mauriciennes âgées de moins de dix ans à 97,6 pour ceux dans la fourchette d’âge de 50 à moins de 60 ans. La situation est encore plus dramatique avec le ratio passant à deux femmes pour un homme dans le groupe de Mauriciens âgés de plus de 80 ans, soit sur les 23 800 octogénaires, Statistics Mauritius ne dénombrant que 8 251 hommes.

La raison est que « women live longer. » Le rapport de Gender Statistics note à cet effet qu’en 2017, la life expectancy à la naissance était de 78 ans pour les Mauriciennes contre 71 pour les hommes. « Life expectancy at birth has improved over the years for both men and women and over the past seventeen years, the gap between life expectancy for men and women stabilised at around seven years », ajoute Statistics Mauritius.

Mais au tableau économique, et surtout dans le monde du travail, ce préjugé favorable dont jouit la Mauricienne s’estompe en un clin d’œil, même si la jeune fille présente de meilleures dispositions pour réaliser un parcours académique nettement plus brillant que son camarade de classe de sexe masculin. Le système éducatif en vigueur à Maurice confirme qu’il n’y a pas de gender disparity avec les petits garçons et filles fréquentant l’école sans aucune discrimination dans le cycle primaire. Par contre, au secondaire, la différence se fait sentir en faveur des filles, car « girls are less likely than boys to drop out of secondary academic stream, 5% against 7% for boys. »

Il y a encore le fait que les filles sont davantage plus studieuses que les garçons. Les derniers résultats des examens de fin de cycle primaire, Primary School Achievement Certificate (PSAC), se traduisent par un écart de 11 points en faveur des filles, soit un taux de réussite de 86% au féminin contre 77% pour les garçons. La même tendance se répète aux examens à la fin du cycle secondaire, soit au Higher School Certificate, avec 77,9% en 2017 pour les filles contre 69,5% pour les garçons.

En passant, l’on notera une dégradation d’au moins quatre points dans la performance aux examens de HSC au cours de la période allant de 2010 à 2017. Le rapport consacré aux Gender Statistics révèle que le taux de réussite en HSC chez les filles, qui était de 81,7% en 2010, avec une pointe de 82,3% en 2011, a épousé une courbe descendante au cours de ces huit dernières années. L’évolution n’est guère différente du côté des garçons.

L’éducation supérieure se conjugue davantage au féminin avec un plus grand nombre d’admissions. « Tertiary enrolment for both girls and boys increased over time but with a widening gap in favour of girls », s’appesantit le rapport avec le Gross Tertiary Enrolment Rate (GTER) passant de 16% en 2000 à 54% en 2016 pour les filles, alors que chez les garçons, cet indicateur, qui était de 14% il y a 17 ans, plafonne à 40%. 57% de la population estudiantine dans le tertiary sont du sexe féminin, soit 27 365 sur les 48 089 les deux sexes confondus et comprenant tous les campus universitaires privés aussi bien que publics recensés en 2016.

Mais la comparaison favorable pour les filles s’arrête avec le First Degree ou encore le Bachelor’s Degree. Dans les amphithéâtres pour les études postuniversitaires, les hommes reprennent la main, avec 233 étudiants suivant des cours menant à des PhD, des MPhil ou autres doctorats en Business Administration, contre 198 de femmes. Le résultat est que les Mauriciennes continuent à être sous-représentées sur le plan de la recherche.

« Gap narrowing over time »

Décortiquant les filières d’études supérieures, l’on constate qu’invariablement un étudiant sur quatre engagés dans des études tertiaires, que ce soit un garçon ou une fille, opte pour la comptabilité. Elles sont presque 4 500 jeunes Mauriciennes à étudier la comptabilité. Pour les filles, le second best reste la gestion des affaires (16%), l’éducation (9%) et la finance (6%). D’autre part, les filles affichent une présence des plus timides dans les cours universitaires en engineering et en technologie informatique.

Dans le monde du travail, les femmes font face à une rude concurrence de la part des hommes, avec une population active masculine de 356 600 contre 230 300, ce qui fait que « around 46% of women of working age was in the labour force compared to 74% of men. » Cette configuration suscite toujours des appréhensions dans le monde des décideurs économiques, que ce soit dans le public ou le privé. L’un des points positifs intervenus est qu’au cours de la période allant de 2005 à 2017, « the gap between  male activity rate which was consistently higher than female activity rate has been narrowing over time as the activity rate for men has been decreasing, while that of females has been generally increasing. » Cette remontée se fait le plus sentir chez les Mauriciennes dans la tranche d’âge de 25 à 29 ans.

Mais ce qui continue à frapper l’attention constitue la disparité salariale entre hommes et femmes. Certes, l’introduction du National Minimum Wage de Rs 9 000 par mois à partir du 1er janvier dernier devrait ouvrir la porte à un certain redressement au bas de l’échelle, même si aux autres étages supérieurs des salaires pratiqués, les changements pourraient être moins perceptibles. Pourquoi ? En moyenne, la femme touche 27% de moins que les salaires proposés à un homme occupant un poste au niveau du management ou encore dans les différentes catégories professionnelles. Dans les occupations professionnelles de moindre importance, l’écart est encore plus conséquent au préjudice de la femme, soit Rs 13 900 pour la main-d’œuvre masculine contre Rs 7 000 pour les femmes.

Ainsi, au sein de l’économie, la moyenne des salaires versés aux femmes est inférieure de Rs 5 500 comparativement aux hommes, soit Rs 16 800 et Rs 22 300 respectivement. Si un manager masculin perçoit des salaires mensuels de Rs 43 200, sa collègue avec les mêmes responsabilités rentre chez elle à la fin de chaque mois avec quelque Rs 11 000 de moins, soit Rs 31 500. Dans la catégorie clerical, la différence est de quelque Rs 4 000, soit Rs 22 200 pour les hommes et de Rs 17 900 pour les femmes, alors que dans les services et la vente, la différence salariale remonte, pour passer à environ Rs 8 000, soit presque 50% vu que les rémunérations aux hommes sont en moyenne de Rs 1900 contre Rs 11700 aux femmes.

Dans le secteur agricole, les hommes touchent Rs 14 500 par mois et une moyenne de Rs 8 100 pour femmes, avec des salaires respectifs de Rs 13 900 et de Rs 7 000 dans les elementary categories. Depuis le début de cette année, et avec les descentes des lieux de l’inspectorat pour la mise en application du salaire minimal de Rs 9 000, cette dernière anomalie salariale devrait être chose du passé.

Un petit détail qui devrait aiguiser la curiosité de ceux et celles qui luttent pour le respect de la dignité intrinsèque de la femme est que Statistics Mauritius, faisant abstraction des corvées de la ménagère non-rétribuée et non-comptabilisée pour le compte du Produit intérieur brut (PIB), souligne que « on average, a woman worked five hours less than a man. In 2017, the average number of hours worked per week by women was 36,3 compared to 41,4 for men. » Une comparaison susceptible de relancer la polémique avec Muvman Liberasyon Fam remettant les pendules à l’heure.

Elle se marie         plus tard

Une autre zone nullement confortable pour les femmes se présente au tableau du chômage. Les Mauriciennes représentent presque 60% du nombre officiel de chômeurs. Le taux de chômage chez les femmes est de 10,7%, taux qui est supérieur à la moyenne nationale, soit 24 600, contre 4,8% chez les hommes. « The disparity between male and female unemployment rate was highest in the lower age groups, the difference was nearly 12 percentage points among the unemployed below 25 years and around 0,3 percentage point among those aged 50 years and above », fait comprendre Statistics Mauritius, qui ajoute que « unemployed women were generally more qualified than their male counterparts. » Une Mauricienne sans emploi sur trois détient soit le School Certificate ou le Higher School Certificate, alors qu’une autre sur quatre a complété avec succès des études universitaires.

Sur le plan matrimonial, la dernière mode est que la Mauricienne se marie de plus en plus tard. Il y a 25 ans, la Mauricienne consentait à son mariage à l’âge de moins de 25 ans, soit en moyenne à 24,5 ans en 1992. Mais en 2017, l’âge du mariage pour la femme est de 27,9 ans, alors que pour les hommes cet indicateur est passé au-dessus de la barre des 30 ans. Si par tradition la jeune fille prend pour époux un homme relativement plus âgé qu’elle, au cours de ces 25 dernières années, des mutations sont intervenues, avec la différence d’âge entre conjoints passant de 4,7 ans en 1992 à 3,2 ans en 2017. Il y a aussi la baisse dans le marriage rate, avec de moins en moins de jeunes se rendant à l’État civil pour officialiser leur union, même s’ils ont opté pour la vie commune. Le nombre de mariages enregistrés pour chaque 1 000 habitants est passé de 21,1 en 1993 à 15,4 l’année dernière. Une conséquence de ce nouveau set-up familial est que la femme donne naissance à de moins en moins d’enfants, comparativement au passé, sans oublier que la peak fertility rate est désormais dans la tranche d’âge de 25 à 29 ans, contre 20 à 24 ans dans les années 1990.

« The total fertilty rate, which is an indication of the average number of babies born to a woman during her childbearing period, has maintained a general decreasing trend during 1992 until 2013. Compared to 1992, the average number of children born to a woman dropped by one child to reach a total fertility rate of 1,4 », indiquent les statistiques officielles, rappelant que la pointe de 2,4 enfants par femme de ces 30 dernières années avait été établie au début des années 1990.

Contraception          en baisse

Ce taux de natalité en baisse constitue un paradoxe avec le recours à de méthodes de contraception disponibles et accessibles dans les services de santé publique, soit les cliniques de parenté planifiée, la Mauritius Family Planning & Welfare Association ou encore l’Action Familiale. Le nombre d’utilisatrices est en nette régression, passant de 87 441 en 2007 à quelque 60 000 l’année dernière. Le nombre de nouvelles utilisatrices des méthodes de contraception est également en baisse, don 3 726 l’année dernière contre le double il y a dix ans.

Au tableau de la santé, sur chaque quatre porteurs du virus HIV/Sida, les autorités dénombrent une femme. L’année dernière, 368 nouveaux cas de Sida ont été répertoriés, portant le nombre à 7 039. Mais le diabète reste l’une des principales causes de mortalité, avec au moins un décès sur quatre, suivi par des problèmes cardiovasculaires. Le cancer du sein et de l’utérus provoque en moyenne un décès sur 15 chez les femmes.

Statistics Mauritius se joint au débat suscité par la récente Private Notice Question du leader de l’opposition, Xavier-Luc Duval, en ce qui concerne un état des lieux dans les maternités du ministère de la Santé. « The risk of a woman dying as a result of pregnancy or childbirth during her lifetime has generally been declining over the years with slightly higher level of maternal deaths in recent years. From 1995 to 2006, the maternal mortality ratio declined from 0,58 maternal death per 1 000 live births to 0,17. After 2006, the maternal mortality ratio was on a rising trend to reach 0.66 in 2013, but then decreased to reach 0,46 in 2016. In 2017, the maternal mortality ratio increased again to reach 0,74 », confirme Gender Statistics.

Et comment boucler le portrait de la Mauricienne en occultant le fléau de la violence domestique ? Sur les 1 703 cas, soit une moyenne de cinq par jour, rapportés au ministère de l’Égalité du Genre l’année dernière, les femmes étaient victimes dans 87% des cas. Dans deux cas sur cinq, les femmes ont essuyé des coups physiques donnés par leurs conjoints, un cas sur cinq relève de la maltraitance verbale et un cas sur dix de menaces d’agression.

En conclusion, Maurice a du chemin à parcourir pour intégrer le club des pays pouvant se vanter de pratiquer la gender equality. Aux Global Gender Gap Indices publiés depuis 2006, Maurice se classe à la 112e place sur 144 pays, même si le pays peut se vanter d’avoir « closed both its education attainment and survival gender gaps with indices of nearing 1, and it has progressed due to increases on both the Economic Participation & Opportunity and Political Empowerment subindexes ».

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