Deux mois après la partielle : le round d’observation se prolonge

  • Tous les partis s’accordent à dire que la seule certitude du moment est le doute

Cela fait exactement deux mois que le résultat de la partielle à Belle Rose-Quatre Bornes tombait. C’est un vieux de la vieille, Arvin Boolell, issu des partis dits traditionnels, qui raflait la mise, les autres partis de l’opposition parlementaire, éparpillés, ne recueillant que des miettes, alors que le Reform Party, d’autres formations de gauche et des activistes sociaux étaient distancés. Ce  scrutin qui s’est tenu à deux ans des prochaines élections générales et qui devait provoquer une clarification des options des uns et des autres, aura finalement apporté encore de plus de confusion. C’est dire que le round d’observation se prolonge.

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À cinq semaines de la rentrée parlementaire du 27 mars, ceux qui ont une opinion qui compte au sein de la haute hiérarchie des principales formations s’accordaient à dire que la seule certitude du moment est le doute. Au MSM, qui n’en finit pas de se féliciter d’avoir zappé la partielle, l’heure est au travail, ou du moins à une communication plus travaillée du Premier ministre, qui ne se concentrerait que sur l’essentiel. Après les traditionnels exercices de relations publiques autour des grandes célébrations socioculturelles, Pravind Jugnauth veut démontrer qu’il s’attaque de front à des questions qui préoccupent les Mauriciens, comme la sécurité routière, d’où l’initiative d’hier.

Si c’est plutôt tranquille au MSM et que Pravind Jugnauth commence à s’imposer dans son propre camp, où certains fidèles de sir Anerood Jugnauth appréhendaient son arrivée au poste de Premier ministre, cela ne veut pas pour autant dire que les choses sont plus simples pour lui et qu’il peut envisager la prochaine échéance électorale avec la plus grande sérénité.

Il doit toujours composer avec beaucoup de problèmes avec cette équipe bricolée appelée Lepep qui avait réussi, contre toute attente, à s’imposer au scrutin de décembre 2014. Son problème, c’est à chaque fois qu’il éteint un feu, un autre foyer s’allume. Lorsqu’il a fini avec les Tarolah, Soodhun, Yerrigadoo et   Gulbul, il doit composer avec des députés comme Soodesh Rughoobur, qui ose réclamer du commissaire de police le transfert d’un officier de police qui n’aurait pas exécuté ses ordres.

Ken et Barbie

Ceux qui étaient présentés comme des piliers du MSM sont mystérieusement absents. Vishnu Lutchmeenaraidoo est, pour des raisons de santé apparemment, absent de la scène publique depuis le début de l’année et depuis qu’il a fait une sortie inattendue contre les potentats et les mandarins. D’autres se font tout aussi discrets parce qu’ils ne sont tout simplement pas dans les secrets de la « cuisine ».

Ceux-là se plaignent de ne pas peser sur les décisions parce que comme cela s’est toujours déroulé au Sun Trust, c’est dans l’intimité des fourneaux que les décisions les plus sensibles sont prises. Ils se posent beaucoup de questions sur les raisons de l’influence considérable qu’exercent Ken Arian et Sarah Rawat-Currimjee, désormais connus sous le nom de code de Ken et Barbie, du nom des fameuses poupées qui étaient en vogue il y a quelques années.

Propulsé responsable de la communication de Pravind Jugnauth, Ken Arian a fait nommer un de ses potes du secteur de l’externalisation, Charles Cartier, à la présidence de l’Economic Development Board, alors que lui-même a atterri à la présidence d’Airports of Mauritius Limited, tandis que Sarah Rawat-Currimjee, une intime de la famille Jugnauth, porte de multiples casquettes, conseillère auprès du Premier ministre lui-même, mais aussi auprès de sa colistière Leela Devi Dookun-Luchoomun, tout en étant présidente du Mauritius Sports Council et membre du comité de Corporate Social Responsibility.

L’époux de cette dernière, Azim Currimjee, président de la Chambre de commerce et d’industrie, s’est lui aussi vu attribuer quelques fonctions de prestige, comme la vice-présidence de l’Economic Development Board. Non content de sa propre promotion, il s’est assuré que des proches comme Renganaden Padayachy soient aussi nommés. Question de garder le contrôle sur des organismes clés. Ainsi, à l’arrivée de Yandraduth Googoolye à la tête de la Banque de Maurice, ce n’est pas le Second Deputy Governor, Vikram Panchoo, un zanfan lakaz de la Banque centrale qui a été promu First Deputy Governor, mais l’outsider Renganaden Padayachy, ce qui a eu le don de frustrer les cadres du régulateur bancaire.

Avec ou sans proches prêts à tout pour assurer sa promotion, Pravind Jugnauth devra livrer une véritable course contre la montre pour faire aboutir des projets qui lui serviront de bilan au moment de se présenter devant l’électorat. Le grand projet de son quinquennat, le Metro Express, n’est pour l’heure qu’inconvénients pour le public, ce qui se passe à Rose-Hill étant une des illustrations les plus éloquentes.

L’autre projet phare, la Smart City de Côte d’Or, dont une partie des infrastructures doit accueillir les Jeux des îles 2019, a pris un retard considérable, alors qu’il y tenait beaucoup dans la mesure où ce projet se trouve dans sa circonscription. Au final, il se pourrait que les compétitions se déroulent sur les sites construits en temps express en 2003, année des derniers JIOI à Maurice et qui avaient connu un succès retentissant.

La diplomatie           “jet ski”

Dans quelques semaines, le Premier ministre devra aussi faire face à une opposition recomposée avec le retour à l’Assemblée nationale du vieux routier Arvin Boolell, que certains au MMM veulent voir s’installer au poste de leader de l’opposition en lieu et place de Xavier-Luc Duval, dont les absences suscitent des interrogations dans son propre camp, gagné par la sinistrose depuis la débâcle de la partielle du N°18, fief supposé de Xavier Duval.

Et les questions pour Pravind Jugnauth ne manqueront pas à la rentrée. Sur le law and order, dont la dégradation est évidente, sur la drogue dans l’attente du rapport de la commission Lam Shang Leen, alors que le débat sur la dépénalisation du cannabis fait rage, sur le Metro Express et aussi sur les deux rapports qui dorment dans un tiroir, ceux qui concernent le rehaussement salarial scandaleux de l’ancienne directrice du centre cardiaque Vijaya Sumputh et les pratiques de l’ancienne directrice de l’Information and Communication Technology Authority Youshreen Choomka.

Pour en revenir au PMSD, après l’escapade très controversée du leader bleu aux Maldives, pays au ban des nations pour ses pratiques antidémocratiques, le voilà qui a déjà repris l’avion en début de semaine juste après son tête-à-tête de la St Valentin avec l’insatisfait Patrice Armance. Sa destination est restée inconnue. Si certains parlent d’un saut à Londres pour des raisons familiales et de santé, ceux qui sont vraiment au parfum parlent plutôt d’un voyage en Thaïlande, ce qui a fait dire à un apparatchik bleu que leur leader pratique « la diplomatie jet ski » en raison des clichés de Xavier Duval s’adonnant à cette activité nautique récemment aux Maldives.

Ses absences ne sont en tout cas pas pour rassurer ceux qui, au PMSD, ont des envies d’ailleurs. Ils ne comprennent pas pourquoi, pour tous les problèmes qui se posent au parti, il faut toujours une enquête. Comme sur la défaite programmée de Dhanesh Maraye à la partielle du N°18 ou le différend entre Patrice Armance et le “défoncer” Mahmad Khodabaccus. L’attitude de Xavier Duval est-elle un signe qu’il a déjà jeté l’éponge concernant son avenir de leader de l’opposition ? Sait-il qu’il pourrait ne pas retrouver ce poste à la rentrée du 27 mars ? Au sein même du PMSD, cette impression fait du chemin.

Les gages de fidélité et de loyauté de trois des neuf députés bleus donnés comme partants, Patrice Armance, Salim Abbas Mamode et Dan Baboo, sont bien loin de convaincre le sommet de la hiérarchie du PMSD, qui éprouve beaucoup de mal à évoluer dans l’opposition après avoir été bien au chaud au pouvoir pendant 11 ans d’affilée, de 2005 à 2014 avec Navin Ramgoolam et de 2014 à 216 avec les Jugnauth.

La chasse aux « hypocrites » n’a pas eu lieu

Au MMM, c’est l’accalmie après le coup d’éclat provoqué par Paul Bérenger samedi de la semaine dernière. La colère qu’il a exprimée à l’encontre des « hypocrites » suite au vote exprimé par une large majorité du Comité central — 63 pour, 9 contre et 6 abstentions — semble s’être estompé. On parle même  d’un dirigeant, soupçonné d’avoir voté contre, qui a fourni de fortes indications du contraire. La chasse aux hypocrites n’a donc pas eu lieu, même si, à la direction mauve, on a sa petite idée sur le profil de ceux qui ont voté contre et qui se sont abstenus.

Ceux qui veulent d’une nouvelle dynamique dans la manière de fonctionner du MMM n’ont pas renoncé pour autant. Ils comptent de plus en plus faire entendre leur voix au sein des instances. Ceux-là saluent déjà deux initiatives prises ces derniers jours sur des sujets d’actualité, la solidarité avec le collectif qui se bat pour la sauvegarde des arbres de la promenade Roland-Armand avec la présence sur place de certains dirigeants et celle exprimée avec les victimes de la fermeture du collège Victoria. Toutefois, seul le temps dira si tout est vraiment rentré dans l’ordre ou si l’unité retrouvée n’est que de façade.

Quant au PTr, tant que les affaires judiciaires de Navin Ramgoolam ne sont pas bouclées, ce sera l’expectative. Même si la belle victoire d’Arvin Boolell a mis du baume au cœur de ceux qui étaient très découragés après la lourde défaite des principaux cadors du parti. La question qui se pose aujourd’hui est celle de savoir si Arvin Boolell veut vraiment prendre les rênes de l’opposition parlementaire à la prochaine rentrée ou s’il va se cantonner à son rôle de gentleman qui a des amis partout.

Mais, en fait, la vraie question est si son leader souhaite le voir prendre une position qui lui donnerait une exposition qui risque de lui faire de l’ombre, lui qui, comme d’autres dirigeants politiques, éprouve beaucoup de mal à s’imaginer faire autre chose. Les choses devraient s’éclaircir après la Fête nationale. Après, ce sera le début de la campagne électorale, décembre 2019 n’étant pas si éloigné que ça.

 

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