DROGUE — Axe Madagascar-Maurice : Casse-tête pour l’ADSU après la saisie de 110 kilos d’héroïne

Le mystère de l’identité des commanditaires demeure entier même si les ténors 
purgeant des peines à la prison sont soupçonnés en première ligne

- Publicité -

Le volet de la cagnotte d’au moins Rs 100 M pour le paiement de la cargaison 
fait l’objet d’un Money Trail confié à l’ICAC

L’ADSU tentera de retracer les appels téléphoniques des suspects, dont le dénommé Tirania, pour les 6 à 9 derniers mois, soit la durée des préparatifs d’une telle mission

La dernière saisie en haute mer de 110 kilos d’héroïne d’une valeur marchande de Rs 1,6 milliard, a donné lieu à de grosses manœuvres de la part de l’Anti-Drug and Smuggling Unit (ADSU). Survol par hélicoptère des lieux où se trouvait le puissant hors-bord sans identification avec les 100 sachets de 1,1 kilo d’héroïne, et le directeur général de l’ADSU, le Deputy Commissioner of Police Choolun Bhojoo dirigeant les opérations du ciel. Intervention en mer des Fast Interceptors de la National Coast Guard (NCG) pour immobiliser les suspects. Présence des blindés de la Special Mobile Force pour le transfert de la cargaison de drogue de Grand-Baie aux Casernes centrales avec l’arrestation de trois suspects à bord, soit Oomar Karrimbaccus, 51 ans, alias Tirania, déjà condamné pour trafic de drogue en 2006, et ses complices Fabrice Hemsley Jean-Pierre (35 ans) et Jean Michel Rosette (33 ans). Il faudra ajouter à cela les déclarations répétées du Premier ministre, Pravind Jugnauth, sur le travail abattu par l’ADSU. Toutefois, à ce stade préliminaire de l’enquête sur cette nouvelle saisie d’envergure, un véritable casse-tête se pose à l’ADSU quant aux tenants et aboutissants de cette tentative des trafiquants de déjouer le système de contrôle et de lutte contre le trafic de drogue.

Les plus fins limiers de l’ADSU, rompus à ces opérations, savent pertinemment bien que l’interrogatoire des suspects, entamé dans les prochains jours, ne constituera qu’une formalité. “C’est dans la logique des choses. L’ADSU ne s’attend pas à obtenir des aveux de ces trois passeurs au sujet de l’identité des commanditaires de cette cargaison de drogue. L’exemple classique demeure le cas de Navin Kistnah, qui bénéficie d’un traitement princier au QG de l’ADSU depuis 19 mois déjà. Ce trafiquant de drogue a-t-il ouvert une piste pour démanteler la filière de mars 2017? L’un des rares indices a probablement mené à l’arrestation d’un aide-chauffeur. Et c’est tout”, fait-on comprendre aux Casernes centrales en fin de semaine.

Toutefois, l’ADSU détient une carte pour percer une partie du mystère sous la forme d’équipements téléphoniques hyper-sophistiqués et de cartes Sim, dont une au nom d’un opérateur de téléphonie mobile à Madagascar. D’ailleurs, l’ADSU soupçonne que le dénommé Tirania, qui avait été entendu par la commission d’enquête Lam Shang Leen, assurait la coordination avec les parrains de la mafia et autres partenaires du réseau. Des recoupements d’enquête de l’ADSU indiquent qu’il recevait des instructions d’un des principaux lieutenants opérant au sein du clan Chowrimootoo.
“Tirania ti pe gagn kontak ar dimounn la lor telefonn. Mem kan li ti an mer”, laisse-t-on entendre dans les milieux de l’ADSU, qui se gardent de fournir la moindre indication sur l’identité de ce contact. Les démarches en vue de solliciter des Judge’s Orders pour le décryptage des mémoires de ces téléphones ont déjà été engagées avant de remettre officiellement les téléphones cellulaires saisis de même que les cartes Sim. Comme tel a été le cas dans l’enquête ayant abouti à l’inculpation du Senior member-at-the-Bar, Me Rex Stephen, dans l’affaire des Rs 1,5 M de Veeren Peroumal, ces relevés téléphoniques devront être déterminants pour la suite de cette enquête.

L’examen des appels téléphoniques d’Oomar Karrimbaccus, Fabrice Hemsley Jean-Pierre et de Jean-Michel Rosette ne se limiterait pas aux derniers jours précédant leur arrestation. L’ADSU pourrait passer au crible la mémoire des cellulaires pour les derniers six ou neuf mois aussi bien que des contacts entretenus au cours de cette même période. “Une telle opération pour l’importation d’une aussi importante quantité de drogue se prépare sur une assez longue période, soit entre six et neuf mois. Toute une série de démarches doivent être entamées, que ce soit sur le plan du financement, de la logistique et du recrutement des passeurs”, confirment des sources à l’ADSU. Le puzzle de ces appels téléphoniques et autres contacts physiques devrait déboucher sur un fil conducteur menant au cerveau.

Les premières pistes envisagées portent sur les ténors du trafic de drogue condamnés à la prison. D’ailleurs, l’ADSU privilégie les liens établis avec le milieu de la drogue par le dénommé Tirania, notamment avec Gérald Prosper, lors de ses six ans en milieu carcéral pour trafic de drogue. Un premier exercice surprise se déroulant quasi simultanément, mercredi, à la prison de haute sécurité de Melrose, à La Bastille et à la Prison centrale de Beau-Bassin, n’a pas donné des résultats escomptés. Les cellules attribuées à des trafiquants de drogue avaient fait l’objet de perquisitions en vue de découvrir des téléphones et autres accessoires de communication les liant avec la commande des 110 kilos d’héroïne.
À ce jour, en dépit de la succession de saisies de drogue, dont le poids varie de 135 kilos pour la cargaison du 9 mars 2017 à un kilo du constable Govindasamy Basana-Reddi de juin 2017, les enquêtes n’ont pas permis de relever des indices probants sur le mouvement de fonds, notamment en devises étrangères, pour conclure les deals. L’ADSU compte s’appuyer sur l’expertise de l’Independent Commission Against Corruption pour des Money Trails aux termes de la Financial Intelligence and Anti-Money Laundering Act. Mais dans l’immédiat, du côté du Réduit Triangle, l’on préfère laisser le champ libre à l’ADSU pour approfondir l’enquête sous les dispositions de la Dangerous Drugs Act.

Toutefois, la thèse des colis d’héroïne jetés en mer à partir d’un cargo croisant dans les parages est sur le point d’être démantibulée. Devant les Exhibits se trouvant à bord de l’embarcation banalisée, l’ADSU est de plus en plus convaincue que ces trois suspects avaient fait le déplacement à Madagascar pour aller prendre livraison de la cargaison de drogue. Mais qu’au retour, une contrariété mécanique avait fait qu’il avait raté le rendez-vous de Rivière-Noire de lundi pour se faire rattraper par l’ADSU au large de Grand-Baie dans la matinée de mardi.

Un dernier élément à retenir avant les séances d’interrogatoire Under Camera de la semaine prochaine, les 100 sachets d’héroïne portent en général encore des libellés d’origine, soit de l’Afghanistan ou du Pakistan. Une confirmation que la cargaison était destinée directement à Maurice pour alimenter le marché en marge des fêtes de fin d’année et que Madagascar n’était qu’un Transit Point dans le réseau.

- Publicité -
EN CONTINU

l'édition du jour

- Publicité -