ECO-VID 20 – OPÉRATION « ZOLI TIFI » – MK : débarquement immédiat et sans réclamation !

Des pilotes et membres du personnel navigant terminent 2020 en songeant à trouver de l’emploi ailleurs, avec le flou persistant sur l’avenir d’Air Mauritius

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Le Rescue Plan des administrateurs Sattar Hajee Abdoula et Arvind Gokhool dépendra de ce que décidera l’actionnaire majoritaire, à savoir l’État

Le Mayday d’Air Mauritius du 22 avril 2020 est équivalent à la consigne à l’envers entendue dans des aéroports au départ des avions. En effet, pour la majorité des employés de la compagnie nationale d’aviation la mise sous administration de la fierté de la République de Maurice n’est autre qu’une injonction pour « débarquement immédiat » et sans réclamation possible. Pour les quelque 3 500 employés d’Air Mauritius, depuis cette date fatidique, le quotidien se conjugue à l’angoisse. Et ce n’est pas demain que le sourire légendaire d’accueil reviendra.

La plupart d’entre eux ne sont pas encore fixés sur leur sort professionnel au sein de la compagnie, qui reste l’un des dossiers brûlants de cette année, et qui sera encore de brûlante actualité en cette année nouvelle. Les intentions des administrateurs de Grant Thornton demeurant floues, et déjà bon nombre d’entre eux songent déjà à chercher de l’emploi ailleurs, ou encore à l’étranger. S’ils ne l’ont pas fait jusqu’ici vu les conditions d’emploi imposées, dont seulement des salaires, représentant une moyenne de 35%. Si ce n’est zéro sou à chaque fin de mois.

Plusieurs employés d’Air Mauritius, notamment du côté des pilotes, mais aussi des Cabin Crew Members, ne savent plus comment joindre les deux bouts en cette période de fin d’année, étant en effet en “chômage technique”. « Ena enn bon parti pilot morisien ladan. Zot tou pe fristre ki pena travay. Ena kinn tas dan lakaz depi mwa juin ek pa pe kone ki pou arive pli divan », confie ainsi un jeune pilote mauricien tout amer.

« Nou pa kone kifer expatrie pe kapav anvole. Ena ki mwins senior ki nou ladan ek bizin dir finn fek rantre konpare a nou. Ena pe dir ki sa bann expat-la pe favorize parski ti fer zot bann promes pou zot vinn travay Air Mauritius. Paret ki sa bannla ki pe gagn priorite », poursuit ce jeune, qui avance que sa situation personnelle et familiale se détériore dans la conjoncture. « Pe asize lakaz, pena rol. Alon dir ki nou pe profit inpe prezans parmi fami, me kan mem, inn ariv desam aster ek nou pankor gagn oken eklersisman ki pou arive », affirme-t-il. Il explique ainsi que sa famille a fait des sacrifices pour qu’il puisse entamer des études supérieures dans le domaine.
« Ti enn fierte travay pilot dan enn national flyer. Me zordi ek seki pe pase, nou karyer profesionel pe pran enn kou ki nou pa ti panse enn zour pou arive », ajoute-t-il. Et de laisser entendre que contrairement à des collègues à lui, qui ont dû avoir recours à des jobs “bat-bate”, il n’a pu en faire de même en raison de quelques obligations personnelles. Cependant, il ne cache pas qu’il multiplie les contacts et lance des demandes à des compagnies internationales dans le domaine de l’aviation pour essayer de se frayer un nouveau chemin dans ce secteur, qui en a pris un coup à l’échelle mondiale avec la pandémie.

« Dizon ki bann lezot konpani pa dan mem sitiasion ki MK. Ena pe fini koumans planifie enn repriz an 2021. Peu inport li Lazi ou Lerop, seki gagne bizin koumans konsidere », soutient-il. « Mo prefer res dan sekter pilot. Mo finn swazir pou fer sa kom karyer. Kan mem bizin rod an deor Moris pou bizin fer li. Mo per ki mo al met mo lespwar lor bann fos promess ek perdi partou an 2021 », dit le jeune homme.

Un autre collègue pilote explique que sa situation financière s’est autant corsée qu’il a dû rendre les clés de l’appartement qu’il louait. « Nepli ena kas pou onor bann angazman finansie personel. Ou kapav imazine ki kalite li stresan seki nou pe pase ? Kovid finn provok enn sitiasion, me pou nou, li diferan ek li pli dir pou bann travayer MK », avance-t-il.
D’ailleurs, une polémique a surgi durant le mois de décembre avec l’augmentation des vols cargo pour la période de fin d’année. Une bonne partie des pilotes, qui sont en congé sans solde depuis octobre et novembre après avoir obtenu un nouveau contrat de travail des administrateurs, les contraignant à un “leave without pay” pour une période de 3 à 18 mois, soutiennent qu’ils peuvent voler dans la conjoncture.

L’on déplore ainsi que MK aurait “réemployé” des pilotes sans contrat et dont les licences doivent être renouvelées, avec des coûts additionnels à la compagnie.

Dans le camp des administrateurs, on affirme que les points avancés par les pilotes concernés ne tiennent pas la route. On explique ainsi dans les milieux informés de Grant Thornton que les pilotes, Mauriciens et expatriés inclus, travaillant à temps partiel, ont été invités à voler suite à un besoin de vols cargo, et que ceux qui déplorent cette décision sont actuellement en congé sans solde pour une durée de trois mois, comme convenu dans le cadre de leur nouvelle offre d’emploi.

« Papa ti bizin al an retret, me li pann fer li akoz mwa »

Du côté des Cabin Crews, la situation est presque semblable. L’un d’eux confie d’ailleurs qu’il doit recourir à des travaux manuels ces jours-ci pour survivre. « Mo papa ti bizin al an retret sa lane la. Me li pann fer li akoz mwa », affirme ce membre du personnel navigant d’Air Mauritius. « Nou ti panse ek Kovid problem-la pou tanporer, me malerezman lindristi lamem an difikilte ek Air Mauritius ena so gro problem finans. Finn ena bann rediksion saler. Lapey finn koupe par de tier. Lavi-la inn sanz net, ek pa kone mem ki pe atan nou pli divan ek ki gouvernman pou deside pou sov MK », explique ce Cabin Crew.

Pour lui, le plafond salarial imposé depuis octobre dernier par Sattar Hajee Abdoula et Arvind Gokhool pour amortir la chute financière dans laquelle MK se retrouve, soit uniquement Rs 25 000 mensuellement, et ce, jusqu’à nouvel ordre, en mars 2021, n’aide pas les familles concernées. « Nou part-time roster-la li pa vreman part-time. Parski zot donn boukou standby ladan. Me nou pa gagn la kantite off days pou travay ayer », laisse-t-il entendre.

Le Watershed Meeting fixé à juin 2021

Les administrateurs nommés de la compagnie aérienne nationale, Air Mauritius, Sattar Hajee Abdoula et Arvind Gokhool, bénéficient actuellement d’un répit de sept mois pour le Rescue Plan et d’une éventuelle sortie sous administration de la société. Ils avancent que l’absence de visibilité, notamment en Europe, complique davantage la situation dans laquelle se trouve MK. Reconnaissant les incertitudes qui planent quant à la reprise normale des dessertes commerciales, en particulier vers les principales destinations d’Air Mauritius, l’on préfère faire preuve de prudence.
« Bien que nous accueillions favorablement l’imminente mise au point d’un vaccin contre le coronavirus, nous souhaitons rester prudents au vu de la situation dans nos marchés principaux. Reporter le Watershed Meeting était, pour nous, la chose la plus raisonnable à faire », indique l’administrateur Sattar Hajee Abdoula.

Le fait brutal demeure que la balle serait toutefois dans le camp de l’actionnaire majoritaire, en l’occurrence l’État, le dossier Air Mauritius comportant aussi des “political undertones” pour le Premier ministre et leader de L’Alliance Morisien.

Toutefois, l’enveloppe financière pour le Rescue Plan de MK accordée par le ministre des Finances Renganaden Padayachy, soit Rs 9 milliards, est jugée « insuffisante » pour permettre le redécollage d’Air Mauritius. À Lakwizinn du Prime Minister’s Office, deux camps s’affrontent en cette fin d’année en toile de fond l’avenir de la compagnie nationale d’aviation, soit ceux qui croient qu’il faut injecter les fonds nécessaires pour permettre à Air Mauritius de survivre soit ceux qui, au contraire, prônent la liquidation au vu de la situation financière agonisante pour mettre sur pied une New Air Mauritius.
Affaire à suivre…TECHNICIEN À MK : « On a très peur »

Technicien au sein de la compagnie aérienne nationale, Air Mauritius, père de deux enfants, il accepte de témoigner sous couverture de l’anonymat par peur de représailles. « Avec la situation chez nous de plus en plus incertaine, il faut être vigilant. Toutes les raisons sont bonnes pour licencier », dit-il. Cet employé d’Air Mauritius, qui compte plus de 20 ans de service au sein de la compagnie, s’est retrouvé du jour au lendemain dans une situation difficile, avec la mise sous administration de la compagnie aérienne. « Au début, on pensait que cette crise allait être passagère et, qu’avec la réouverture des frontières, la situation d’Air Mauritius allait s’améliorer, mais là, on a très peur. L’avenir est sombre et incertain », dit-il.
Père de deux enfants en bas âge, qui fréquentent des écoles privées payantes, le premier challenge pour lui, avec la réduction des salaires et la formule de travailler à temps partiel, explique-t-il, a été de trouver les fonds nécessaires pour assurer la scolarité des enfants. En période de confinement, dit-il, les écoles ont fait la part des choses en réduisant à moitié les frais de scolarité. Mais avec la reprise des classes à la normale, dit-il, il a fallu recommencer à payer la mensualité en entier.

« Mon épouse travaille déjà comme Administrative Secretary dans une firme privée dont la maison mère se trouve en France. La compagnie rencontre aussi des difficultés financières et a décidé de réduire les salaires de ses employés. Du coup, elle aussi perçoit moins. Depuis deux mois, mon épouse a commencé à préparer des gâteaux dont elle fait le marketing sur les réseaux sociaux. Tant bien que mal, elle essaie de vendre ses sucreries afin d’avoir plus d’argent pour joindre les deux bouts mais ce n’est toujours pas suffisant, car moi je ne perçois que mon salaire de base. Presque la moitié de ce que j’avais avant », explique-t-il.

C’est la première année, dit-il, que les enfants se retrouveront avec le strict minimum pour Noël. « Ils croient au Père Noël, donc on ne peut pas les décevoir mais on leur a fait comprendre que le Père Noël sera très pauvre cette année », dit-il, ajoutant qu’ils vivent depuis des mois sur les économies.

Ce technicien n’est pas au bout de ses peines, car le propriétaire de l’appartement qu’il loue, depuis des années, lui a fait comprendre qu’il devra plier bagage l’année prochaine. Mon épouse, poursuit-il, a été à la banque pour voir si elle pouvait contracter un Home Loan pour s’acheter un bien immobilier, mais la banque le lui a catégoriquement refusé, car je suis employé d’Air Mauritius. « Même si elle est éligible à cet emprunt, elle ne pourra pas l’avoir parce que je suis chez MK », dit-il.

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