ÉCONOMIE – COUNTRY ECONOMIC MEMORANDUM : Pavé de la Banque mondiale dans la mare du budget

  • Le paiement de la Basic Retirement Pension, gelée à Rs 9 000 par mois et payable qu’à partir de 65 ans à l’agenda
  • Mise à l’index sans équivoque de la Banque de Maurice et les Off-Budget Funds, dont la Mauritius Investment Corporation Ltd
  • La pandémie du COVID-19 a administré un Severe Blow au secteur des exportations, avec le tourisme sur ses genoux

Le Country Economic Memorandum de la Banque Mondiale de 177 pages représente un véritable pavé dans la mare du budget 2021/22 devant être présenté par le ministre des Finances, Renganaden Padayachy, le vendredi 11 juin. Certes, ce document, qui tient compte des dégâts conséquents de la pandémie de Covid-19 aux principaux secteurs de l’économie, souligne dès la page 11 que « the shocks of 2020 came at a time when serious structural cracks were beginning to appear in the foundation of Mauritius’ long term growth model ». Pour cette institution sœur du Fonds Monétaire International (FMI), le Covid-19 Wake-Up Call devra pousser les autorités à s’engager dans une thérapie pour remédier à quatre « interrelated challenges », qui ont émergé à savoir Unlocking Investment, Restoring Competitiveness, Maintaining Inclusiveness et Doing More With Less.

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Toutefois, une des propositions de réforme du système de pension à deux volets, soit repousser l’âge du paiement de la pension de vieillesse à 65 ans au lieu des 60 ans actuellement et le Capping du montant de Basic Retirement Pension (BRP) à Rs 9 000 par mois, qui est déjà en vigueur avec le Grand Argentier privant dès janvier de cette année, de la compensation salariale, devra alimenter les débats sur le plan national. Ensuite, la Banque Mondiale est venue en appoint au FMI en dénonçant sans équivoque la nouvelle vocation de générosité de la Banque de Maurice envers le gouvernement, démarche en complément des interventions de la Mauritius Investment Corporation Limited et portant atteinte à l’intégrité de la politique monétaire.

Le Timing de la publication de ce document sous le titre de Mauritius – Through the Eye of a Perfect Storm – Coming Back Stronger from the Covid Crisis, dressant un état des lieux de l’économie avec des pistes de réforme et de consolidation fiscale, n’est nullement fortuit. D’ailleurs, au chapitre consacré à The Road Ahead, quasiment un Budget 2021/22 Agenda Setting, la Banque Mondiale s’appesantit sur le fait que « critical decisions to implement a new reform agenda could already be launched under the 2021/22 budget ». Le document ajoute d’emblée que « some priority actions could be launched immediately under the FY 21/22 budget to kickstart the process. These represent an ambitious yet feasible first step to put Mauritius on a reform trajectory to navigate the current storm and emerge on a stronger, more resilient and more inclusive growth trajectory ».

Dans la conjoncture budgétaire, les intentions du ministre des Finances, qui a initié dans le dernier budget un début de réforme de pension avec l’introduction de la Contribution Sociale Généralisée (CSG) avec le démantèlement du National Pensions Fund, attendent d’être précisées et approfondies. Le document de la Banque Mondiale ne passe pas par quatre chemins pour rappeler que « Mauritius is a rapidly ageing society, which is causing pressure on both the labor market and social security system ». Avec aujourd’hui un Mauricien sur sept âgé de plus de 60 ans pour passer à un sur quatre à la fin de cette décennie, soit en 2030 et un sur trois à partir de 2045, la Banque Mondiale concède que le maintien de la croissance avec une population vieillissante s’est révélé un Challenge dans d’autres pays avec des pressions énormes sur le système de protection sociale.

Avec le constat que plus de 50% de l’enveloppe budgétaire de la protection sociale consacrée au versement de la Basic Retirement Pension, la Banque Mondiale ne rate pas de souligner que « this is increasingly costly, poorly targeted with adverse labor market incentives for early retirement ». En sus des pressions démographiques, les effets de Covid-19 avec des « tightening fiscal and social demands » placent en priorité la réforme de la pension avec deux volets, soit repousser l’âge de qualification pour la Basic Retirement Pension de 60 à 65 ans et le gel du montant de la pension à Rs 9 000, soit adieu à la promesse électorale du Premier ministre, Pravind Jugnauth, visant à doubler le montant de la pension à Rs 23 500 à la fin de ce présent mandat, soit dans trois ans.

La réforme préconisée à court terme portant sur la réallocation des fonds de la Basic Retirement Pension vers des Targeted Social Programs s’articule sur plusieurs volets. De ce fait, la proposition, susceptible de provoquer des passions, est qu’à partir de cette année, « the eligibility age for Basic Retirement Pension would have to rise of six months per calendar until it reaches age 65 in 2030, in line with the retirement age for contributory benefits ».

Le gel du montant de la pension à Rs 9 000 sera maintenu jusqu’à ce que ce montant représente 20% de la moyenne des salaires, le « benchmark for poverty alleviation for non-contributors ». Ce ne sera qu’à partir de ce seuil que le montant de la pension pourra être indexé aux salaires. Force est de constater que depuis janvier dernier, en refusant de payer la compensation salariale sur la pension de vieillesse, le gouvernement Jugnauth a déjà fait sienne cette décision même si officiellement le montant économisé devait servir au financement de l’achat de vaccins anti-Covid-19.

La Banque Mondiale demande au gouvernement de venir de l’avant avec une série d’accompagnements dont
revoir à la hausse l’âge de la retraite, en ligne avec l’espérance de vie (Life Expectancy) ;
réduire le montant de la Basic Retirement Pension pour les High Income Brackets ;
revoir à la hausse le Contribution Rate « in line with the rates in other High-Income Aging Countries », où le taux de contribution est de l’ordre de 20% pour les salariés et les employeurs ;
des solutions alternatives pour les salariés avec le démantèlement du National Pensions Fund, dont la promotion de Private Pension Options.
La Banque Mondiale commente également l’introduction de la Contribution Sociale Généralisée (CSG) avec « the initial benefit level » de l’ordre de Rs 2 500 par mois. Mais la zone d’ombre se résume à « how benefits are increased over time ». À ce titre, l’analyse de la Banque Mondiale recommande « a clear legally mandated link to CSG revenue, perhaps a moving average over the previous three to five years’ income to avoid sudden fluctuations and create buffers in good times ».Le Country Economic Memorandum (CEM) met également en relief une série d’obstacles à surmonter pour garantir la viabilité à long terme de la Contribution Sociale Généralisée (voir encart plus loin).

En ce qui concerne le plan Marshall venant en aide à quelque 11 000 ménages au bas de l’échelle, la Banque Mondiale note que « additional efforts are warranted to update the Social Registry, especially in light of the impact of Covid-19 ». Un récent survey des groupes vulnérables indique que 34% de ceux approchés ne font pas partie du Social Registry même si les critères d’éligibilité sont applicables.

La Banque Mondiale se dit aussi en faveur d’une révision des subsides sur les produits de consommation. « Eligibility for other public transfers that are universally provided should be reviewed, particularly consumption subsidies ». Les économies ainsi réalisées seront réallouées à des Targeted Programs comme le Marshall Plan Social Contract et autres allocations pour ceux qui en ont bien besoin, dont les personnes âgées, pour assurer des « adequate standards of living ».

Abordant le volet du soutien avec la pandémie de Covid-19, Maurice – avec un programme représentant 32% du PIB de 2020, soit Rs 147 milliards – se présente comme « the fourth largest Covid-response package » au monde, après l’Allemagne avec 40%, l’Italie 39% et le Japon 35%. Cette entrée en matière ouvre la voie à de sévères critiques contre l’engagement outrancier de la Banque de Maurice vu que « such an agenda is not within the mandate or expertise of a central Bank tasked with conducting independent monetary policy ».

L’importance assumée par la Mauritius Investment Corporation Limited, la filiale de la Banque de Maurice, avec son War Chest de Rs 82 milliards, fait l’objet de controverse vu que « the MIC stands out in terms of its sheer size and medium to long-term perspective of its engagement ».

Les critiques ne manquent, notamment au paragraphe 196 du rapport : « the increasing reliance on off-budget funds and Central Bank involvement in fiscal activities have weakened the effectiveness of public financial management ». La Banque Mondiale dénonce le fait que depuis ces dernières années les projets d’infrastructure les plus conséquents sont exécutés Off-Budget avec la mise en place de Special Purpose Vehicles, comme il a été le cas pour le Metro Express, le National Resilience Fund, le National Environment Fund et tout récemment le Covid-19 Projects Development Fund.

La démarche du gouvernement de s’appuyer sur « the reliance on Off-Budget vehicles and the Central Bank for fiscal activity » est perçue comme une atteinte à l’intégrité du processus budgétaire, du Medium-Term Fiscal Framework et le contrôle des dépenses publiques. Et à la Banque Mondiale de souligner que « the precedent set by the Central Bank transfers to the budget could affect the credibility of monetary policy and fiscal consolidation efforts ». Le transfert des Rs 60 milliards, soit 13,5% du PIB, de la Banque Mondiale au ministère des Finances est comme une fausse digestion en raison de sa “non-refundable nature and size”.

Ce recours à cette One-Off Measure under unprecedented circumstances, avec la Banque Centrale se rendant des plus vulnérables, s’inscrit en faux à la nécessité de « strengthening the key function of the budget and MTFF to plan and monitor public finances in a transparent manner and government’s ability to manage the fiscal consolidation efforts ahead and make more efficient use of public resources ».

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