Économie : La somme de tous les dangers !

L’ombre des années 1980 plane sur la croissance économique et les affres du chômage structurel guettent

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Avec un million de touristes de moins, l’hébergement et la restauration écopent d’une baisse de régime de 70%

La manufacture, dont le textile déjà en difficulté depuis 2015, à hauteur seulement de 55% de sa capacité de production

Les coupes dans les salaires et autres « fringe benefits » se traduiront par une réduction de 12%, si ce n’est plus, dans la consommation des ménages

Les dernières prévisions de Statistics Mauritius concernant les paramètres économiques, tous au rouge, représentent la somme de tous les dangers pour le nouvel exercice financier à partir du 1er juillet. Avec une contraction quasi inédite de la croissance de l’ordre de 13% en sus du déficit budgétaire de 13,6%, le rêve vendu à l’Assemblée nationale, mardi, par le Deputy Prime Minister raté, Alan Ganoo, autour de la league of high economies, notamment avec un per capita income de plus de $ 10 000, s’estompe irrémédiablement. Un retour vers les années 1980 avec le pire taux de croissance s’annonce et les affres du chômage guettent. Les effets combinés de la pandémie de COVID-19 et de la tendance baissière de la performance économique enregistrée au cours de ces dernières années font que les trickle down effects pèsent très lourd sur les ménages. Nullement des prédictions d’oiseaux de mauvais augure, car les chiffres prévus par Statistics Mauritius au niveau des différents compartiments de la vie économique sont sans compromis et tranchent par rapport au discours officiel.

« Although restrictions begin to ease, the path to early economic recovery remains highly uncertain. Under these circumstances, the forecast of 2020 has been built on a scenario which envisages a more prolongued recovery. Recovery will take time for sectors in extreme difficulties and there is also no near term prospect that will bring GDP to its pre-pandemic level », prend le soin de souligner Statistics Mauritius, avant de disséquer l’état des lieux. À titre d’exemple, le tourisme, représentant une contribution de 25% au Produit intérieur brut (PIB), devra se contenter d’un million de visiteurs en moins, résultant d’une baisse d’activités de l’ordre de 70%.

À la faveur de la révocation de l’ancien Deputy Prime Minister et leader du Muvman Liberater, Ivan Collendavelloo, le porte-feuille du tourisme a bénéficié d’une promotion dans la hiérarchie politique. En effet, Steven Obeegadoo, le membre du gouvernement qui s’est distingué avec son opération d’éviction de squatters en pleine période de confinement, devenu le N°2 du gouvernement de l’Alliance Morisien, devra assurer la relance de ce secteur économique. Dans un premier temps, la balle est dans le camp de Mauritius Investment Corporation Limited avec au moins entre Rs 12 milliards et Rs 15 milliards sollicitées par les majors de l’industrie touristique des demandes d’au moins Rs 20 milliards enregistrées à la fin de la semaine dernière.

Avec seulement un maximum de 400 000 touristes sur le chiffre de 1,4 million de l’année dernière, le nouveau patron politique de ce secteur d’activités économiques devra faire avec un taux de contraction estimé à 70% et surtout les incertitudes liées à la réouverture des frontières sur les principaux marchés de la destination touristique mauricienne. Les plus optimistes des prévisions misent sur une reprise dans ce secteur vers la fin de 2021, même si dans d’autres milieux, brandissant la résilience et la réputation COVID-19 Free de Maurice, croient à des  « green shoots » bien plus prématurés. Toutefois, personne ne croit que «le marché touristique interne suffira pour apporter le ballon d’oxygène aux entités hôtelières ».

Dans la conjoncture, avec les injections de fonds en provenance des réserves en devises étrangères de la Banque de Maurice, la question qui se pose demeure quelle répartition s’impose entre la sauvegarde des emplois, dont la relance des opérations dans le tourisme, et le financement de l’endettement des opérateurs auprès du secteur bancaire. En l’absence des revenus d’opération, ces compagnies ont déjà engagé des négociations avec les banques pour le rééchelonnement des emprunts contractés. Les dernières statistiques officielles de la Banque de Maurice indiquent qu’à la fin d’avril dernier, sur les Rs 38,8 milliards de bank loans à l’industrie touristique, Rs 34 milliards, dont Rs 20,5 milliards en devises étrangères, ont été englouties par les resort hotels, soit les grosses pointures.

« Avec les opérations à venir de Mauritius Investment Corporation Ltd, la Banque de Maurice s’engage dans un exercice d’équilibriste entre assurer la stabilité du système bancaire contre des effets différés d’impairment et l’impérieuse nécessité de la part du gouvernement de préserver le maximum d’emplois dans la conjoncture », fait-on comprendre dans des milieux concernés aux premières communications de MIC Limited.

Force est de constater que l’industrie touristique à l’arrêt depuis mars dernier influe également sur les administrative and support service activities. Les opérations des service providers, comme dans la filière de location de voitures et des agences de voyages, se préparent pour faire face à une réduction de croissance de 20% en 2020. Et cela sans oublier le chômage technique forcé imposé aux plaisanciers faute de touristes.

L’autre filière économique affectée par les séquelles de la pandémie de coronavirus n’est autre que la manufacturière, déjà accablée par des problèmes structurels depuis au moins 2015. Ce dernier détail fait partie des analyses de Statistics Mauritius. Pour l’année en cours, la contraction est estimée à quelque 45%. D’ailleurs, à la fin du premier trimestre, avec le lockdown en vigueur juste avant la fin de mars dernier, ce secteur avait enregistré une contraction de 3,7% après celle de 0,5% pour le dernier trimestre de l’année dernière. Le textile affichait une baisse de 11,1%, le sucre de 6% et l’alimentation de 5,5%.

Morosité économique

La filière textile, avec les opérateurs dans les Top Ten Performers s’en remettant à la Mauritius Investment Corporation, traverse l’une des passes les plus difficiles, même si à ce jour, très peu de signaux sont visibles quant aux intentions en termes d’emplois. « The textile industry which was already experiencing difficulties since 2015 is expected to deteriorate further post-COVID-19 following poor demand from our main export partners », notent les estimates de Statistics Mauritius. L’année dernière, le textile avait subi une décroissance de 5,9%, poursuivant la tendance baissière avec les -6,8% de 2018.

La construction, avec des dettes bancaires de Rs 18,8 milliards, se présente au tableau de Statistics Mauritius avec un déclin de 20% contre une progression de 8,5% l’année dernière. À l’exception des projets d’infrastructure dans le public, devant connaître une relance au cours du prochain semestre, le privé s’est déjà mis à revoir ses plans pour des investissements dans le bâtiment. Deux facteurs son tenus en ligne de compte à cet effet, notamment l’absence totale de visibilité dans le secteur de l’immobilier, même avec le budgetary package concocté par le ministre des Finances, Renganaden Padayachy, et la disponibilité rétrécie de facilités financières auprès des banques et autres institutions.

Les conséquences agglomérées de ce ralentissement général des activités économiques, de la révision générale à la baisse des salaires et fringe benefits et risques encore réels de licenciements se feront ressentir sur la consommation de ménages, une des locomotives de la croissance. Les dernières prévisions indiquent qu’une réduction de 12% pourrait intervenir sur le plan du commerce au détail et en gros en général. Et les cascading effects en termes de morosité économique.

D’ailleurs, dès la sortie du confinement, les possibilités d’accès aux crédits sont devenues plus astreignantes pour les ménages. De nouvelles exigences sont imposées par les sociétés de financement ne voulant pas prendre de risques d’ouvrir la porte à un surendettement des familles mauriciennes. Les prêts bancaires aux ménages sont de l’ordre de Rs 112,8 milliards, dont Rs 73 milliards pour la construction résidentielle.

L’une des rares activités économiques susceptibles d’éviter la zone rouge en 2020 est les financial and insurance activities avec une croissance nominale de 1%. Les effets de la blacklist de l’Union européenne et du nouvel environnement opérationnel établi en Inde devront se faire sentir dès cette année. Au cours des deux précédentes années, une performance robuste au-dessus de la barre des 5% avait été attribuée au secteur des services financiers.

Donc, une note of warning s’impose, avec les banques dans l’obligation de mettre en pratique une enhanced due diligence pour toute transaction transfrontalière jusqu’à ce que Maurice parvienne à sortir de la liste noire. Et aussi, l’endettement des Financial GBC1s, des Non-Financial GBC 1s et des GBC 2s auprès des banques est de Rs 84 milliards sur les quelque Rs 400 milliards dans les livres de compte officiels. Et sans compter les appréhensions de volatilité découlant des retraits de fonds conséquents du système bancaire

 

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