Économie — Relations Inde/Maurice : L’offshore au coeur des préoccupations

Depuis le 23 septembre dernier, le Global Business Sector, considéré comme l’un des piliers de l’économie, fait face à de graves menaces, notamment en provenance d’Inde avec des risques accrus pour des Mauritius India Bound Investments de l’ordre de 90 milliards de dollars américains. A cette date, les autorités indiennes, notamment le Securities and Exchange Board of India (SEBI), a promulgué des Foreign Portfolio Investors (FPI) Regulations revues et corrigées en remplacement de celles en vigueur depuis 2014 et sous lesquelles l’offshore a articulé sa croissance robuste. Mais avec le nouvel environnement imposé par l’Inde, Maurice  et surtout les entités incorporées et Licensed par la Financial Services Commission  se voient imposer de strictes conditions et règlements pour l’enregistrement en vue d’opérer dans le secteur de la haute finance. De ce fait, le Global Business Sector de Maurice est nettement désavantagé par rapport à d’autres jurisprudences internationales en compétition pour les investissements destinés à la Grande péninsule.

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A ce jour, toutes les tentatives, à différents niveaux, auprès des autorités indiennes en vue de permettre à Maurice de bénéficier des dérogations à ces nouvelles réglementations plus rigides ont échoué. Ainsi, profitant de sa visite privée en Inde après les élections générales du 7 novembre et de sa rencontre en tête à tête avec son homologue indien, Narendra Modi, à New Delhi, le Premier ministre, Pravind Jugnauh, a abordé les Predicaments de l’offshore. Ce political dialogue bilatéral au plus haut niveau est perçu comme une démarche “of the last resort requesting the Indian Government to look for a carve-out option for Mauritius”. D’où l’annonce du départ pour l’Inde de cette délégation comprenant principalement des représentants de la Financial Services Commission pour un nouveau round de discussions avec le SEBI à partir du 5 janvier.

Dans les milieux autorisés du Global Business Sector, que ce soit dans le camp des opérateurs ou celui des régulateurs, l’on parvient difficilement à dissimuler les appréhensions et préoccupations avec l’avènement de la nouvelle version des Foreign Portfolio Investors (FPI) Regulations. Et pour cause, à ce jour, la Financial Services Commission a octroyé des licences à quelque 945 fonds d’investissement, dont 322, soit presque un sur trois, gérant des investissements par le truchement des Foreign Portfolio Investors (FPI) Regulations en Inde pour un montant de 40 milliards de dollars américains.

D’autre part, de sources autorisées, l’on apprend que des Mauritius India Bound Investments sont évalués à plus de 90 milliards de dollars américains. L’assèchement des opérations de gestion de fonds avec l’Inde sous le régime des Foreign Portfolio Investors (FPI) Regulations pourraient générer des répercussions néfastes non seulement pour les emplois, mais pour la croissance de l’offshore à Maurice. Des effets sont également à craindre dans le secteur bancaire avec des séismes sur le plan de la stabilité financière de l’économie de Maurice.

Dans sa dernière édition du Financial Stability Report, publiée le mois dernier, la Banque de Maurice a voulu se montrer rassurante quant aux changements dans l’architecture des réglementations sur le front international. “The future evolution of GBC deposits might be gauged from developments taking place post-transition, and a plan to sustain the jurisdiction’s appeal beyond fiscal advantages is being implemented”, note la Banque centrale en faisant état du renforcement du footprint de l’offshore de Maurice en Afrique.

Une tentative de la dernière chance

Mais force est de constater qu’à court terme, le poids du Global Business Sector dans le circuit bancaire est des plus incontournables et que la gestion des risques devrait se faire avec doigté. “The GBC sector remains an important source of funding for banks in Mauritius. GBC deposits (inclusive of non-resident deposits) accounted for around 38,6 per cent of banking sector assets as in December 2018 (71.2% of Gross Domestuc Product) and around 33.6 per cent of banking sector assets as at June 2019 (68.3 per cent of GDP)”, ajoute la Banque de Maurice qui fait aussi comprendre que “banks have so far remained largely resilient to changes in the DTAA regime (with India)”.

Toutefois, indépendamment du fait que ce secteur de l’économie retiendra l’attention lors des prochaines Article IV Consultations avec le Fonds monétaire international (FMI), probablement au cours du premier trimestre de l’année prochaine, les autorités se voient dans l’obligation de multiplier les initiatives en Inde en vue de “force a case for Mauritius to be considered as Financial Action Task Force (FATF) equivalent”.  D’où l’urgence de la mission de haut niveau du 5 janvier 2020 avec pour mandat de convaincre le SEBI à revoir sa position après l’intervention de Pravind Jugnauth auprès de Narendra Modi.

L’étape du 5 janvier est perçue comme une tentative de la dernière chance pour éviter que le Global Business Sector ne soit appelé à naviguer dans des uncharted waters, car depuis l’adoption de ces Revised Foreign Portfolio Investors (FPI) Regulations, les pressions exercées par la Financial Services Commission, sans Chairperson depuis la démission de l’actuel ministre des Finances Renganaden Padayachy, pour se porter candidat aux dernières élections n’auraient pas donné les résultats escomptés avec une exemption pour Maurice au titre de la FATF Compliance.

L’effet principal des nouvelles Foreign Portfolio Investors (FPI) Regulations élaborées par SEBI est la classification des Funds et Fund Managers dans deux catégories distinctes avec des obligations différenciées. Ainsi, des Funds ou des Fund Managers opérant dans un FATF Member Country sont classés dans la catégorie I, alors que les autres sont parqués dans la catégorie II avec une clause obligatoire au sujet de “enhanced due diligence to be conducted on the investors on a recurrent basis”.

Dans la conjoncture, la difficulté est que “’the size of the economy does not qualify Mauritius to be a FATF member”. Toutefois, le dernier classement portant sur les Foreign Investment Flows vers l’Inde met Maurice en deuxième position en importance, juste derrière les États-Unis et devant le Luxembourg, Singapour, la Grande-Bretagne et même l’Irlande. A ce tableau de dix Top Investment Destinations, Maurice est la seule juridiction à ne pas être FATF Compliant, représentant un gros désavantage avec les nouvelles conditions en Inde.

Avec cette nouvelle configuration imposée par les Foreign Portfolio Investors (FPI) Regulations, les fonds et Fund Managers opérant dans l’Offshore ont approché la Financial Services Commission pour faire état des “qualms and concerns of their current clients”, devant subir des exercices de “due diligence on a recurrent basis with stricter KYC requirements when compared to the classification I requirement” et aussi des risques potentiels au développement futur du Global Business Sector.

Dans leurs représentations, les opérateurs de l’offshore font état du manque à gagner pour ce secteur, notamment que “Mauritius as a jurisdiction will lose the Investment Manager Entities”. Si aucune mesure n’est entérinée en faveur de Maurice, “with the Investment Managers locating to a different jurisdiction than Mauritius, this will impact the substance requirements for both the Funds and Investment Managers in respect of their core income generating activities”.

Lobbying intense

Dans le sillage des consultations avec les responsables de l’Association of Trust and Management Companies (ATMC) et de Global Finance Mauritius (GFM), la Financial Services Commission s’est éngagée dans une offensive avec des représentations soumises officiellement au SEBI au début d’octobre. L’argument mis en avant par la partie mauricienne est que le Global Business Sector est éligible pour la Category I Classification. Et cela pour plusieurs raisons, notamment que “Mauritius is fully compliant with FATF Recommendation 10; Mauritius has adopted effective mechanisms of collaboration; Mauritius is a signatory to IOSO MMoU; Mauritius complies with good governance principles and international best practices and Mauritius is a founding and active member of ESAAMLG”.

En dépit d’un lobbying intense pendant le mois d’octobre auprès des autorités à New Delhi et de la haute commission à Maurice et d’une représentation officielle du Prime Minister’s Offce “to consider the position of Mauritius to be at par with other FATF members by recognising Mauritius as a FATF-compliant jurisdiction for the purposes of the revised SEBI FPI Regulations”, le couperet devait tomber le 5 novembre, soit à 48 heures des dernières élections générales à Maurice. Les Operating Guidelines publiées par SEBI à cette date avaient complètement ignoré les multiples représentations formulées à différents niveaux par Maurice.

Pourtant, dans un premier temps, face aux protestations de Maurice, le Securities and Exchange Board of India avait indiqué que “further clarifications would be brought in the forthcoming Operating Guidelines and that the provisions under Category II would be aligned with those of Category I, resulting in the rationalisation of the KYC requirements a simplified registration process, irrespective of classification”.

Au lendemain des législatives du 7 novembre, les représentants de l’ATMC et de GFM allaient revenir à la charge sur l’Hôtel du gouvernement pour relancer l’offensive sur l’Inde en vue d’obtenir le statut de FATF-Compliance à Maurice, car “stricter KYC requirements for Category II may deter potential clients from using Mauritius in favour of FATF member jurisdictions and Category II FPI’s will face greater risk management constraints”.

Le rendez-vous au QG de SEBI du 5 janvier 2020, agréé lors des dernières consultations entre les deux chefs de gouvernement et qui se prépare avec fébrilité  depuis le retour de Pravind Jugnauth, est attendu avec une impatience redoublée, vu que l’équation pourrait se résumer à une question de vie ou de mort pour l’offshore mauricien…

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