En Cour suprême, cette semaine : Les pilotes traînent Air Mauritius et ses administrateurs en justice

Ils reprochent à leur employeur et aux administrateurs Sattar Hajee Abdoula et Arvindsingh Gokhool de Grant Thornton d’avoir profité de leurs faiblesses et de leur imposer des conditions  d’emplois abusives et illégales

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Demande est faite à la cour de faire respecter la négociation collective du 16 juillet dernier et de considérer nulles et non     avenues les conditions d’emploi de la lettre d’offre signée  sous la contrainte du temps par les pilotes

La Mauritius Airline Pilots Association (MALPA), syndicat qui compte dans ses rangs 90 pilotes, a logé une plainte en Cour suprême mercredi dernier 11 novembre 2020 à la compagnie aérienne nationale Air Mauritius (MK) et aux deux administrateurs Sattar Hajee Abdoula et Arvindsingh Gokhool de Grant Thornton. Les pilotes demandent à la cour de restreindre et d’interdire aux défendeurs de porter atteinte à leurs droits acquis, comme établi dans un accord de négociation collective signé le 16 juillet 2020.

Ils demandent aussi aux juges de statuer que les conditions d’emploi jointes à la lettre d’offre signée par eux n’avaient pas le consentement requis des membres demandeurs et que certaines, signées par les membres de la MALPA, sont abusives, illégales et, par conséquent, nulles et non avenues. La cour est aussi appelée à émettre une ordonnance permanente qui interdirait à MK et aux administrateurs de continuer à imposer le leave without pay (LWP) à ses employés.

Les pilotes sont particulièrement remontées contre les tactiques dilatoires qualifiées d’«injustes et abusives» employées par MK et ses administrateurs pour mettre à mal leurs droits acquis. Les plaignants affirment que les membres de la MALPA sont par conséquent lésés par la manière de faire et le traitement qui leur ont été infligés par MK et les administrateurs qui ont maintes fois bafoué les principes de base du dialogue social, la nouvelle convention collective du 16 juillet 2020 et, enfin, la mise en œuvre illégale du congé sans salaire, qui était censé être un avantage, mais transformé en un outil usé et abusé arbitrairement par MK et ses administrateurs.

Menace de réduction de 50 % des effectifs

Dans leur plainte, les pilotes font un rappel des principaux faits qui ont marqué l’évolution du statut de leur emploi au sein d’Air Mauritius. Ils expliquent que lorsque le management de MK avait résolu, le 22 avril 2020, de placer MK sous administration volontaire, leurs conditions d’emploi étaient régies par deux conventions collectives, une première en date du 1er avril 2011 et une seconde en date du 1er octobre 2018.

Leurs droits acquis ont été mis en cause pour la première fois lors d’une réunion tenue le 6 mai 2020 en présence des membres de l’Association des employés des compagnies aériennes (AEA) et des administrateurs qui ont déclaré sans équivoque qu’ils se proposaient de réduire 50% de l’effectif des pilotes, de diminuer drastiquement l’enveloppe financière des pilotes restants et d’abolir les conventions collectives existantes. Ces mesures, selon MK et ses administrateurs, étaient nécessaires pour maintenir la compagnie aérienne nationale en activité. Cependant, dans la foulée, la MALPA a été chargée de présenter des propositions alternatives de réduction de 50% des coûts de main-d’œuvre des pilotes à être soumises aux administrateurs au plus tard le 13 mai 2020, faute de quoi les administrateurs imposeraient les mesures correctives annoncées.

Rs 600 millions d’économies par an rejetées

Dans cette perspective, le syndicat de pilotes et l’AEA ont élaboré une proposition conjointe pour la maîtrise des coûts de main-d’œuvre des pilotes de près de 50% tout en maintenant un maximum d’emplois. En termes réels, les pilotes ont proposé une réduction de Rs 450 millions par an en coûts de main-d’œuvre. Des économies supplémentaires de Rs 150 millions par an ont également été proposées par les pilotes sur des problèmes liés aux opérations commerciales quotidiennes de MK. En outre, les pilotes étaient disposés à envisager d’autres avenues pour donner aux administrateurs la marge de manœuvre financière nécessaire.

Cependant, le 19 mai 2020, ce plan de contraction des coûts de main-d’œuvre a été jugé insuffisant et inadéquat par les administrateurs qui ont exigé l’abolition non négociable des deux conventions en cours avant tout éventuel « nouvel accord». Au cas contraire, l’emploi de 50% ou plus de l’effectif des pilotes serait supprimé par un exercice de sélection unilatérale. Cette approche a été vécue comme un véritable ultimatum par les pilotes.

La MALPA affirme que les administrateurs avaient déjà fait appel au ministre du Travail afin d’être exemptés des dispositions et obligations énoncées à l’article 72 de la loi du Travail pour pouvoir licencier la moitié des pilotes sans condition. Les plaignants affirment que l’exemption a été accordée par voie de règlement le 29 mai 2020 (GN n ° 98 de 2020).

Avec cette épée de Damoclès sur la tête, le 16 juillet dernier les pilotes ont accepté à contrecœur de renoncer aux deux conventions collectives, remplacées par une toute nouvelle pour une durée de quatre ans, imposée unilatéralement. Ils expliquent n’avoir eu d’autres choix que de signer dans ces circonstances qui prévalaient, à savoir les rumeurs et annonces constantes de licenciements massifs ou de risques de liquidation imminente. De plus, ils pensaient que les clauses de la nouvelle convention collective seraient respectées puisqu’ils provenaient des administrateurs eux-mêmes. Sous le joug de la pression, les commandants de bord et leurs collègues soutiennent qu’“at that moment in time, a signed collective bargaining agreement for 4 years with minimal rights was still better than none ; furthermore, psychologically for its members, it brought about a respite ; an indication that they still had a future with MK”.

Abandon des deux conventions collectives

Malgré cette nouvelle convention collective, les administrateurs ont adressé des lettres d’offres individuelles à un nombre limité des membres de l’association des pilotes (70 membres), le 5 août 2020. Ces derniers n’avaient que deux jours seulement pour répondre à l’offre qui n’était pas négociable. Dans la panique de préserver leur emploi, 80% des membres ont signé dans les temps.  Le délai de 48 heures imparti pour accepter la lettre d’offre est considéré comme injuste, abusif et en violation des droits du travail, d’autant qu’il avait aussi pour dessein d’empêcher toute mobilisation et action légale ou autre.

Ainsi, les administrateurs et MK sont accusés d’avoir profité de la faiblesse et de la vulnérabilité de pilotes dans un moment où leur moral était au plus bas.

Une offre pas conforme au nouvel accord

Les plaignants affirment même que ses membres ont été induits en erreur, étant donné que les administrateurs ont stipulé que l’offre d’emploi était conforme à la convention collective récemment signée en juillet 2020. Ce qui n’est pas le cas, car certaines clauses sont manifestement abusives et illégales comme dans les clauses 2, 3, 4, et 5. Les plaignants affirment que leurs droits acquis en vertu de la convention collective signée en juillet 2020 ont été bafoués sur la base du principe juridique généralement accepté à Maurice que les termes d’une convention collective prévalent sur les contrats de travail individuel.

De même, en vertu de la nouvelle convention collective, le congé non payé (LWP) est un droit au même titre que d’autres congés et non un moyen pour l’employeur d’imposer sa volonté unilatéralement aux salariés comme stipulé dans l’article 2 de la lettre d’offre où MK est libre d’imposer 18 mois de congé sans solde à tous les pilotes sur une période de trois ans.

La MALPA affirme que non seulement les administrateurs ont réussi à rayer les deux conventions collectives antérieures, jugées trop onéreuses, mais ils ont été incapables de respecter celle qu’ils ont eux-mêmes imposé aux pilotes pendant plus de deux semaines. Par ailleurs, la lettre d’offre est une incarnation du flagrant mépris des administrateurs de MK pour la loi, mais aussi pour les employés, puisque ce n’est que le mercredi 23 septembre 2020 que le syndicat des pilotes a été informé que le congé sans solde (LWP) serait en vigueur pour tous à partir du 1er octobre, une semaine plus tard, notent-ils.

Politique de deux poids, deux mesures

Les pilotes insistent que le LWP est un outil de réduction des coûts entre les mains de l’employeur et que la question n’a jamais été discutée avec les syndicats au moment de la signature de la nouvelle convention collective. L’application de la LWP par MK signifie que sur chaque période de 12 mois, un employé ne toucherait que 6 mois de salaire en sus de la réduction de salaire de 40% consentie sur les émoluments annuels.

Dans ce contexte, les pilotes se retrouveraient en fait avec environ 30% de leur rémunération annuelle et, pire, tous ne sont pas traités de façon égale. La MALPA cite en exemple le cas des pilotes d’A330 et d’A350 qui ont été placés en congé sans solde de trois mois sur une base de rotation et ceux qui volent sur A330 et A340 qui ont été mis en congé immédiat pour six 6 mois sans solde. Ce qui signifie qu’ils resteront sans revenu pendant les six prochains mois après un préavis d’une semaine seulement.

La mauvaise foi alléguée de MK et des administrateurs a été mis en évidence lorsqu’ils ont réagi à la mise en demeure des pilotes du 29 septembre 2020 qui soulignaient avec force le traitement injuste et arbitraire qui leur est infligé. MK a, début octobre, réglé les sommes dues aux pilotes pour différentes indemnités contractuelles communes pour les mois de juillet, août et septembre 2020. Ce qui est considéré par les principaux intéressés comme un manque de respect et de mépris.

Enfin, les pilotes de MK disent avoir le sentiment qu’à chaque étape des conditions nouvelles et plus ardues leur sont lancées à la figure avec, à la clé, la menace que tout refus est susceptible d’entraîner la liquidation de MK ou la perte de leur emploi.

 

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